Les Lames de l'Ombre

Chapitre 22 - Partie 2

Au plus grand bonheur de Finemouche et de ses camarades, le navire ennemi en queue de ligne bifurqua et sortit du rang pour aller confronter ce nouvel arrivant inattendu.

« Plus que deux galions à gérer », pensa Finemouche.

C'était mieux, bien que pas terrible non plus. De toute façon le temps n'était plus à la réflexion, elle délaissait cette tâche à son capitaine sans aucune crainte. Les navires seraient sur eux dans moins de cinq minutes. Voici venir le temps de l'action, mille sabords !

En parlant de sabords, ceux du pont principal furent ouverts sur ordre de la maître canonnière qui hurlait à en perdre la voix pour couvrir l'agitation sur le Fabuleux.

- Finemouche ! l'appela le capitaine en se penchant au-dessus de la rambarde supérieure. Faites changer de côté les canons du sloop.

- Heu... Tout de suite ! répondit-elle tout en s'agaçant de ce changement d'avis.

Finemouche ne comprit que très tard ce que voulait faire le capitaine. Alors que les deux chasseurs ennemis n'étaient plus qu'à une centaine de mètres, Diabolo manœuvra pour écarter leur vaisseau d'un quart sur la gauche et le sloop de Denis suivit le mouvement, formant ainsi une ligne de file filant vers l'Ouest.

Les chasseurs n'eurent d'autre choix que de bifurquer également pour suivre le mouvement initié par Wyntemer. Contrairement à ce qu'avait fait croire le capitaine, ils n'allaient pas les laisser passer entre eux. Les deux lignes de navires filaient désormais dans la même direction et se rapprochaient lentement l'une de l'autre.

- Et voilà le travail, se réjouit Wyntemer. Nos ennemis sont sous le vent, qu'ils essayaient donc de nous aborder maintenant !

- Avouez que vous avez improvisé sur ce coup capt'aine, ricana Diabolo à sa droite.

- Mmh... Je m'adapte au terrain ma chère.

Les deux lignes se resserraient progressivement. Finemouche au milieu du pont levait le bras en l'air, faisant signe aux canonniers d'attendre avant d'embraser la mèche de leurs armes. Ils allaient bientôt être à portée de tir.

- Attendez encore un peu ! somma le vieux barbu au-dessus d'eux.

Les galions se rapprochaient. La jeune femme commençait à distinguer des silhouettes humaines sur les ponts ennemis qui s'agitaient. Une trompe sonna subitement et les sabords adverses s'ouvrirent, dévoilant deux rangées de canons lourds braqués sur eux. Finemouche écarquilla les yeux. Une sueur froide parcourut son échine en voyant les armes pointées sur elle.

- Capitaine ?! hurla-t-elle angoissée.

- Encore un tout petit peu de patience ! Tenez-bon !

Mais les ennemis, eux, n'attendirent pas plus longtemps. Les détonations retentirent abruptement et les boulets de plomb adverses s'élancèrent vers le Fabuleux. Tous se couchèrent au sol, sur les ordres de Finemouche. Elle-même s'accroupit et se boucha les oreilles, priant pour qu'aucun ne vienne achever son existence.

Fort heureusement, la plupart des boulets s'écrasèrent dans l'eau avant d'atteindre le navire. Seuls quelques-uns vinrent rebondir contre la quille par manque d'inertie. Les pirates se relevèrent, soulagés d'être encore de ce monde. Finemouche jeta un vif coup d'œil au capitaine qui lui fit un clin d'œil malicieux et lui dit de la voix la plus monotone possible :

- Feu.

- FEEEUU !!! répéta la maître canonnière de toutes ses forces.