Chapitre 4 - Partie 2

141 64 18
                                    

Les abysses. Que pouvaient-ils cacher ? Quelles créatures infernales pouvaient se terrer dans leur noirceur ? Avait-elle vraiment envie de le savoir ?

A chaque fois, c'était le même cauchemar. Son corps s'enfonçait lentement dans l'eau, la lumière s'amenuisait. Elle ne pouvait plus bouger. Elle était condamnée à se laisser dévorer par d'immenses créatures dont les yeux de rubis étaient les seules sources de lumière au fond des ténèbres.

Elle sentait des coups contre son flanc. On la frappait et elle se recroquevillait encore plus. Un coup particulièrement vigoureux dans son ventre la sortit aussitôt de son rêve. Quand elle ouvrit les yeux, entre les rayons éblouissants du soleil se dessinaient deux silhouettes penchées au-dessus d'elle, marmonnant des choses indistinctes. Même en se concentrant, leur échange restait incompréhensible. Et ce n'était pas parce qu'elle commençait à délirer ; ils parlaient une langue qu'elle ne comprenait pas.

A peine Finemouche eut le temps de regagner ses esprits que les deux mystérieux individus la saisirent par les bras et la trainèrent férocement vers une barque au bout de la plage. Aïe ! La douleur provoquée par la pression sur ses hématomes acheva de la sortir de sa rêverie.

Quand la jeune femme reconnut les tuniques rouges de l'Empire Britannique que portaient ses deux ravisseurs, son sang ne fit qu'un tour. Elle aurait voulu hurler, se débattre, mordre le bras de ses ennemis, mais tout ce qu'elle arriva à faire fut de grogner indistinctement et de serrer les dents, ce qui n'attira même pas leur attention. Les salauds qui étaient responsables de la disparition de son père, elle aurait voulu les insulter de tous les noms mais elle ne savait même pas parler anglais.

C'est alors qu'elle aperçut le sloop aux couleurs du Royaume Uni arrêté à un trentaine de mètres de la bande de sable.

« Ces ordures se permettent de traverser la frontière en toute impunité, » vociféra intérieurement la survivante.

Ou alors, se pourrait-il que la tempête l'ait déposée sur une île en territoire britannique ? Dans ce cas, s'ils se rendaient compte qu'elle était corsaire espagnole, elle allait être emprisonnée et serait responsable d'une escalade des tensions entre les deux nations. Elle qui n'était qu'une jeune femme perdue au milieu des mers, elle allait peut-être entrainer une nouvelle guerre sanglante.

Les deux hommes la jetèrent violemment dans la chaloupe et la bâillonnèrent sans ménagement avant de finalement lui attacher les bras. Un autre duo de tuniques rouges se pressa à l'arrière, faisant des signes de mains à leurs compagnons pour les attendre.

Finemouche sentit son échine se hérisser lorsque les deux autres soldats balancèrent dans la chaloupe le corps inconscient du pirate survivant.

Était-il mort ? Allaient-ils penser qu'elle en était responsable ?

La prisonnière secoua doucement la tête pour dégager une mèche de cheveux sablonneuse devant ses yeux et fixa le criminel immobile. Impossible de dire dans quel état il était. Une autre pensée lui traversa l'esprit et lui glaça le sang. Et s'ils pensaient qu'elle était avec lui ?

Sa mâchoire se crispa. Elle aurait dû le tuer. A cause de sa faiblesse, elle allait être pendue pour piraterie en place publique. Elle qui redoutait qu'on la prenne pour une corsaire espagnole, elle se sentit soudainement bien stupide. On allait de malheurs en malheurs.

Arrivé au navire, les soldats la hissèrent sur le pont et l'emprisonnèrent dans un cachot lugubre au fond de la cale. Un endroit sale dont les moisissures semblaient avoir pris possession depuis de nombreuses années. Elle se retrouva seule, enfermée dans l'obscurité et l'humidité des geôles d'une embarcation anglaise qui partait pour un endroit qui l'éloignait peut-être encore plus de son objectif. Où était le pirate ? Était-il en vie ? Voilà des questions dont les réponses allaient surement lui être cachées longtemps.

Les Lames de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant