D'énormes colonnes de fumée grimpaient dans le ciel depuis un long moment. Le Cercle avait déjà parcouru plusieurs lieues mais les guerriers et Meredith les apercevaient encore au-delà de l'horizon. La banshee, bien qu'entièrement consacrée à la santé de Galahad, se surprenait à l'observer en cachette, comme une voleuse. Son regard refusait de s'en détacher. Elle se força pourtant à se concentrer sur le blessé qu'elle soignait et redoubla d'ardeur pour comprimer le sang. La blessure était encore trop vive et elle devait maintenir la glace pour empêcher qu'il ne se vide de son sang, mais elle commençait à fatiguer ; il lui faudrait tôt ou tard se reposer.
Un cahot la déstabilisa et elle dut s'agripper au rebord de la charrette pour éviter de tomber. Un grognement l'avertit que sa passagère avait elle aussi été déséquilibrée. En effet, Colleen voyageait dans la même charrette, assise par-dessus une couverture, et serrait un châle sur ses épaules voûtées. Son époux, Perceval, veillait au grain, et Colleen avait plusieurs fois jeté des regards noirs à ce dernier, détestant de toute évidence être surveillée. Meredith savait que certains d'entre eux lui étaient adressés et elle savait également qu'elle devrait se confondre en excuses. Elle avait l'intention de le faire. Certainement très bientôt.
Un claquement de sabots lui apprit qu'un guerrier s'était approché. Elle leva les yeux et reconnut Arthur. S'ils s'étaient trouvés seuls, elle l'aurait remercié pour avoir pris sa défense à la Tour Sud, mais la présence de Colleen et Perceval l'inhibait. Elle se contenta de lui offrir un maigre sourire.
- Ce n'est pas trop inconfortable ? s'enquit-elle en désignant sa monture.
En réaction, Arthur se redressa sur sa selle, ce qui la fit sourire plus largement.
- Ça le devient, mais j'ai l'habitude, répondit-il. Et toi, tu tiens le coup ?
- Oui. Mais je commence à m'épuiser.
- Veux-tu que quelqu'un te remplace ? demanda-t-il aussitôt.
- Ça peut attendre encore un peu. J'espère que si je tiens un peu plus longtemps, Galahad aura suffisamment récupéré. Je peux freiner les dégâts de l'hémorragie, mais pas accélérer la guérison ; à partir du moment où le sang cesse de couler, je ne pourrai plus rien faire. Mais il n'arrête pas.
Pour le prouver, elle relâcha la pression qu'elle maintenait sur la plaie de Galahad. Aussitôt, une fleur de sang commença à s'épanouir sur son abdomen. Meredith rétablit le sortilège l'instant suivant et elle sentit son énergie s'amenuiser dans ses réserves. À quoi jouait-elle à repousser l'échéance ? Elle avait besoin d'une pause, c'était certain.
Par bonheur, Arthur insista un peu.
- Je crois qu'il serait plus prudent de garder tes réserves d'énergie à un niveau assez élevé. Si jamais un problème survenait, tu risquerais de te retrouver à plat trop rapidement.
- Oui, tu as raison, reconnut-elle. Comment procède-t-on ?
Pour toute réponse, Arthur posa le pied à terre et, sans lâcher le licol de son cheval, sauta agilement dans la charrette. Il attacha le lien au montant circulaire de bois qui permettait de monter plus aisément puis s'agenouilla devant Galahad.
- Montre-moi ce que je dois faire.
Ce n'était ni une question ni une suggestion. Meredith savait reconnaître un ordre quand elle en entendait un ; elle hocha sagement la tête. L'autorité d'Arthur était plus impressionnante lorsqu'il dirigeait le Cercle... À présent, curieusement, elle paraissait avoir perdu de son prestige. À vrai dire, Meredith n'avait plus peur de lui.
- Tu es sûr ? intervint Percy, dubitatif. Tristan n'est-il pas plus qualifié ? Je pourrais le ramener.
Arthur planta ses yeux dans les siens avec tranquillité, sans une once d'inquiétude.
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Le Cercle de la Table Ronde : Le serment de Key
Paranormal𝕋𝕠𝕞𝕖 𝟙 Pays de Galles, VIe siècle. Le Cercle de la Table Ronde, confrérie secrète dissimulée au cœur de la vallée d'Avalon, dans le château de Camelot, réunit dix valeureux guerriers alliés face au danger qui menace le pays : les banshees. ...