Le lendemain, j'ai pris soin d'éviter Taehyung toute la journée, comme si sa présence pouvait enflammer à nouveau ce tourbillon de confusion et de douleur dans ma poitrine. Jimin et Hoseok ont fini par venir me voir, inquiets de ce changement de comportement si soudain. Ils n'ont pas posé de questions, juste observé, et j'ai fini par leur confier, dans un souffle tremblant, tout le poids de mon destin maudit. Sans un mot de plus, ils m'ont serrée dans leurs bras, leurs gestes pleins de compréhension et de chaleur. Ce simple geste m'a brisé en mille morceaux, puisque je n'en ai reçu que trop peu dans ma vie. Les larmes ont coulé comme un torrent, plus nombreuses et plus lourdes encore que celles de la veille, comme si chaque goutte était un fardeau de plus à porter. Et dans ce chaos émotionnel, une seule pensée m'est apparue : la danse. Elle serait la seule à pouvoir apaiser cette tempête intérieure.
Je me dirige vers la salle de danse, comme si c'était le seul endroit où je pouvais échapper à tout le chaos dans ma tête. Sans réfléchir, je lance la première chanson qui me vient, laissant la musique envahir l'espace. Je m'installe au centre de la pièce, mes pieds glissant sur le sol avec une aisance presque mécanique. Peu à peu, je sens le poids lourd de mon existence se dissiper, comme si chaque mouvement enlevait une couche de douleur. Quand la dernière note s'éteint, un silence dense s'installe, et c'est là que j'entends des pas derrière moi. Ils se rapprochent, irrésistibles, et je me retourne brusquement. Taehyung. Il se tient là, silencieux, m'adressant un sourire léger, un sourire d'une douceur presque irréelle. J'allais saisir mes affaires et m'enfuir sans un mot, mais avant que je puisse bouger, il me coupe dans mon élan, les mots suspendus entre nous comme une promesse non dite.
« Jungkook, attends, s'il te plaît. On est pas obligé de parler, juste danser... mais ne t'enfuis pas, s'il te plaît. »
Je reste silencieux, observant ses gestes du regard, il se dirige vers la sono et débranche mon téléphone pour le remplacer par le sien. Il fait défiler son écran avec une certaine nonchalance avant de sélectionner une chanson au hasard. Il revient vers moi, s'installe près de moi, et la musique commence à envahir l'espace. D'un simple mouvement, il se lance dans la danse. Nous voilà plongés ensemble dans cet univers envoûtant où seuls le rythme et la liberté du corps existent. Ses gestes sont d'un fluidité étonnante, légers comme des plumes, comme s'il volait sur l'air.
C'est la première fois que je le vois danser, tout comme c'est la première fois qu'il va me voir danser, car il y a une vérité que je connais bien : dès que la mélodie s'élève, mon corps s'abandonne sans réfléchir. Je laisse mes yeux suivre ses mouvements, cherchant à saisir l'atmosphère qu'il souhaite instaurer. Rapidement, je note que ses gestes sont doux, mesurés, presque comme s'il tentait de me rassurer, d'établir une connexion délicate entre nos corps.
La pièce est baignée d'une lumière tamisée, douce, comme un voile qui nous enveloppe tous les deux. Il n'y a plus rien d'autre autour, plus de bruits, plus de pensées qui s'agitent dans ma tête. Juste lui, juste moi, et cette musique qui nous relie. Je ferme les yeux un instant, me laissant aller, et je sens sa main se poser délicatement sur mon dos. Il n'y a pas de force, juste une pression légère, presque une caresse, mais elle est suffisante pour m'ancrer dans l'instant.
Ses doigts glissent sans hâte, me guidant avec une confiance silencieuse. J'hésite un instant, puis je m'abandonne à la danse, mon corps répondant au sien comme une seconde nature. Chaque mouvement de ses bras est fluide, précis, il n'y a pas de place pour l'incertitude. C'est comme si nous formions une seule entité, une synchronie parfaite où chaque geste se fait dans une harmonie instinctive.
Il me rapproche encore, nous sommes presque collés, mais c'est une proximité rassurante, pas d'étouffement, juste l'intensité du contact. Ses mains glissent sur mes bras, ses doigts frôlent les miens, et je sens une chaleur douce me traverser.
Nous tournons ensemble, parfaitement synchrones, et c'est comme si nos corps se comprenaient sans mots. Il ajuste sa posture, me soutient sans jamais me brusquer, et chaque mouvement devient une conversation silencieuse, un dialogue entre nos corps, fusionnels et apaisants. La danse n'est plus qu'une forme d'échange, un espace où, même sans parler, nous pouvons tout partager. Et dans cet instant suspendu, je réalise que nous ne sommes plus deux, mais un, enveloppés dans un même souffle, un même rythme.
Ses yeux se posent enfin sur les miens, pour la première fois depuis le début de la musique. Un simple regard, mais il me bouleverse d'une manière que je n'aurais pas su anticiper. Tout ce que j'ai ressenti dans ce moment... me fait terriblement peur, une panique me serre la gorge. Elle m'envahit d'une force écrasante. Il l'a vu, bien sûr. Il a vu cette terreur dans mes yeux, il a senti le tremblement de mes gestes, la fuite en moi, comme une évidence.
Et quand la dernière note résonne, que l'air se calme enfin, je prends mes affaires en hâte, presque frénétiquement, et je me dirige vers la sortie. Mes pas résonnent dans le silence de la pièce alors que je me réfugie dans le couloir, ma respiration haletante, le cœur lourd. L'angoisse me serre tellement la poitrine que je crois que je vais éclater. Les larmes me montent aux yeux, mais je les chasse d'un geste.
Je suis faible.
Je suis un lâche.
Les deux jours suivants, je le fuis. Taehyung, sa présence, ses regards. Je m'efface, je disparais. Mercredi arrive, et comme chaque semaine, il n'y a pas de cours durant les deux premières heures. Je décide alors de me réfugier dans la salle de dessin, une envie soudaine de peinture m'est venue tout à l'heure. Mais à peine ai-je franchi le seuil du couloir menant à la salle que je suis saisie par un bras puissant qui m'attrape sans prévenir. Mon dos se heurte contre le mur, et je m'attends à voir Taehyung, furieux, son visage durci par ma fuite de lundi. Mais non... Ce n'est pas lui. C'est Zico. Mon cœur s'emballe. Pas maintenant, pas lui... Qu'est-ce qu'il veut ?
« Je ne suis pas vraiment d'humeur, qu'est-ce que tu me veux ? » Dis-je, ma voix tranchante, le ton agacé.
Il me fixe, un sourire en coin qui ne fait qu'aggraver mon irritation.
« Je te conseille de ne pas me provoquer, le sorcier. » Il crache le dernier mot avec dédain, me faisant froncer les sourcils.
Je souffle, le regard défiant.
« Je ne te provoque pas, je te demande ce que tu veux, nuance. »
Il hausse un sourcil, comme si ma réponse l'amusait.
« En plus, tu me crois sourd ? »
Je le dévisage, exaspéré.
« Oui, Zico, sourd et con. »
L'atmosphère se tend, un éclair de menace dans ses yeux, c'était peut-être la provocation de trop.
« Tu ferais bien de faire attention à ce que tu dis, sale gamin. »
Une lueur prédatrice s'allume dans ses yeux, froide et implacable, et avant que je ne puisse réagir, une douleur fulgurante me transperce le ventre. Un cri étouffé m'échappe, étranglé par la surprise et la souffrance. Mes mains tremblent tandis que je baisse les yeux, et l'horreur me fige sur place. Un couteau. Planté dans mon ventre. Le métal brille, cruel, taché de rouge. Mon souffle devient court, ma vision vacille, et tout mon être semble se paralysé sur place.
« Ne t'inquiète pas, tu ne vas pas en mourir, du moins pas encore. Tu serais probablement mort si ce couteau était en rubis, mais ce n'est pas le cas. Enfin, tu ne le savais sûrement pas. » Me dit-il en me montrant le couteau comme pour m'expliquer, alors que je suis en train de me vider de mon sang sur le sol du couloir.
Il se détourne de moi et s'éloigne, me laissant seul dans mon impuissance. Mes jambes cèdent soudainement sous le poids de la douleur, et je me sens vaciller, prêt à m'effondrer. Mais avant que le sol ne vienne m'engloutir, deux bras solides me saisissent, me maintenant debout. Taehyung...
« Jungkook, parle-moi... Ne t'endors pas, surtout pas. Reste avec moi, je t'en supplie... Ne me laisse pas. Je vais t'aider, d'accord ? Je vais appeler Jin, tiens bon. » Sa voix tremble de panique, chaque mot chargé d'une urgence désespérée.
Je ne trouve pas la force de répondre, mais je fais un faible hochement de tête. Puis, malgré tous mes efforts pour lutter, mes yeux se ferment d'eux-mêmes, comme si mon corps décidait pour moi, m'emportant dans une obscurité profonde et inévitable.
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Les âmes soeurs
FanfictionUn jeune garçon à la vie banale va se retrouver au centre d'un monde qu'il lui est inconnu, et fera des rencontres qui vont littéralement changer sa vie, au point de vue émotionnel, physique et psychique.