0 8 | La danse du pantin

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l u m o s



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0 8

La danse du pantin


Un soleil paresseux et timide déployait de longs bras par-dessus le parc enneigé, noyant le paysage d'une douce chaleur. Pourtant, le sifflement du vent continuait de régner au-dehors et le froid enveloppait le château d'un manteau glacial. Les couloirs mal éclairés criaient leur solitude, fuis par les élèves en quête d'ambiances et de compagnies chaleureuses. Hermione contemplait ce triste tableau le ventre plein et la tête envahie de pensées angoissantes. À ses côtés, Malefoy extirpait un paquet de cigarettes d'elle ne savait où, les mêmes qu'elle avait tenté en vain de lui confisqué la veille. Ce temps-là paraissait à présent si lointain, si inatteignable... Comme s'il avait appris sa leçon, il aventura un pied dans le parc désert et s'assit sur l'un des nombreux blocs de pierre qui se présentaient à eux. Puis il sortit son briquet argenté et laissa son regard se balancer entre les dunes lointaines.

- Et si quelqu'un nous voyait ? rappela Hermione sur un ton qui ne la convainquit pas elle-même.

- Assieds-toi Granger, dit-il posément, et arrête de stresser.

Plus par fatigue que par obéissance, la jeune femme se laissa tomber à son tour sur le bloc, avec un soupir soucieux.

- On se les gèle ici.

Malefoy lui lança un coup d'œil en biais, le sourcil relevé, avant de retourner à sa contemplation et tirer une nouvelle bouffée de sa cigarette. Hermione crut voir un sourire naître sur ses lèvres, qu'elle ne comprit pas. Il lui venait par moments cette curieuse manie de l'observer en silence, presque comme on regarde une enfant, et elle parvenait à apercevoir dans son regard un brin d'amusement, l'air d'apprécier la naïveté dont elle était naturellement dotée. Alors qu'elle se perdait dans ces réflexions, il se tourna vers elle et lui tendit le paquet duquel une cigarette dépassait. Hermione fixa alternativement son acolyte et l'objet qu'il lui tendait, la bouche entrouverte.

- Moi ?

- Non, Merlin. Qui d'autre, Granger ?

Elle éclata d'un rire nerveux.

- Tu es ridicule, je ne touche pas à ça.

Loin d'elle l'idée de lui avouer qu'il lui était arrivé de tenter les cigarettes moldues durant l'été avec ses amies d'enfance. Une once de rébellion, une goutte d'imprudence ; c'est comme cela qu'elle dérogeait à ses principes à de rares occasions, dissimulée derrière le grillage de son jardin, entourée des encouragements de ses copines.

- C'est inoffensif, informa Malefoy avec un sourire. Totalement différent de ces vulgaires déchets moldus dont j'ai entendu parler. Allez Grangy y a pas mort d'homme, débloque un coup.

Sa crinière touffue lui tombait sur le front, parsemée de quelques flocons de neiges, cachant ses sourcils délicats. Hermione le scruta longuement avec l'étrange impression de n'avoir affaire qu'à l'une de ses nombreuses personnalités, la plus rebelle, matérialisée sous son nez sous la forme d'une sorcière malicieuse et indépendante. Elle tendit alors la main, dégageant le fin rouleau de tabac de son emballage.

- C'est ça, approuva vigoureusement Malefoy, fais honneur aux couleurs de ta maison.

- Oh, tais-toi, l'intima-t-elle en tentant tant bien que mal de masquer son sourire gêné.

Elle attrapa maladroitement le briquet qu'il lui lança, mais au moment où les souvenirs s'assemblèrent dans son esprit et lui chuchotèrent la manière dont il fallait s'y prendre, ses gestes se firent soudainement plus précis. En actionnant l'engin, elle se revoyait recroquevillée derrière un buisson, assise en tailleur sur le gazon mal taillé des voisins, riant aux éclats aux boutades de son amie. La première bouffée se laissa tomber dans ses poumons, et ce fut comme si des milliers de fleurs y naissaient. La saveur de ce faux tabac lui inspirait un goût sucré de menthe poivrée et d'autres arômes floraux dont elle se délecta silencieusement.

Détracœur | dramioneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant