Le Cercle de la Table Ronde : Le serment de Key

✧ Vingt-trois ✧

Meredith avait le derrière en feu. Cela ne faisait que quelques heures qu'elle avait échangé sa place dans la charrette pour la monture d'Owen, et elle commençait à le regretter. De plus, le paysage accidenté l'obligeait à rester attentive aux aléas du terrain et son cheval épuisé avait bien du mal à mettre une patte devant l'autre. Plusieurs fois, elle avait quitté la selle pour le ménager, mais jamais assez longtemps pour complètement étouffer la douleur de son arrière-train.

La blessure de Galahad avait enfin cessé de saigner, mais Meredith craignait une sérieuse infection. Ne s'y connaissant pas en médecine, elle avait laissé le guerrier aux bons soins de Tristan, qui surveillait la plaie de près, épaulé par Owen. Leur mission : garder Galahad en vie.

Ce qui inquiétait le plus Meredith était que Galahad n'avait pas repris conscience depuis deux jours et elle soupçonnait un début de fièvre. Étant éloignée de la charrette, elle n'avait pas eu l'occasion de demander confirmation à Tristan, mais elle était presque certaine que les ennuis de Galahad ne faisaient que commencer.

Leur convoi s'était engagé la veille au soir dans les montagnes et avait campé sous une voûte rocheuse qui l'avait protégé de la pluie. Depuis le matin, une bruine insidieuse s'infiltrait sous leurs vêtements et détrempaient leurs bottes. Meredith en avait assez de trembler. Où que soit ce damné quartier général, le Cercle n'aurait pas pu mieux choisir ; jamais Meredith n'aurait osé se dissimuler dans un endroit aussi détestable. À tout moment, une bête sauvage, un ravin ou les conditions météorologiques pouvaient avoir raison du voyageur. La cerise sur le gâteau : avec cette brume, elle n'y voyait pas plus loin que la tête de son cheval.

Heureusement que Karo n'était pas très loin d'elle. Elle avait pu échanger quelques mots avec l'épéiste et avait constaté qu'il n'était pas du genre à s'épancher. Comprenant que leur conversation ne l'intéressait pas particulièrement, Meredith s'était emmurée dans le silence. Elle espérait simplement qu'il ne l'entendait pas claquer des dents.

Ne plus avoir à s'occuper de Galahad lui avait permis de récupérer. Elle se sentait désormais gonflée à bloc, prête à réagir au quart de tour au moindre danger. Elle tentait d'écouter les environs pour prévenir d'éventuelles menaces, mais le bruit de la rivière qui coulait non loin faussait ses sens.

— Meredith, l'appela soudain Karo. Nous sommes bientôt arrivés. Il va falloir tourner à gauche.

— D'accord, répondit-elle. Préviens-moi quand ce sera le moment.

Une goutte d'eau roula sur sa lèvre supérieure. Elle l'aspira vivement et enfouit le nez dans le col de son manteau. Bientôt arrivés ! Elle avait hâte de pouvoir se sécher et se changer. Et quitter ce cheval de malheur.

En effet, quelques minutes plus tard, Karo la guida sur une route secondaire à gauche en encore plus piteux état que la première. Meredith veilla à ce que sa monture ne s'embourbe pas dans la couche de boue épaisse qui constituait la route lorsque, subitement, un bruit plus sec se fit entendre. Elle comprit qu'ils venaient d'atteindre un segment couvert de planches de bois, disposées afin d'éviter que les voyageurs restent piégés, ce qui était de bon augure. Elle retrouva le moral en franchissant ce qui devait être un ancien portique en pierre. Ils pénétrèrent dans une cour intérieure et très galamment, Karo proposa à Meredith d'emmener son cheval à l'écurie. Meredith accepta et suivit les indications de Karo, qui la guidèrent jusqu'à l'entrée.

Elle s'empressa de se glisser à l'intérieur et tomba spontanément sur l'avant-garde, composée de Lance, Bors, Perceval et Colleen. Tous étaient affairés à l'essorage de leurs tenues, excepté Bors qui s'occupait de l'allumage du feu. Déjà, une flamme bien fragile léchait le bois sec, entreposé non loin. Meredith se dirigea vers lui en frissonnant.