BATMAN - L'As et le Masque, Avant l'histoire

~ 12 ~

Le bruit strident des sirènes déchira Gotham.

James Gordon, accompagné de Wayne et de ses hommes, dévalait dans la métropole à toute vitesse. Coupant les piétons, aveuglant les véhicules de ses feux rouge et bleu, le commissaire filait vers sa résidence avec l'espoir que les paroles de White n'étaient qu'une simple coïncidence, qu'une vaine allusion.

Son cœur s'arrêta. D'un geste sec, il freina à en faire crier ses pneus.

La porte de son condo était grande ouverte ; et dehors, une foule de piétons s'était assemblée autour de l'immeuble de briques crème. Sans prendre le temps de consulter Bruce ou d'attendre ses collègues, le rouquin s'élança hors de la voiture afin de venir au secours de ses filles.

Il était trop tard. Ligotée à une chaise de la cuisine, la bouche couverte de ruban adhésif, Barbara se débattait contre un ennemi invisible. Dans sa hâte, le père anxieux s'empressa de la détacher et de retirer le ruban qui l'empêchait de parler : à peine eut-elle l'occasion de respirer qu'une panique sourde l'envahie. Le commissaire tenta de la calmer pour entendre ses explications ; néanmoins, elle l'agrippait par les bras avec un tel désespoir qu'il dût se résoudre à l'écouter. À travers ses sanglots entrecoupés, la rouquine lui expliqua qu'un groupe d'hommes armés étaient entrés par infraction dans leur résidence et avait tenté d'amener la noiraude avec eux. S'il fut soulagé que sa fille lui décrive l'élan de courage avec lequel elle avait permis à sa sœur adoptive de se sauver, il blêmit à l'idée de l'enfant soit encore poursuivit par ses assaillants. Poings serrés, mâchoire crispée, il se releva et se dirigea au pas de course à l'extérieur du condo afin de mettre ses collègues ainsi que Wayne au courant de la situation actuelle ; néanmoins, il n'en eu pas l'occasion.

Un coup de feu secoua les rues, fit déferler une vague de piétons en direction du barrage établi par le GCPD. Gordon ne réfléchit pas à deux fois : il confia sa fille aux soins de Bruce et, avec une poignée de ses hommes, accourut en direction du bruit qui avait secoué le quartier.

Il sentit son cœur manquer un battement. Non loin des véhicules garés des policiers, après la marée de citoyens affolés, il discerna une ombre sortir d'une ruelle et se faufiler entre les passants. Son veston noir, auquel s'ajoutait un bras absent, lui donna des sueurs froides. Tout en guidant ses hommes, il pressa le pas en direction de l'étroit passage dans l'espoir que le pire n'était pas à venir. Cependant, ses prières demeurèrent hors d'atteinte.

Une violente nausée le saisit à la gorge quand, dans la noirceur de la ruelle, il discerna un corps minuscule allongé dans une flaque épaisse et écarte. Sans se préoccuper des propos de ses collègues, il se lança sur la fillette et la prit dans ses bras, tâtant son pouls, écartant les mèches ébène de son visage pâle.

Sa respiration, faible et irrégulière, était obstruée par son nez écrasé et le sang que sa gorge tentait vainement d'éjecter. Dans son épaule, un trou duquel s'écoulait un filet rouge et gluant avait traversé sa chair.

Le salaud lui avait tiré dessus. Alors qu'il criait aux policiers d'aller chercher des paramédics, Gordon se défit de son manteau caramel pour en envelopper la noiraude – un essaie infructueux pour la réchauffer et arrêter l'hémorragie qui s'aggravait à chaque seconde. Au fur et à mesure que la peau de Coralie pâlissait, il repensait à toutes ces fois où elle l'avait averti de la présence des hommes en noir, à toutes les fois où ses collègues ne l'avaient pas pris au sérieux lorsqu'il leur racontait sa rencontre avec eux.

La vue embrouillée par l'injustice, il se maudit de ne pas avoir insisté, et encore plus de ne pas avoir su comment protéger sa famille. Il murmura mille excuses à la fillette lorsqu'on l'arracha subitement à son étreinte afin de lui prodiguer les soins nécessaires. L'idée que leurs agresseurs aient infiltrée davantage de domaines que le GCPD lui donna un goût amer : une chair de poule le fit frissonner jusqu'à son échine. Il poursuivit la civière pour accompagner l'enfant, mais une main sur son épaule le força à s'arrêter, le laissant réaliser avec horreur la figure fébrile engloutie par le véhicule d'urgence. Il se retourna, prêt à hurler sa rage à l'imposteur qui avait osé le stopper dans sa course, quand une scène morbide lui fit ravaler ses paroles doucereuses.