21 h
Finalement, j’avais eu un petit creux une demi-heure plus tôt. Et Damien avait visiblement anticipé la chose. Certainement parce qu’il me connaissait très bien. Il m’avait donc emmenée dans un resto que je ne connaissais pas : « Le donjon des délices ». L’établissement était très discret, dans une impasse, caché par un mur de végétation ; je ne l’aurais jamais vu s’il ne m’y avait pas accompagnée.
Une hôtesse, auprès de laquelle Damien se présenta, nous guida à travers un couloir en pierres de taille jusqu’à notre table. Je soupçonnai Damien d’avoir préparé son coup depuis belle lurette : quasiment toutes les tables étaient occupées. Çà et là, des personnes seules. Des hommes surtout. Mais une grande majorité de couples. J’eus un petit pincement au cœur en voyant les solos. Je trouvais ça un tout petit peu glauque. Me rendre toute seule dans un resto. Ça, c’était un truc que je ne faisais pas. Manger seule à une table, lorgner du coin de l’œil les tablées pleines, des amis, des amoureux… Quel cafard ! Autant rester chez soi et mater un bon film à la télé avec, à côté de soi, un bon plateau télé.
L’endroit était tout ce qu’il y avait de plus magnifique. Tout résidait dans la simplicité du lieu. Pas vraiment de fioritures, une déco sobre. L’ambiance était feutrée, de lourdes tentures de velours rouge tombaient souplement du plafond, accrochées aux murs par des embrasses de couleur dorée ; l’éclairage, dissimulé par des appliques joliment ouvragées, était tamisé. D’invisibles haut-parleurs distillaient du jazz en sourdine. Damien, plus gentleman que dans mes souvenirs, avança ma chaise. Il en faisait un poil trop à mon goût : tout ce tralala était un peu surréaliste, trop… intime.
Un signal d’alarme s’alluma dans un coin de ma tête : tout ceci ressemblait à s’y méprendre à un rendez-vous. Non. Je me faisais certainement des idées. Je lui avais expliqué à maintes reprises ce que j’attendais de notre relation : de l’amitié, rien de plus. Il m’avait d’ailleurs semblé qu’il avait compris le message.
Une serveuse s’approcha et nous tendit les cartes des menus. Pas de prix sur le mien. Je fronçai les sourcils. À quoi Damien pensait-il ? Il se la jouait grand seigneur en m’emmenant dîner dans un établissement hors de prix… mais qu’est-ce qu’il croyait ? Il s’imaginait peut-être m’impressionner en m’en mettant plein la vue ? En plus, je n’aimais pas les restaurants gastronomiques où on se rendait compte après avoir levé la cloche que chaque assiette faisait le concours de celle qui contenait le moins de bouffe. Genre noix de Saint-Jacques safranées, riz sauvage et petits légumes de saison : une noix de pétoncle, un mini ramequin de riz et trois épluchures de carottes surmontées d’un petit pois. Très joli. Mais pas de quoi boucher ma dent creuse. Il m’en fallait trois ou quatre fois plus pour être rassasiée. Sans compter que je n’étais pas de ces femmes qui minaudaient sans arrêt lors d’un repas, qui mangeaient du bout des lèvres des fois qu’un brin de persil leur bouche le trou du cul.
La jeune femme s’éloigna, ses hanches se balançant au rythme d’un pas gracieux et silencieux, mettant en valeur de longues jambes fuselées. Sa jupe était ultra-courte. Limite, on pouvait lui voir le nombril. Jamais je n’aurais osé porter ce genre de chose, mais visiblement, il semblait que ce soit l’uniforme imposé par la maison, puisque j’aperçus une autre hôtesse, vêtue exactement de la même manière.
Quelques instants plus tard, notre préposée aux commandes revint vers nous.
— Avez-vous choisi ?
Sa voix était douce, polie.
— C’est-à-dire que… auriez-vous une carte où figurent les prix ? m’enquis-je discrètement.
— Monsieur en a une, mais je peux vous en ramener une autre, si vous le souhaitez.
Damien se tourna vers elle.
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Un super héros sinon rien
ChickLitMoi, c'est Mélanie Le-Guennec, j'ai 32 ans. Depuis 3 ans, j'occupe un poste de chargée de com' pour une maison d’édition de la capitale, le travail rêvé pour la passionnée de lecture que je suis. Et je gagne assez bien ma vie... J'habite un endroit...