Chapitre 11

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Alors que nous marchons dans les rues notre vague grandit, humains et hommes-poissons et liches et cultistes et créatures sans nom marchant côte côte. Les gens sortent de leurs maisons comme de l'eau: par les portes, par les fenêtres. Ils nous rejoignent comme les rivières rejoignent les fleuves. Leurs lames, marteaux, fusils et pistolets brillent dans les ténèbres avec la même intensité que que les écailles et les dents des hommes-poissons.
La ville entière est là, des filles de joie à la peau sombre dont les doigts brillent, des marins androgynes armés de couperets gros comme ma tête, des vieillards -fusils à la main- montés sur le dos d'hommes-poissons. Les pauvres, les handicapé.e.s, les gens de couleurs, les homosexuels, les personnes trans, et tous ces gens dont la vie a été considérée comme sans importance par les élites.
J'étais si amère et égocentrique que je n'avais pas réalisé combien étaient prêt.e.s à se battre. Pas tout le monde bien sûr, certain.e.s fuient à notre vue et s'enferment chez elleux... Mais beaucoup nous rejoignent.
La plupart sont nerveuxses, leurs mâchoires serrées par la concentration, iels tentent de maîtriser leur peur. Mais un nombre non négligeable parle, parlent entre elleux, et plus surprenant, à Mère-des-champs. Mère-des-champs qui discute tous les matins avec les autres ouvrières de la conserverie et avec leurs familles à l'église. Leur disant des choses auxquelles je n'avais jamais prêté attention alors que j'aurais vraiment du.
Vénus observe la foule, cherchant son aimé des yeux. Pendant ce temps, Luscus se rapproche des cultistes noyés pour essayer de voir à quoi sa propre métamorphose va ressembler.
Seuls les jeunes enfants ont été envoyés à la conserverie avec une poignée d'adultes. Son emplacement -loin des autres bâtiments et près de l'eau- le rendant moins susceptible de prendre feu.
Nous les avons envoyé là-bas pour leur propre sécurité... Mais aussi dans l'espoir que quelqu'un raconte notre histoire si nous venions à échouer.

Necora et moi marchons côte-côte à l'avant de la vague, entourées de liches, de cultistes et d'hommes-poissons originaires des environs.
Derrière nous, des humains et des descendants appellent les gens à nous rejoindre en Français et en Mer, ce qui nous oblige à nous pencher l'une vers l'autre pour nous entendre. L'appréhension n'est pas la seule raison pour laquelle mon cœur bat à tout rompre.
« -Que peux tu me dire sur l'armée de l'Evêque ? Me demande Necora.
-Ils ont dressé des barricades dans les rues principales menant aux beaux quartiers, et ils ont des chasseurs avec eux. L'information n'effraie pas autant la liche que je l'aurais cru vu ce qui vient d'arriver à son bataillon:
-Oui ?
-Pas des chasseurs normaux Necora. Des chasseurs de sorcières. Ils se sont donnés pour mission de tuer les dévots des Grands Anciens. Elle réalise enfin la gravité de la situation et sa mâchoire se serre. De peur ou de colère, impossible à dire.
-J'imagine que la raclure de tout à l'heure était l'un d'entre eux ?
-Oui. C'était un épéiste. Mais tous les chasseurs, quelque soit leur spécialité, sont extrêmement dangereux... En plus, contrairement à la plupart des policiers ou des pauvres fermiers attiré par l'or qu'on leur a promis, ils ne s'enfuiront pas à la seule vue des hommes-poissons. Necora tchipe bruyamment puis, cataloguant l'information pour plus tard, me demande:
-Tu m'as parlé de barricades ?
-Oui, elles sont en bois mais hérissées de pics en métal.
-On pourrait peut-être les contourner ?
-Impossible. Explique Vénus sortie de nulle part, son mari la suivant comme une ombre: Ils ont complètement fermé l'accès aux beaux quartiers jusqu'aux plus petites allés. Impossible d'y rentrer sans leur passer au travers.
-Ces... Créatures pleines de pattes qu'on a vu plus tôt, tu les contrôles ? Je demande à la liche.
-Jusqu'à un certain point.
-Peut-être qu'on pourrait les envoyer sur les barricades en amont ?
-On peut essayer mais elles ne peuvent pas grimper. Et elles se feront abattre avant de pouvoir fragiliser suffisamment le bois pour que nous puissions passer...
-Vous pourriez envoyer les morts. Propose Mère-des-eaux, ayant apparemment rejoint les quartiers généraux: On pourrait utiliser leurs corps pour escalader.
-Tout me monde ne va pas pouvoir marcher sur les cadavres de ses proches mon amour. » Intervient Mère-des-champs.
A ma droite un.e cultiste, qui nous écoutait depuis le début, se met à parler en Langue Divine, mais je n'arrive à déchiffrer que quelques mots:
« -Attaque [...] Loin [...]
-Excellente idée ! S'exclame Necora avec enthousiasme: C'est vrai qu'avec vos pouvoirs vous pouvez lancer des attaques à distance !
A droite de lo cultiste je vois Luscus traverser la foule pour rejoindre notre petit groupe, il porte maintenant la même cape que son homologue noyé.e et je me demande un court instant comment il l'a obtenu.                                                                                          
Lo cultiste parle à nouveau:
« -[...]Vision[...]
-Ol a raison. On se fera tirer dessus à la seconde où on entrera dans leur champ de vision.
-Et si on mettait les morts en première ligne pour protéger les autres des balles ? Je propose : Est-ce que ça marcherait ? Un petit sourire en coin gracie les traits de Necora:
-Peut-être bien. »

A la montée des eauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant