Les âmes soeurs

Chapitre 1

Je m'appelle Jeon Jungkook, j'ai dix-huit ans, et je vis chez ma tante, n'ayant jamais connu mes parents. Aujourd'hui, je fais mon entrée à L'Université d'Art de Séoul, un moment qui aurait dû être excitant, mais qui n'est qu'une étape parmi tant d'autres dans une vie où tout semble décalé. La danse, le chant et le dessin sont mes passions, les seules choses qui me permettent de m'évader, même si ce monde d'art ne fait que me rappeler à quel point ma réalité est différente.

Vous vous imaginez sûrement que ma vie est banale, ordinaire même. Une famille, une petite amie, un avenir à l'université... Mais c'est loin d'être le cas. Il y a cette ombre, cette douleur persistante liée à l'absence de mes parents, et surtout, il y a ma tante. Depuis que je vis avec elle, les choses ont prit une tournure que je n'aurais jamais pu prévoir. Elle me frappe, me malmène, me brûle le dos avec le bout de ses cigarettes, un bâton de poison qu'elle ne quitte jamais. Les bleus s'estompent, mais les brûlures, elles, restent. Chaque cicatrice, chaque trace laissée sur ma peau est un souvenir, un rappel constant de la haine qu'elle semble nourrir à mon égard. Et moi, je déteste mon corps pour cela. Il n'est plus qu'une toile marquée, un terrain de guerre entre elle et moi.

Ma copine, Lisa, sait tout. Elle sait ce que je vis, et elle est la seule personne qui me soutient quand tout devient trop lourd. Lorsqu'elle sent que ça dégénère chez moi, elle m'appelle, me fait sortir discrètement par la fenêtre de ma chambre, l'unique échappatoire que j'ai. Je pourrais fuir, mais je suis prisonnier d'un jeu cruel. Ma tante détient sur moi un pouvoir dont je n'arrive pas à me défaire. Elle me menace, me contrôle. Parfois, lorsque mes crises d'angoisse deviennent trop intenses, elle me force à boire un liquide rouge. Un calmant instantané. Il me permet de respirer, de ne pas suffoquer dans l'étreinte de l'anxiété, mais elle refuse de me dire ce que c'est. Tout ce que je sais, c'est qu'il est ma seule solution, ma seule chance de retrouver un semblant de calme, sinon... je suis perdu. J'ai essayé toutes les méthodes habituelles pour apaiser mes crises, mais rien n'y fait. Ce liquide est la clé, et je suis obligé de rester avec elle, de supporter tout ça, sinon je risque de m'effondrer.

Je suis coincé. Coincé dans un piège où la seule issue semble être la soumission. Mais j'ai encore des rêves. Des passions. Et peut-être, un jour, un moyen de m'en libérer.

« Réveille-toi espèce d'enfoiré ! Vas en cours ! »

Charmante, n'est-ce pas ? Elle me déteste. Pourquoi ? Je l'ignore. Mais pour elle, je suis une abomination. C'est ainsi, et je n'ai jamais vraiment compris pourquoi.

Je me lève lentement, la tête lourde, et me dirige vers la salle de bain. Je me lave, me prépare machinalement. Cette journée commence comme les autres. Je descends dans la cuisine pour un petit-déjeuner silencieux, noyé dans le bruit du quotidien. Ensuite, je m'habille et je prends le chemin de la fac, mon esprit ailleurs.

À l'extérieur, je retrouve Lisa qui m'attend près des portes de l'université.

« - Salut, Lisa.
- Coucou, chéri. Ça va ? Tu fais une drôle de tête.
- Oui ça va. Ne t'inquiète pas.
- D'accord, bon, je dois retrouver Jennie. On se rejoint devant la cafet pour la pause dej ?
- Oui, à tout à l'heure. »

Elle s'éloigne alors, me laissant seul pour entamer cette journée qui, une fois de plus, semble se dérouler sur des rails que je ne contrôle pas.

Ce n'est pas la première fois qu'elle me laisse seul. C'est devenu une sorte de routine, une habitude glaciale. Pendant les vacances, nous nous sommes vu très peu de fois. Je me suis senti un peu plus éloigné d'elle, un peu plus invisible. C'est une réalité qui commence à me ronger, à me faire peur.

Les cours de la matinée passent vite, trop vite peut-être. À la pause déjeuner, je prends la direction de la cafétéria, l'esprit ailleurs, mais un bruit soudain m'arrête. Des gémissements, venant des toilettes des hommes.