CHAPITRE 16

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Dalanda s'étira longuement puis ouvrit les yeux. Elle remarqua que Najma n'était plus dans le lit. Elle se leva brusquement. Quelle heure était-il? Elle jeta un coup d'oeil à ses vêtements. Elle a dormi toute habillée. Lourde, elle se leva, fit quelques pas avant de s'écrouler. Elle décida finalement de rester assise par terre, le temps de revenir à la réalité.
- Maman ! Qu'est-ce que tu fais par terre, tu es tombée du lit?
Najma qui venait d'entrer et l'avait vue par terre se précipita vers elle.
- Non, ma fille, tout va bien...
- Je n'avais jamais remarqué à quel point tu avais une sale tête au réveil, déclara Najma en souriant.
Dalanda n'avait pas la force de sourire.
- Rien à voir avec le réveil, Najma...j'ai fais un cauchemar terrible.
- Tu veux en parler?
- Pas vraiment...et toi, tu as bien dormi?
- Oui, maman...
Le visage de Najma s'assombrit. Dalanda sentait comme sa fille essayait de lui cacher quelque chose.
- Maman...je...il faut que tu viennes au salon. Là, tout de suite.
- Avec cette tête...? Qu'est-ce qui se passe ?
- Viens avec moi, s'il te plaît.
Najma sortit immédiatement. Dalanda se sentait un peu mieux, elle alla se passer de l'eau sur le visage et se rincer la bouche. Elle voulait se changer mais tous les vêtements qu'elle trouvait dans le placard étaient petits. "Quelle idiote, j'ai oublié que j'avais passé la nuit avec Najma". Malgré elle, elle sortit rejoindre Najma qu'elle trouva arrêtée devant l'entrée avec Hassan, discutant avec des policiers. Des policiers? Le coeur de Dalanda se mit à battre la chamade. Noria! Ebenezer! Tout ce qu'elle croyait être un rêve n'était en fait qu'une scène qu'elle avait vraiment vécu...
- Comme je vous l'ai dis inspecteur, ma femme était bien là hier avec nous, déclara Hassan.
Dalanda se sentait vraiment paniquée. Si Hassan discutait à propos de sa présence à la maison avec l'inspecteur, cela voudrait dire qu'elle était soupçonnée d'avoir un lien avec le drame de la veille. Essayant d'être le plus naturel possible, elle intervint:
- Bonjour inspecteur, je suis Dalanda Mevi. Que nous vaut l'honneur d'une visite aussi matinale?
- Bonjour madame. Nous avons ouïe dire que vous connaissiez une certaine Noria Souma.
- En effet, balbutia-t-elle. C'est...mon assistante personnelle. Que se passe-t-il ?
- Madame, votre assistante a été retrouvé à moitié morte dans une chambre d'hôtel hier. Nous avons reçu un appel anonyme cette nuit qui nous a permit de retrouver le corps de la jeune femme.
Bien qu'elle savait déjà ce qui était arrivé, cette nouvelle la brisa à nouveau. Lentement elle s'assit à même le sol et ferma les yeux. La scène lui revint en tête tel un flash-back et elle se mit à pleurer.
- Maman!
Najma se précipita vers elle et voyant sa mère en larmes, les siennes se mirent à couler.
- Inspecteur...dites-nous en plus, demanda Hassan, attristé par l'état de son épouse.
- Eh bien, à notre arrivée sur les lieux, elle était nue. Étendue sur le sol. Et les premières enquêtes ont révélé que...qu'elle a été victime d'abus sexuel.
Quand Najma entendit ça, elle sentit son cœur lâcher.
- Noria...a été violée ? Fit-elle en bégayant, les larmes aux yeux.
- Oui, mademoiselle...
Dalanda se jeta aux cols du policier avant de déclarer d'une voix suppliante :
- Pitié, dites-nous qu'elle va bien, inspecteur ! S'il vous plaît !
Ce dernier baissa la tête. Puis d'un ton ferme mais rempli de compassion, il annonça la terrible nouvelle :
- Malheureusement madame...votre assistante est décédée.
- Noooooooonnnn!
Le long cri que Dalanda poussa était si déchirant. C'était la deuxième fois qu'elle poussait un cri de détresse aussi horrible qu'il traverserait le corps de tout être sensible qui l'entendrait.
- Noria...elle n'a pas pu partir...dites moi que vous mentez s'il vous plaît.
Hassan se couvrit le visage et se mit à pleurer en silence. Najma assise près de sa mère, la soutenait par les épaules et pleurait elle aussi.
- Je suis désolé, madame. Votre assistante était asthmatique et le légiste nous a fait comprendre qu'elle a certainement fait une crise pendant le viol. Et certaines traces sur son corps laissent croire que l'agresseur lui aurait fermé la bouche pour l'empêcher de crier. Elle a donc manqué d'air...
Dalanda en avait assez entendu. Elle se leva immédiatement et poussa l'inspecteur dehors en hurlant.
- Sortez d'ici ! Allez-vous en!
- Hé, mais qu'est-ce qui vous prend?
- Sortez de chez moi!
- Maman, arrête ! S'écria Najma, angoissée que sa mère puisse être devenue folle.
Hassan intervint pour faire sortir l'inspecteur des griffes de Dalanda.
- Dalanda! Bon sang, tu as perdu la tête ?
- Oui, je suis devenue folle! Oui j'ai perdu la tête !
Hassan la laissa entre les mains de Najma et sortit s'entretenir avec l'inspecteur.
- Veuillez excuser mon épouse s'il vous plaît, elle est en état de choc en ce moment.
- C'est bien pour cela que je laisserai passer pour cette fois. Autrement, je lui aurais fais passer un séjour au violon.
- Je vous remercie pour votre compréhension monsieur l'inspecteur.
- Lorsqu'elle aura reprit ses esprits, venez tous les deux. Nous avons besoin de vous interroger. Et le plus tôt sera le mieux.
Il sortit et Hassan referma la porte. D'un pas déterminé, il entrait pour faire la morale à Dalanda lorsqu'il remarqua son absence:
- Où est ta mère ?
- Papa, elle est allée s'enfermer dans la cuisine et je l'ai vue avec une bouteille d'alcool.
- De l'alcool? De mieux en mieux...depuis quand on a de l'alcool dans cette maison?
Sentant la colère monter, il se dirigea vers la cuisine et tourna la poignée de la porte mais elle ne s'ouvrit pas. Il regarda à l'intérieur à travers la vitre de la porte et l'aperçut assise à même le sol, adossée au réfrigérateur et avalant de grandes gorgées d'alcool.
- Dalanda! Dalanda, ouvre cette porte!
Il essaya de forcer la serrure mais elle ne céda pas. Najma lui toucha le bras:
- Papa, laisse la...elle est traumatisée par la mort de Noria. On ne peut pas lui en vouloir...
- Je comprends parfaitement ma fille, et moi aussi j'ai mal...mais ce n'est pas une raison pour avoir un comportement déplacé avec les représentants de l'autorité ni de consommer de l'alcool.
- Papa...maman a toujours été une femme forte. C'est une femme qui préfère garder ses émotions pour elle. pour une fois, elle exprime sa vulnérabilité, sa douleur...mettons nous à sa place et essayons de la comprendre.
- Mais nous sommes là pour elle, Najma...
- Oui...mais parfois, on a besoin d'être seuls pour pleurer toute notre peine...je te propose quelque chose: lorsqu'elle se sera endormie, nous forceront la porte pour la récupérer...et on prendra soin d'elle...c'est dur, mais pour le moment, laissons la seule.
Najma a raison, pensa Hassan. Dalanda a toujours fait taire ses émotions pour soutenir tous ceux qui ont des problèmes. Aujourd'hui, elle a tellement mal qu'elle préfère rester seule et se soûler la gueule. N'est-ce peut-être pas mieux ainsi? Au moins, elle se libère à sa manière...
- D'accord ma chérie...laissons la.
Ils s'éloignèrent. Dalanda, quant à elle, sentait qu'elle était au bord de la folie. Noria était morte...tout ça parce qu'elle avait été obligée d'exécuter un plan dans l'unique but d'assouvir sa vengeance. Noria ne viendra plus travailler avec elle à l'ONG. Elle ne lui fera plus de bons plats dont elle seule avait le secret. Elle se souvint quand elle lui disait qu'elle serait le chef cuisinier de son prochain restaurant. Noria avait tellement de projets: elle voulait ouvrir son propre restaurant, se marier, fonder une famille. Et maintenant? Plus rien...elle n'a pu réaliser aucun de ces projets. "Tout est de ma faute...pardonne moi Noria". Elle se laissa tomber par terre en hoquetant et sniffant.
Comme il fallait s'y attendre, la nouvelle du décès de Noria se répandit. Cela engendra une grande révolte dans le quartier. Les femmes furieuses sortirent en masse et manifestèrent leur mécontentement et leur ras-le-bol. Ceci eût pour effet de perturber la circulation, les commerces et même les cours. Elles débarquèrent au Collège Municipal de Kara et firent un tel boucan que les cours furent suspendus. Syra et ses amis avaient rangé leurs affaires et avaient prit la direction de la maison.
- Pourquoi un tel vacarme? Demanda Syra.
- Quoi, tu n'as pas appris? Il paraît qu'une jeune femme a été violée et assassinée la nuit dernière, répondit Anicette, une de ses camarades.
- Oh mon Dieu! S'écria-t-elle. Encore un autre viol...mais ça fait un bon moment qu'on ne voyait plus ce genre de choses arriver, depuis...
- Depuis le viol de Najma, termina Imane.
Syra serra les poings.
- Mais au fait...on ne te voit plus avec elle, ces temps-ci. Vous n'êtes plus des meilleures amies?
Syra respira profondément et décida de changer de sujet.
- Qui est cette jeune femme qui est décédée ?
- Elle se nomme Noria, justement il paraît qu'elle était l'assistante de la mère de Najma.
À ces mots, le coeur de Syra fit un bond dans sa poitrine. Elle connaissait très bien Noria. Elle l'avait toujours trouvée très gentille, toujours souriante et très douce. Elle savait Najma très proche de Noria et à quel point elle devait se sentir très triste en ce moment.
-Syra? Tout va bien? Demanda Anicette.
Elle sursauta.
-Oui...tout va bien. Excusez-moi mais je vais vous devancer, je dois aller m'occuper de maman.
- Mais et pour l'enquête de ton frère ?
- Je vous appellerai ce soir, promis, fit-elle pendant qu'elle courait en direction de la maison. Elle se demandait si elle ne devait pas aller voir Najma pour au moins lui présenter ses condoléances et lui apporter un peu de réconfort. Mais lorsqu'elle rentra chez elle et vit sa mère allongée, muette et le regard vide, le visage ayant vieilli de 10 ans à cause du chagrin, la colère qu'elle avait contre Najma refit surface. Elle ne méritait aucune compassion, bien au contraire. Syra alla, d'un air furieux, se changer. Avant d'aller faire la cuisine, elle regarda son téléphone : il était 10h30. Elle avait encore le temps. Elle avait téléchargé une application de musique pour la méditation. Avant de l'essayer, elle s'assura que sa mère allait bien et elle la trouva endormie dans le canapé. Rassurée, elle vint sur la terrasse et mit son casque audio. La musique "chant des vagues" attira son attention et ce fut celle-là qu'elle décida de mettre. Quand la musique commença à jouer, elle ferma les yeux et se laissa transporter. La colère l'empêchait de se concentrer et elle, elle avait besoin d'assez de concentration pour trouver les éléments essentiels pour retrouver rapidement son frère.

Dalanda, ressaisie, sortit faire un tour. A son retour, elle gara la voiture devant l'entrée de lamaison. Elle descendit et entra. Elle se dirigea directement vers la cuisine ettrouva un mot accroché sur la porte. « Machérie, moi et Najma sortons pour aller à l'hôpital. Nous allons remplir toutela paperasse et après, nous irons voir la famille de Noria pour leur présenternos condoléances et les aider dans les différents préparatifs des obsèques. Net'inquiètes pas, je trouverai une excuse à ton absence. Repose-toi bien, bisous ».Dalanda froissa la feuille et la jeta dans la poubelle, l'air indifférent. Puiselle se mit à faire la cuisine. Elle s'appliqua pour la réussite de son platcomme si elle allait le présenter à un jury. Après quoi, elle regarda sa montre.Il était 12h. C'était l'heure du déjeuner. Elle porta son plat à la cave. Lorsqu'elle ouvrit la porte, elle trouva Ebenezer qui avait l'air désorienté. Il essayait de se détacher et ne comprenait pas ce qu'il faisait là. A ses côtés, Moctar, qui semblait fiévreux et affamé.

-Je vois que vous êtes réveillé, je suis heureuse de voir que vous n'êtes pas mort.

-Je vous connais, vous, déclara-t-il, stupéfait. Vous êtes...

-Oui, oui, on sait qui je suis. Et moi aussi je sais qui vous êtes. Hey, Moctar. Tu te rappelles ? Je t'avais promis te ramener un petit compagnon de cellule si tu te tenais bien et regardes...j'ai tenu parole. Je te présente M. Ebenezer. C'est ton homologue violeur à la seule différence qu'il est aussi un assassin.

-Mais, je n'ai violé et tué personne.

-Qui vous a donné ce coup à la tête hier soir à l'hôtel, à votre avis ?

Il ouvrit des yeux ronds, abasourdi.

-Vous ?

-Vous savez, j'aime raconter des histoires. Et j'en ai une justement qui devrait vous plaire.

Elle s'assit face à eux et commença sur un ton calme.

Répression sanglanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant