« -C'était quoi ça ?! Je demande à Vénus alors que nous courrons presque vers sa maison.
-De toute évidence l'Evêque s'est trouvé une armée. Ils font des patrouilles et installent des barricades un peu partout...
-On a vu quelques uns de ses hommes à l'église. Dis-je à mon amie alors qu'elle ouvre la porte.
-Seulement quelques uns ? Quelle chance !
-J'en conclue que les autres vont à la cathédrale.
-Ouaip. » Confirme Luscus en descendant les escaliers.
Je le fixe, ahurie. Il... Il ressemble à un comte avec son costume sur mesure. Son veston gris à rayures met parfaitement en valeur la forme en V de son torse et sa cravate bleue sombre ajoute une touche de couleur à sa tenue.
Entre lui et Vénus, je me sens soudainement terriblement mal habillée.
« -J'ai laissé Vénus me trainer chez le tailleur. Explique-t-il avec un sourire signifiant qu'il sait parfaitement combien le vêtement lui sied: Je n'arrête pas de lui dire que c'est jeter de l'argent par les fenêtre, vu que je vais bientôt l'échanger contre un uniforme de marin, mais elle a insisté.
-Ne me dis pas que tu comptes toujours prendre la mer ?! Je m'exclame choquée. Vénus adhère:
-Merci ! Ça fait une semaine que je lui dis que c'est de la folie mais il refuse de m'écouter.
-Les filles, mettez-vous à ma place. Ou je reste ici et me fait arrêter puis mettre à mort pour pratique illégale, ou je tente ma chance dans le domaine de Dagon et me transforme en homme-poisson plus tôt que prévu ! »
Vénus jette les bras en l'air d'une frustration que je ne partage qu'à moitié. Luscus n'a pas totalement tord, mais serait-il vraiment plus en sécurité en mer ?
« Parlons plutôt de ça autour d'un bon verre de vin voulez-vous ? » Dit la maîtresse de maison alors qu'elle va chercher une bouteille dans le cellier puis trois verres dans une commode.
Le fait qu'elle s'en occupe elle-même me surprend. Quand Vénus vivait avec sa famille, elle haïssait les tâches ménagères. Elle répétait à qui voulait l'entendre qu'à la seconde où elle deviendrait riche, elle embaucherait une bonne pour tout faire à sa place. Pourtant, mon amie habite dans cette maison depuis trois mois et je n'ai pas vu une seule domestique où que ce soit.
« -Toujours pas de bonne ?
-Les plus âgées pensent que travailler pour une meriées est humiliant et les plus jeunes sont terrorisées. Elles doivent penser que mon mari va venir me rendre visite au milieu de la nuit. Explique-t-elle: De toute façon c'est pas un problème, je peux me débrouiller, contrairement aux oies blanches qui habitent ici.
-Comme si j'avais pas du te tenir les cheveux pendant que tu vomissais ton petit déjeuner ce matin. Se moque Luscus alors que Vénus remplit son verre. Il me faut une seconde pour réaliser ce que vient de sous-entendre mon ami:
-Tu es enceinte ?!
-Et bien... Il semblerait oui. »
Je suis stupéfaite par la manière détachée dont elle annonce la nouvelle, elle devrait rayonner de bonheur !
« -Vénus c'est formidable ! Tu as toujours voulu un bébé ! Et ton époux va être si heureux !
-S'il voit l'enfant un jour... »
Toute trace de joie déserte la table. Même la lumière électrique de la maison semble perdre en intensité. Je remarque alors les cernes sous les yeux de mes ami.e.s et le léger tremblement de leurs mains. Mes sourcils se froncent. J'ai envie de pleurer. La colère que je traine avec moi depuis si longtemps est en train de se transformer en désespoir.
Me voilà avec mes deux meilleur.e.s ami.e.s obtenant enfin ce dont iels rêvent depuis des années, et pourtant, aucun de nous ne peut en profiter pleinement....
« Comment vont les enfants ? » Me demandent Mère-des-eaux le lendemain matin à la messe. J'ai du me lever aux aurores pour arriver à l'heure, ce qui me met particulièrement de mauvaise humeur. Au moins, grâce à Luscus qui m'a accompagné jusqu'au barrage, les policiers n'ont pas posé de questions. Et puis, vaut mieux ça plutôt que de rentrer de nuit dans des rues remplies de soldats et de flics.
« Iels vont bien... » Je réponds: « Très bien même. Vénus est enceinte. » Le visage de Mère-des-champs s'illumine et cela me réconforte qu'il y ai au moins une personne heureuse pour Vénus et pas seulement inquiète.
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A la montée des eaux
ParanormalUne ville portuaire où pêcher est interdit et où l'Eglise locale noie des gens deux fois par an n'est peut-être pas l'endroit idéal pour vivre. Mais c'est là que subsistent tant bien que mal Vive, ses deux mères et ses ami.e.s. Jusqu'à ce que les fo...