Chapitre II - Brochette de Mufles

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Premier constat : je n’étais pas à la même table que Lucy. Elle et moi faisions la paire, tant au bureau qu’à la ville et me retrouver à dîner à la même table qu’elle m’aurait permis de ne pas voir le temps passer. Ce qui m’amenait au deuxième constat. De loin le plus catastrophique : j’avais été placée à la table de Pierre-Marie ! Et tant qu’à faire, juste à côté de lui. Le genre de boulet-cas désespéré-cauchemar ambulant à éviter à tout prix.

Premièrement, Pierre-Marie, un des trois seuls hommes de l’équipe de Com, me trouvait super et m’adorait – en même temps, c’est normal, je suis un ange… Sauf que Pierre-Marie jouait la même scène à tout ce qui portait une jupe et ressemblait à une femme, dans les locaux de la maison d’édition.

Spécimen masculin tout ce qu’il y avait de plus banal – brun, teint terne, yeux marron, peau grasse, pores dilatés – c’était un homme de taille moyenne, d’intelligence moyenne et moyennement affable, à défaut d’être intéressant. Se prenait pour un jeune premier, or son trentième anniversaire semblait remonter aux calendes grecques. Et que rajouter au tableau sinon que c’était le type le plus lourd que j’aie jamais rencontré ?

Conclusion : la raison de cette proximité de ma chaise avec celle de Pierre-Marie ainsi que de l’éloignement géographique entre Lucy et moi n’était pas un hasard.

C’était une déclaration de guerre.

Il fallait être lucide : la pouffiasse avait décidé de me pourrir la vie. Pourquoi ? Et pourquoi pas ? Tout ce que je savais, c’est qu’elle ne tenait pas à la vie.

« Oh, ma connasse ! Tu viens de réveiller la super-vilaine qui sommeillait en moi… » pestais-je intérieurement.

Vibration de la superbe pochette assortie à ma robe. J’y récupérai discrètement mon smartphone. C’était Lucy. Heureusement qu’elle était là ! Même à des années-lumière de ma table, elle trouvait le moyen de me soutenir.

< paix à son âme ! >

< hein ? > répondis-je, pas très sûre de comprendre.

< t’as vu ta tête ? Qui va mourir ? >

< la Myriam, d’ici la fin de la soirée ! >

<ce n’est pas un peu expéditif ? > plaida Lucy.

Ah, Lucy et son grand cœur ! Toujours à chercher l’atome de bonté caché au plus profond de l’être humain. Même du plus abject… Vive le pays des Bisounours ! La totale opposée de l’autre connasse. Je me demandais toujours comment elle faisait pour avoir autant d’abnégation. Un peu trop gentille, mais c’était aussi pour ça que je l’aimais et c’était pourquoi notre amitié était si forte. Je pouvais lui accorder ma confiance les yeux fermés. Gentille, je l’étais aussi, toutefois, il ne fallait pas trop pousser mémé dans les orties. Et là, en l’occurrence, Myriam avait trop tiré sur la corde. Je m’empressai de renvoyer un SMS à Lucy.

< fallait pas me chercher ! >

Je levai la tête et regardai dans sa direction, les lèvres étirées par un sourire sadique. La réponse de mon amie ne tarda pas à arriver.

< Mel, parfois tu me fais flipper. >

< je sais > pianotais-je sur mon portable avant de la chercher du regard et de lui adresser un clin d’œil.

Je décidai d’essayer de me concentrer sur les convives présents à ma table malgré les rouages de mon cerveau qui fonctionnaient à plein régime, cherchant le meilleur moyen de rendre la politesse à l’autre s…

Un super héros sinon rienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant