Arthur perçut immédiatement le changement qui s'était opéré entre son départ et son retour en compagnie de Meredith : l'atmosphère fébrile qui régnait sur Camelot avait cédé la place à un voile maussade. Son esprit, encore marqué par le cri de Galahad – « Qu'on aille me chercher Meredith ! » –, en comprit immédiatement les conséquences, mais Arthur ne put se résoudre à avouer à la jeune femme ce que signifiait ce silence de plomb. Peut-être aurait-il dû, car il ne pouvait l'empêcher d'en apprendre le sens.
Ils arrivèrent à temps pour rencontrer Gawain, qui sortait tout juste de la chambre attribuée à Ann. Tous les guerriers attendaient à l'extérieur, excepté Galahad qui devait se trouver dans la chambre. Le Cercle au complet se trouva réuni, la tête courbée devant la porte derrière laquelle se trouvait la vieille gouvernante de Meredith. Cette dernière pila net, détrempée, frigorifiée et désespérée. Arthur lutta contre l'envie de la prendre dans ses bras pour la réchauffer.
— C'est Ann ? demanda-t-elle, d'une voix ténue et éraillée.
Elle se recroquevilla en croisant le regard sombre de Gawain. Il secoua la tête, navré.
— Elle n'a pas souffert, déclara-t-il posément. Je suis désolé.
Arthur baissa le menton, secoué. Tout s'était enchaîné en quelques instants, trop vite pour des adieux. Il soupçonnait que même s'ils étaient arrivés plus tôt, Ann n'aurait pu saluer celle qu'elle avait élevée ; toutefois, le dire n'aurait pas plus influé sur la réaction de Meredith.
Elle n'étonna personne. La banshee sembla s'effondrer sur elle-même, réduite à un amoncellement de chair et de larmes qui se convulsait sporadiquement. Il y eut quelques condoléances murmurées du bout des lèvres, qui osaient à peine interrompre la pléthore de sanglots qu'elle essayait tant bien que mal de réprimer.
Arthur s'accroupit à côté d'elle, ne sachant pas exactement comment il convenait d'agir, et posa la main sur son épaule. Il se sentit idiot – un simple contact ne valait rien.
— Je suis désolé, murmura-t-il.
Gawain lui lança un regard curieux. Meredith n'essaya pas de réduire la distance qui demeurait entre eux, elle ne fit pas un geste. Arthur se demanda s'il devait aller plus loin, si elle en avait envie autant que lui. Il choisit la prudence et resta à sa place.
— Est-ce que tu veux la voir ? lui chuchota-t-il.
La lèvre inférieure de Meredith trembla lorsqu'elle ouvrit la bouche. Aucun son n'en sortit, jusqu'à ce qu'elle articule :
— Non.
Elle releva les yeux, sans regarder personne, et dit d'une voix encore plus enrouée qu'auparavant :
— J'aimerais qu'elle ait des funérailles dignes de ce nom.
— Bien sûr, acquiesça Lance. Nous nous occuperons des formalités, à moins que tu ne veuilles choisir ?
Meredith se pinça inconsciemment les lèvres, en proie au doute. Arthur imaginait aisément son hésitation. Comment aurait-elle pu savoir ce qu'Ann aurait préféré ? Elle ne l'avait plus vue depuis vingt ans. Il allait pour répondre que rien ne l'obligeait à prendre cette décision lorsqu'elle finit par dodeliner vaguement de la tête.
— Fais au mieux.
Elle tourna les talons et se dirigea vers l'escalier. Arthur ne sut déterminer s'il valait mieux l'accompagner ou non. Il ignorait comment gérer le deuil des autres, d'autant qu'il avait assez peiné avec le sien. Lui avait eu besoin de solitude, mais Meredith ? Ils venaient en outre de se disputer assez sévèrement ; sa présence n'était probablement pas la bienvenue.

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Le Cercle de la Table Ronde : Le serment de Key
Paranormal𝕋𝕠𝕞𝕖 𝟙 Pays de Galles, VIe siècle. Le Cercle de la Table Ronde, confrérie secrète dissimulée au cœur de la vallée d'Avalon, dans le château de Camelot, réunit dix valeureux guerriers alliés face au danger qui menace le pays : les banshees. ...