Syra avait marché longtemps en parcourant tout le quartier. Il était 18h quand exténuée, elle vint s'asseoir devant un atelier de peinture. Cela faisait une semaine qu'elle faisait le tour du quartier à la recherche d'indices sur l'endroit où pouvait se trouver Moctar. Les pieds poussiéreux, assise sur les marches de l'escalier devant l'atelier, elle se prit la tête entre les mains. Elle commençait vraiment à perdre espoir. Elle avait questionné tous les amis de son frère, elle avait même traîné sur le campus où fréquentait son frère. Mais toujours rien...
- Syra?
Syra sursauta. En face d'elle se tenait un homme assez robuste, de teint noir et grand de taille, vêtu d'une salopette tâchée de couleur comme s'il avait sauté dans une flaque de peinture.
- Tonton Ben?
- Que fais-tu ici ma fille, en plus à cette heure?
- C'est une longue histoire, tu sais...et toi que fais-tu ici?
- Bah, c'est mon atelier...je venais récupérer certaines affaires avant de rentrer à la maison.
Syra ne fut point étonnée. Avec tout ce qu'elle avait en tête, normal qu'elle n'ait pas reconnu l'atelier de son oncle. Celui-ci s'assit près d'elle.
- Tu devrais rentrer ma fille, le soleil est déjà en train de se coucher et il fera bientôt nuit. Tes parents vont s'inquiéter.
- Mes parents? Ils ne s'inquiètent même pas de là où peut se trouver Moctar, comment pourront-ils s'inquiéter pour moi?
- Ne dis pas ça, voyons...
- Et pourtant c'est vrai, tonton. Mon frère est accusé injustement de viol et il est porté disparu. Personne ne sait où il se trouve et j'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose.
À ces mots, elle éclata en sanglots.
- Je suis fatiguée, j'ai passé toute la journée à le chercher...
- Laisse la police le chercher ma fille, contente toi de prier pour qu'il soit retrouvé sain et sauf.
- Dis-moi tonton, te souviens-tu de la dernière fois où tu l'as vu?
- Oui, bien sûr, c'était avant sa disparition.
Elle lui prit les mains brusquement avec une voix suppliante :
- Je t'en prie, tonton, dis-moi que tu te rappelle d'un détail de ce jour. N'importe quoi, qu'est ce qu'il a fait ou dit ce jour-là?
- Je regrette ma fille, ça fait longtemps maintenant. Je ne sais plus trop...
Syra soupira bruyamment. Peiné, son oncle lui toucha l'épaule :
- Rentre maintenant, je te promets de te contacter dès qu'un détail me revient.
Elle se leva et prit le chemin du retour en marchant comme quelq'un qui n'avait plus toute sa tête.
Une fois rentrée à la maison, elle se rendit directement dans sa chambre. Elle n'accorda aucune attention à sa mère, allongée dans le canapé au salon. Celle-ci n'était plus que l'ombre d'elle même depuis un bon moment. Elle ne parlait plus et pleurait fréquemment. La dernière fois qu' elle avait ouvert la bouche, c'était pour hurler au milieu de la nuit après un cauchemar dans lequel elle voyait son fils en proie à de terribles tortures physiques. Syra avait compris ce jour-là que son frère était en danger d'où l'urgence de le retrouver.
Après son bain, elle se rendit à la cuisine. Elle demanda à Carmen, la femme de ménage, de lui servir son repas avant de s'installer à la table à manger. Elle sortit son téléphone de la poche de son pyjama et tenta à nouveau le numéro de son frère. "Votre correspondant n'est pas disponible en ce moment, veuillez rappeler ultérieurement". Elle soupira et retenta sa chance. Le même message résonnait dans son esprit comme un coup de massue. Découragée, elle posa le téléphone et mangea le nez dans son assiette. "Tout ça, c'est la faute de Najma...tout ça c'est à cause d'elle" pensait-elle intérieurement. Après son repas, elle alla au lit. Elle s'endormit en ayant espoir que la journée du lendemain soit meilleure que celle qu'elle avait vécu en ce jour...- Oncle Ben?
- Oui, il t'attend au salon, répondit son père.
Syra se frotta les yeux et regarda l'écran de son téléphone.
- 10h?! Moi qui m'apprêtais à dire que tonton Ben était matinal, je me rends compte que c'est moi qui ai dormi plus longtemps que prévu. J'arrive tout de suite, papa.
- Bien...
Son père sortit et Syra rejeta la tête sur le coussin. Elle avait encore les yeux engourdis de sommeil. Néanmoins, elle fit l'effort de se lever, se brosser les dents et se laver le visage. Sans prendre la peine de se changer, elle sortit rejoindre son père et son oncle, assis tous deux au salon.
- Bonjour, tonton.
- Comment vas-tu Sysy?
- Bien et toi?
- Ça va...je suis venu discuter un peu avec toi.
Le regard de son oncle se fit insistant et elle comprit.
- Euh...papa, tu veux bien nous laisser seuls s'il te plaît ?
- Vous laisser seuls? S'écria-t-il. Et pourquoi? Qu'est ce que vous tramez tous les deux?
- Mais rien, papa. Pas la peine de faire toute une tempête dans un verre d'eau. On veut juste parler deux minutes...
Il haussa les épaules et se retira, perplexe.
- Désolé d'arriver comme ça à l'improviste, tu sais que je n'ai pas ton numéro de téléphone sinon je t'aurais appelé directement.
- Ce n'est pas grave, tonton. Tu disais avoir quelque chose à me dire?
- En effet...mais dis-moi, tu as eu des nouvelles de ton frère ?
- Non, tonton. Toujours rien...je commence vraiment à m'impatienter.
- A ce sujet, un détail m'est revenu hier en mémoire, après que nous nous soyions quittés. La dernière fois que j'ai vu ton frère, il allait faire un travail qu'une dame lui avait confié. Il devait refaire la peinture de sa cave, je crois. Je ne m'en souviens plus très bien...
- pitié, dis moi que tu sais où se trouve cette dame? Et est-ce que tu te rappelles exactement de la date où il a effectué ce travail?
- La date exacte, non. Celle qui lui a confié ce travail, je ne la connais pas non plus. Mais selon ce dont je me rappelle, c'est une dame assez influente dans le quartier. Car il m'a dit qu'elle allait le payer généreusement, même si c'était pour effectuer un travail ordinaire.
Syra réfléchit un moment.
- Dis-moi tonton, comment fonctionne ton atelier? Je veux dire, quand vous recevez des demandes, comment vous les répertoriez?
- Eh bien, on a un agenda dans lequel on note les rendez-vous, le travail déjà fait et celui qui est à faire. On note aussi si le client a payé ou pas. Et concernant le travail, le contrat entre ton frère et moi était que s'il me ramenait des clients, il pouvait garder la moitié de la somme reçue. Si le client me contactait directement, on suivait la procédure normale. Ton frère allait faire le travail et à la fin du mois, on faisait les comptes et je lui donnais ce qui lui revenait.
- Tonton, j'ai besoin de vérifier ton agenda s'il te plaît. Peut-être que tu as dû noter la date à laquelle il a effectué ledit travail.
- Même si je l'avais notée, rien ne garantit que ce soit la date de sa disparition. Et même si c'était ce jour, te souviens-tu du jour exact? Ça ne servirait à rien de vérifier l'agenda si tu ne te rappelle pas de la date exacte.
Syra soupira. En effet, elle ne se souvenait plus vraiment de la date. Le choc qu'elle avait ressenti et la suite des évènements avaient déteint sur sa mémoire.
- J'ai une dernière question tonton. Est-ce que tu note dans ton agenda les numéros des clients ?
- Oui, comme je te l'ai dis, c'est pratique quand un client ne veut pas payer ce qu'il nous doit.
- Très bien tonton. Tu as quelque chose de prévu aujourd'hui ?
- Non...tu sais, les affaires ne marchent plus très bien depuis que le quartier a apprit ce que ton frère a fait et...
- Mon frère n'a rien fait! Hurla-t-elle.
Son oncle sursauta, surpris.
- C'est ton neveu, et il a même été ton apprenti. Tu l'as côtoyé plus que nous tous dans cette maison, comment peux-tu dire ça?
- Tu te méprends Syra, je ne dis pas que ton frère est coupable. Je dis juste que depuis que la nouvelle s'est répandue, ma clientèle a baissé. Certains de nos plus fidèles clients ont osé me dire ouvertement qu'ils ne veulent pas nous embaucher de peur qu'on ne viole leurs filles ou femmes...
Syra regretta son impulsivité. Son oncle payait pour l'accusation injuste faire contre son frère. Elle se rassit.
- Laisse moi le temps de me préparer tonton, on ira à ton atelier. Je veux consulter ton agenda. Avec un peu de chance, je trouverai certainement des indices.
Elle se leva et alla prendre un bain. A peine eut-elle disparu dans sa chambre qu'Oumar sortit de sa chambre. Le fait que Syra ait demandé à rester seule avec son oncle lui laissa penser qu'il y avait anguille sous roche. Caché derrière la porte de sa chambre, il avait tout entendu de la conversation.
- Ben, comment peux-tu encourager Syra à faire cette enquête ? Ne sais-tu pas que cela peut être dangereux pour elle?
- Je ne fais rien de mal, je veux juste aider.
- Juste aider? Si tu veux nous aider, dis lui de lâcher l'affaire et de laisser la police enquêter.
- Ton fils est peut-être en danger et excuse moi, mais je préfère encore le voir vivant même s'il doit finir en prison que mort dans des circonstances macabres je ne sais où sans avoir pu faire ce que je pouvais pour l'aider.
Oumar respira profondément. Il commençait à perdre patience.
- A supposer que mon fils se trouve entre de mauvaises mains. Tu veux que ma fille finisse par être enlevée, elle aussi?
- Tout ira très bien. Je veillerai sur elle.
Oumar se rassit, la tête entre les mains. Il avait l'impression que son frère ne réalisait pas que cette enquête pouvait tourner au vinaigre. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas retrouver son fils ou même qu'il ne croyait pas en l'innocence de son fils, il avait juste peur de perdre sa fille. Déjà que son fils était introuvable depuis un long moment, hors de question de mettre la vie de son deuxième enfant en danger.
Quinze minutes plus tard, Syra sortait de sa chambre vêtue d'un pantalon jean et d'une chemise blanche. Elle portait un sac en bandoulière dans lequel elle avait mit un bloc notes et un stylo.
- On peut y aller tonton.
- Syra, je sais tout de ton enquête. Pitié, arrête ça tout de suite et laisse la police s'en occuper.
- La police recherche mon frère pour le mettre en prison, ils n'en ont rien à foutre qu'il aille bien ou pas. Et si jamais ils le retrouvent mort, tant mieux pour eux, un criminel de moins. N'est-ce pas? S'ils ne veulent pas faire leur boulot, je le ferai à leur place.
Elle sortit précipitamment pour éviter que son père n'évoque un argument qui puisse l'empêcher de faire ce qu'elle voulait faire. Son oncle Ben la suivit, sous le regard plein de tristesse d'Oumar.
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Répression sanglante
Ficción GeneralA la suite du viol de sa fille, une responsable d'une ONG décide de se venger en traquant et assassinant le violeur. Commence ainsi une série de meurtres, ''au nom de la justice''