Os 62

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Solistes, ZitaoxLuhan

Un nuage de fumée s'échappe des lèvres du jeune chinois en simple appuyé sur son balcon, et il regarde sans un mot les volutes transparentes s'effacer dans la nuit. La ville semble déserte, pas un bruit n'est audible, même la respiration de l'homme est imperceptible et dans le froid hivernal, seule la silhouette du fumeur est visible, élégant tableau que ce mélancolique entouré d'une brume mystérieuse.

Le mégot consumé tombe sur le sol et est écrasé par le talon de celui qui rentre dans l'appartement. Un nuage masque la lune, la porte vitrée s'ouvre et se ferme, avalant le blond dans la gueule béante et obscure du bâtiment.

Les murs sont blancs et noirs, le parquet est gris, les rideaux retombent, sépulcrales, contre les vites teintées, les pas de l'homme pâle font craquer les lattes, son ombre projetée sur le sol par la faible lumière d'un téléphone en fin de charge, posé sur une table basse, devant un canapé impeccable, seule source d'éclairage de ce salon enténébré.

Une pendule murale, dont le fond représente un homme recroquevillé, indique deux heure. Mais personne ne dort dans ce foyer, le lit n'est pas défait depuis bien des nuits, l'unique habitant des lieux lui préférant l'atelier artistique où il rempli des pages, autant de dessins que de sombres poèmes, de photographies que de notes de musiques, le tout dans cette ambiance ténébreuse qui caractérise le célèbre photographe et peintre qu'est Lu Han.

La porte de ce studio rempli de carnets et de matériels s'ouvre, plongé dans l'obscurité, et les doigts fins se posent sur l'interrupteur, allumant les néons blancs qui enveloppent d'un blême éclairage, à la fois terne et harmonieux, dévoilant une pièce immense aux murs recouverts de photos en noir et blanc, toutes superbes et sinistres, fruits du travail du propriétaire des lieux.

Sur certaines, des poèmes sont écrits à l'encre noir, directement contre l'image déjà sortie, pas de montage, sur celle-là où une jeune femme est étendue sous l'eau, sa chevelure éparpillées autour de sa tête dans une auréole comme ensanglantée, les yeux clos dans une expression de désespoir et de ses lèvres entrouvertes semblent s'échapper des mots à demi-effacé.

Les sentiments sont bourreaux
Les émotions sont fardeaux
A chaque amour son fléau
A chaque amant son couteau

On ne s'aime qu'un jour
Menteur qui dit toujours
A tout ceux qui parlent d'amour
Il vaut mieux rester sourds

Plonger dans les affres du coeur
N'est que la pire des erreurs
Il ne se cache que malheur
Sous les semblants de douceurs

On se noie dans l'illusion
D'une volatile éternelle passion
On se croit libre en cette prison
Où les mots barreaux sont poisons

Une rose bleue

Les mains blanches se posent sur les touches du piano noir et une lente mélodie, pleine d'ironie, de mélancolie et de raillerie, se lance au rythme de la danse des doigts créateurs qui semblent voler au dessus de l'instrument.

Tout ici est le reflet froid de Luhan, âme en peine et coeur brisé, le jeune homme est un génie artistique et un inapte relationnel. L'ombre et la lumière s'entrechoquent en lui, dans un contraste dansant.

Il a eu une vie si dure qu'elle l'a moulé dans la glace et dans l'ironie, tant de couteaux plantés dans le dos qu'il ne les compte plus, ses rires n'existent pas, sa douceur non plus, il n'est que froideur et cynisme sans aucune foi en l'humanité ou en quoi que se soit autre qu'en l'art.

Ses yeux noirs insondables ont vu tant de haine, ses oreilles entendues tant d'injures et son nez tant de fois senti le sang que plus rien ne l'atteint aujourd'hui.

Recueil d'os bxb(kpop) 1.0Où les histoires vivent. Découvrez maintenant