CHAPITRE 8

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Dalanda était rentrée chez elle. Il était 18h à présent et Hassan ne tardera pas à arriver. Elle avait prit soin d'injecter une solution anesthésiante à Moctar; son intention était qu'il n'ait pas l'occasion d'appeler à l'aide au cours de la nuit et ainsi attirer les soupçons sur elle.
Après avoir prit sa douche, elle fit la cuisine et dressa la table. Quand ce fut fait, elle s'installa confortablement pour regarder la télé. Cependant, ses yeux fixaient l'écran sans y voir grand chose. Son esprit vagabondait. Elle se surprit à ressentir une colère encore plus grande rien qu'en repensant à tout ce que Moctar avait fait endurer à sa fille. Puisque son message de sensibilisation n'était pas passé, peut être que la repression aiderait.
Elle était toutes à ses réflexions lorsque son téléphone sonna.
- Allô, Noria !
- bonsoir madame. J'ai fais ce que vous m'aviez demandée. Je vous ai envoyé la vidéo sur votre compte WhatsApp.
- très bien, merci.
Elle raccrocha et s'empressa d'aller visualiser la vidéo. Noria avait fait un excellent travail. Là-dessus, on ne voyait que Moctar, ensanglanté, qui avouait son crime et demandait pardon à Najma. Dalanda n'apparaissait pas dessus et c'était tout ce qu'elle voulait. La deuxième partie de son plan pouvait commencer. Elle rappela Noria.
- bon travail, Noria. À présent, envoie la vidéo sur internet. Tout le monde doit voir ça. Je m'occupe du reste.
Après avoir raccroché, elle afficha un air satisfait. "Tu as osé t'en prendre à ma fille? Crois moi, je te ferai payer pour chaque mal qu'elle a coulé".
De son côté, Noria hésitait. Non seulement elle avait peur du monstre qu'était devenu sa patronne mais elle avait l'intime conviction que cette histoire finirait mal. Et dans ce cas de figure, elle, Noria, sera considérée comme sa complice.
Elle ne savait pas quoi faire. Oui, Moctar méritait ce qui lui arrivait; mais après ses aveux, il était toujours retenu prisonnier par Dalanda. Que comptait-elle faire de lui?
Les doigts tremblants, elle appuya sur la touche "partager". La vidéo circulait à présent sur Internet.
Hassan était rentré avec, à ses côtés, Najma. Le médecin avait enfin permit qu'elle sorte de l'hôpital car, disait-il, elle avait besoin de revenir à son ancienne vie et de la chaleur familiale pour prendre un nouveau départ. Dalanda les accueillit presqu'en pleurant, heureuse de de voir sa fille de retour à la maison.
- bienvenue chez toi ma chérie, fit-elle en la câlinant. Tu dois être épuisée. Je t'aide à monter dans ta chambre, tu verras, tu seras agréablement surprise.
Hassan et elle se regardèrent d'un air entendu et Dalanda aida sa fille à monter doucement les marches de l'escalier. Lorsqu'elles arrivèrent devant la porte de la chambre de Najma, Dalanda poussa la porte. Najma fut tout de suite éblouie.
- wahou...maman...
- tu aimes?
La chambre de Najma avait été entièrement refaite. Les murs repeints en rose, des paillettes et des pétales de rose jonchaient le sol et le lit. Un parfum incroyable flottait dans l'air et des ballons de baudruche de couleur jaune qui affichaient les mots "BIENVENUE NAJMA" étaient accrochés au mur. Un beau nounours blanc de la taille d'un enfant de 3 ans trônait sur le lit.
Elles s'avancèrent jusqu'au milieu de la chambre pendant que les yeux de Najma parcouraient toute la pièce.
- c'est magnifique, maman...merci.
- je suis heureuse de voir ce sourire sur ton visage, fit-elle émue.
Elles s'assirent sur le lit, sous le regard attendri de Hassan qui venait d'arriver.
- tu vois ce nounours? Chaque fois que tu te sentiras seule pendant la nuit, tu pourras le serrer contre toi. Papa et moi y avons laissé quelques gouttes de nos parfums respectifs pour qu'en le prenant dans tes bras, tu sente notre présence.
- merci maman ...
Dalanda passa les doigts dans les cheveux de sa fille.
- devine quoi, on mange ton plat préféré ce soir.
- je n'ai pas l'appétit, maman...
- ah non! Je ne veux rien savoir. Tu dois manger quelque chose ou je te fais avaler de l'huile de foie de morue!
- Dalanda !!!
Le cri strident de Hassan la fit sursauter. Elle le regarda, inquiète.
- tiens, regarde!! Fit-il en lui tendant son téléphone.
Najma se rapprocha de sa mère pour mieux voir et quelle ne fut sa surprise en tombant sur les aveux de Moctar. Sur le coup, elle redevint silencieuse et froide. Elle tenait le nounours blanc dans ses bras et ses ongles y étaient plantés. Plus Hassan écoutait, plus la colère montait en lui. Il fonça sur sa fille.
- est-ce que c'est vrai? C'est lui qui t'a fais ça?
Najma regarda son père, effrayée.
- réponds moi!!
- Hassan! Laisse la! Fit Dalanda en essayant d'arracher Najma aux mains d'un père blessé.
- qu'elle me réponde immédiatement !
- oui, lâcha-t-elle entre deux sanglots. C'est lui papa...c'est Moctar, le frère de Syra...
Il la lâcha et sortit précipitamment.
- Hassan! Hassan!
Dalanda sortit, laissant Najma en pleurs sur son lit et dévala rapidement les marches de l'escalier pour rejoindre son mari qu'elle trouva, tournant en rond au salon, les nerfs à vif.
- Hassan! Pourquoi brutaliser ainsi ta fille? Qu'est-ce qu'elle a fait?
- c'est impossible! Ça ne peut pas être lui!
- et pourquoi pas? Parce que c'est un saint peut être ? Je te l'avais dis il y a six mois que j'avais des doutes sur lui et qu'est-ce que tu as fais? Tu m'as rabrouée en m'accusant de délirer.
- ce n'est pas vrai!
- si, ça l'est !
- ce n'est ni plus ni moins qu'un montage. Moctar a toujours prit soin de Najma depuis qu'elle était au primaire.
- il faut croire que le loup s'était caché dans la bergerie !
- mais pourquoi tu persiste à croire que c'est lui?
- ta fille vient de le reconnaître, bon sang!
- elle est encore sous le choc, elle doit le confondre. On parle de Moctar, ce jeune homme si serviable, si gentil. Le frère de sa meilleure amie.
- eh bien, ce sale hypocrite a violenté plusieurs fois notre fille avant d'abuser d'elle. Je le sais parce qu'elle l'a dit dans son journal intime.
Hassan s'arrêta et se retourna vers elle.
- je suis même allée à la police avec le journal, tu sais ce qu'ils m'ont dit? Que ça ne pouvait rien et qu'ils ne pouvaient pas rouvrir le dossier !
Hassan hurla de colère avant de taper du poing dans le mur. Puis il sortit en colère pendant que Dalanda l'appelait, pour le retenir. Elle était partagée entre l'envie de suivre son mari pour l'empêcher de faire n'importe quoi et celle d'aller voir sa fille pour la rassurer. " De toutes façons, il ne le trouvera pas là bas car je suis sûre qu'il se rend chez les Dior. J'ai le temps devant moi pour organiser la suite des évènements". Elle remonta les marches de l'escalier et alla rejoindre Najma.

Comme elle l'avait prédit, Hassan s'était rendu chez les Dior. A son arrivée, il frappa si violemment que tous les voisins sortirent voir ce qui n'allait pas.
- ouvrez cette porte! Ouvrez la ou je la défonce !
La porte s'ouvrit, laissant apparaître Syra, surprise.
- tonton Hassan? Qu'est ce que tu fais ici?
- pousse toi!
Il la poussa violemment et fit irruption au salon où il trouva la famille Dior à table:
- où est votre putain de violeur de fils, que je lui casse la gueule !
- Mais Hassan! Comment oses-tu pénétrer chez moi et faire tout ce bruit?
- Oumar, dis moi où est ton fils!
- il est sorti, tonton. Depuis ce matin, il a dit qu'il allait travailler et il n'est pas encore rentré.
- ce vaurien a sûrement prit la fuite!
Il se saisit du vase posé sur l'armoire à côté de lui et le lança sur le mur. Le vase se brisa dans un grand fracas. Il se saisit des cols d'Oumar et le secoua vigoureusement:
- comment tu as pu le laisser filer ainsi?
- mais laisse mon mari tranquille, qu'est ce qui te prend? Fit Natacha Dior, l'épouse d'Oumar, mère de Syra et Moctar. Elle s'interposa entre les deux hommes.
- votre fils est un violeur! Il a violé ma fille! Qu'est ce qu'elle lui a fait ? Elle n'a que 14 ans! Ne pouvait-ol pas chercher une fille de son âge?
- mon frère n'aurait jamais fait ça! Si c'était le cas, Najma me l'aurais dis, je suis sa meilleure amie !
- oh, tais toi! Arrête de le vénérer ainsi. Najma n'a rien dit jusque là parce que je suis sûr qu'elle appréhendait ta réaction et savait que tu aurais pris la défense de ton frère.
Syra se tut.
- quelles sont les preuves que tu as pour accuser mon fils de la sorte? Demanda Oumar qui commençait à perdre patience.
- Najma l'a avouée elle-même, la lecture de son journal intime prouve que votre fils, le saint parmi les saints, brutalisait ma fille et si vous n'y croyez toujours pas, regardez ça !
Il sortit son téléphone et montra la vidéo à toute la famille. Un calme plat envahit la pièce. Tous étaient à la fois attentifs et choqués par ce qu'ils entendaient. Syra s'assit, le regard perdu. Elle était persuadée que son frère ne ferait jamais de mal à qui que ce soit, à plus forte raison à sa meilleure amie; mais cette vidéo laissait croire que son frère était l'auteur du malheur qui avait frappé Najma.
- qu'il continue à courir, tant qu'il peut. Parce que non seulement je porterai plainte mais en plus je le traquerai et je lui ferai la peau!
Il sortit d'un pas déterminé et claqua la porte derrière lui. Natacha se laissa tomber dans l'un des fauteuils près de sa fille. Elle n'en revenait toujours pas. Oumar prit son téléphone et vit qu'il avait reçu de nombreux appels des membres de la famille élargie et des connaissances. Lorsqu'il les rappela, ils avaient tous la même question : " tu as vu la vidéo ?". Il essaya tant bien que mal de les rassurer que ce n'était pas vrai et que cette vidéo résultait d'une machination pour salir la réputation de son fils et par ricochet, celle de la famille. Syra se sentait agacée. Comment pouvait-on d'écrire son frère d'une manière aussi monstrueuse?
- je l'appelle mais son téléphone est éteint.
- qui?
- Moctar, voyons, qui d'autre? Fit Oumar.
- tu ne vas pas me dire que tu crois à cette histoire ? S'écria Natacha.
- bien sûr que non. Mais on a besoin de sa version des faits. S'il est vraiment en fuite, ça ne fera que renforcer l'opinion des gens quant à sa culpabilité.
Syra se leva brusquement et entra dans sa chambre, en claquant la porte. Natacha alla frapper, paniquée.
- Sysy, ouvre cette porte!
- laisse la, Natacha...
- je ne peux pas la laisser. Elle est cardiaque et tu le sais bien. Les émotions fortes comme celle que nous sommes en train de vivre peuvent la rendre malade et je refuse de perdre ma fille à cause d'une rumeur mensongère. Syra! Syra!
Syra était couchée, les écouteurs dans les oreilles. Elle n'avait envie de voir personne. Juste dormir.

Répression sanglanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant