✧ Vingt-six ✧

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Arthur éclata de rire, c'était plus fort que lui. La voix de Meredith recelait tellement d'espoir ! Son innocence feinte était si touchante qu'il envisagea d'accepter, avant de chasser cette éventualité. Il éprouva une brève culpabilité. Toutefois, après ce qu'il venait de se passer – ce coup de vent soudain, trop brusque pour ne pas être magique, assorti avec le cri de Meredith –, il ne la laisserait pas fuir.

Lance l'avait fait trop longtemps avec lui. Dans les premiers mois qui avaient suivi le décès de Key, Arthur avait eu de fréquents accès de colère pendant lesquels il restait à l'écart et évacuait ses émotions. Lance était plusieurs fois venu le rejoindre mais Arthur l'avait toujours repoussé ; ainsi, un mur s'était érigé entre les deux amis. C'était son mutisme qui avait valu à Arthur de perdre la confiance de Lance, mais il ne pouvait s'empêcher de se demander où ils en seraient aujourd'hui si son camarade l'avait forcé à vider son sac. Lance avait trop souvent respecté les distances qu'il imposait avec les autres guerriers. Lorsqu'Arthur éludait la conversation, il abandonnait. L'ancien chef du Cercle n'était certes pas assez hypocrite pour lui imputer la faute de sa situation actuelle, mais il regrettait que son meilleur ami n'ait pas été plus insistant.

C'était exactement ainsi qu'il comptait agir avec Meredith. Tout comme lui, elle avait tendance à filer comme une anguille dès qu'elle était sous le feu des projecteurs. Peu importe ce qu'il venait d'arriver, Arthur voulait qu'elle lui parle.

— Pas question, répliqua-t-il. Tu ne t'en tireras pas à si bon compte. Je te laisse le soin de m'expliquer la raison de cet affolement.

— Affolement, tu exagères, répliqua-t-elle, bien trop calmement, en se détournant nonchalamment.

Arthur se retint d'y ajouter un commentaire narquois. Il haussa un sourcil suggestif et lui conseilla avec un sourire félin :

— Prouve-moi le contraire. Allez, déballe toute l'histoire, Meredith.

— Je ne veux pas en parler, dit-t-elle.

— Je crois que c'est précisément ce dont tu as besoin.

— Je suis sérieuse, Arthur, s'il-te-plaît, oublie tout ça, insista-t-elle dans un chuchotement tremblant.

Il se tut en comprenant qu'elle réprimait des larmes. Par le grand Lludd¹, c'était sérieux. Il inspira profondément pour retrouver son calme et ce faisant, se mit à tousser, la faute à la fraîcheur ambiante. Le froid et l'humidité avaient déjà pénétré ses vêtements et le bout de ses doigts était tout engourdi.

— Nous devrions vraiment rentrer, s'inquiéta Meredith.

— Non, rétorqua-t-il, mais avec le nez bouché et sa voix nasillarde, il se sentit tout de suite moins convaincant. Je ne quitterai pas cette cour avant que tu m'aies expliqué. Si c'est important, je dois le savoir.

Elle soupira et Arthur crut humer une ancienne flagrance épicée et chaude. Il devait s'agir d'un condiment rare et précieux, sûrement oriental, comme on n'en trouvait que dans les cours royales. La cannelle, peut-être, il y avait déjà goûté durant son règne. Il considéra Meredith, momentanément interdit. Où avait-elle trouvé une telle épice, qui se vendait à compter de fortunes ?

Elle devait déjà avoir côtoyé des personnes riches et influentes. Arthur ne pouvait croire que les banshees possédaient les ressources nécessaires pour s'offrir de telles folies, auquel cas elles auraient annihilé le Cercle depuis belle lurette.

Meredith, en pleine réflexion, esquissa une grimace qui parut de bon augure aux yeux d'Arthur. Elle se frotta les bras pour en chasser la chair de poule et son regard plongea sous les pavés de la cour comme pour chercher à s'y enterrer.

Le Cercle de la Table Ronde : Le serment de KeyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant