✧ Treize ✧

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Le lendemain s'annonçait gravement. Une pluie diluvienne, bien connue des Bretons, s'était mise à inonder les campagnes au petit jour. Elle avait réveillé Arthur qui était parvenu, peu après l'incident de la nuit, à sombrer dans un sommeil agité. Encore somnolent, il écouta la pluie tomber jusqu'à ce qu'il entende des pas dans le couloir. Un autre guerrier s'était éveillé.

Il se leva donc, le cœur lourd de la déclaration qu'il aurait à faire aujourd'hui, pour annoncer sa démission. Il quitta sa chambre et monta au troisième, d'où provenaient de délicieuses odeurs de viande braisée et de pain chaud. Quelques discussions échangées à voix basse lui apprirent qu'il avait été devancé par plusieurs de ses compagnons.

En arrivant dans la salle à manger, plus conviviale que la salle de banquet du rez-de-chaussée, Arthur tomba nez à nez avec Owen, couvert de boue. Le jeune homme rit, embêté, et s'écarta rapidement d'Arthur.

— Désolé, je ne suis pas très présentable.

— Tu es allé te rouler dans la boue alors qu'il pleut des cordes ? Pas très malin.

— Quand un molosse d'une tonne te saute dessus, crois-moi, c'est la boue ou la côte cassée. J'ai sorti Wild ce matin. Il était plutôt content. Il ne m'a même pas mordu.

— C'est que tu progresses. Sauf que si tu te présentes ainsi devant lui, il risque de ne pas te reconnaître et de t'attaquer.

— Figure-toi que j'allais me débarbouiller un peu.

Arthur le laissa passer. L'entêtement doublé d'une bonne dose d'optimisme d'Owen ne cessait de l'épater. Le jour où Wild se laisserait approcher n'était pas encore arrivé, et pourtant il continuait à essayer.

Dans la salle, Gawain, Melgan, Galahad et Tristan conversaient tranquillement en partageant un petit-déjeuner, composé de brioche, de filet de lapin, de pommes et de carottes. Gawain leva les yeux sur Arthur.

— Bien le bonjour, le salua Galahad.

— Bonjour, répondit Arthur en prenant place. Tu as déjà chassé, Gawain ?

— Ce matin.

Arthur n'avait donc pas été le seul à ne pas trouver le sommeil.

— On vous a mis au courant ? reprit-il.

Melgan écarquilla les yeux et Gawain secoua la tête.

— Je n'ai encore rien dit.

— Au courant de quoi ? s'enquit Tristan.

— Meredith a fait des siennes cette nuit, expliqua Arthur. Elle a attaqué Colleen.

— Merde, lâcha Melgan. Comment va-t-elle ?

— Je l'ai laissée aux bons soins de Perceval... Elle l'a échappé belle.

— Percy était là ? intervint Galahad.

— Et Karo, compléta Gawain. Il a été blessé également.

Un silence de mort salua cette annonce. Si Karo, le meilleur combattant du Cercle, l'épéiste le plus redoutable de toute l'île britannique, avait été battu par une seule banshee, qui plus est emprisonnée, le Cercle avait du souci à se faire.

—Meredith a eu d'innombrables occasions de fuir pendant le trajet jusqu'ici, et elle les aurait saisies si elle avait pu, reprit-il. Elle m'a dit que j'étais immunisé à la magie et je commence à croire à cette explication.

Il n'osa pas ajouter qu'il était donc nécessaire au Cercle, bien que ce fut évident ; il ne voulait pas faire croire qu'il sautait sur le premier argument venu pour rester avec les guerriers. Habituellement, il n'aurait pas hésité à livrer tout le fond de sa pensée, mais sa place au sein du Cercle était déjà menacée... Il se tut donc.

Le Cercle de la Table Ronde : Le serment de KeyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant