Chapitre 15

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Ariane ne savait pas trop que faire. Elle s'était toujours sentie très bien en compagnie des deux garçons malgré tous les litiges qu'ils avaient pu avoir. Pour elle, les disputes n'étaient rien d'autre qu'une des multiples facettes de l'amour. Ils aidaient à crever l'abcès dans les relations.

L'état d'abandon subit, dans lequel l'avaient laissée ses deux amis l'avait désorientée, aussi bien géographiquement que moralement. Elle ne savait plus à quel saint se vouer dans la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle avisa un baril à quelques pas d'elle et s'y assit, histoire de reprendre son souffle quelques minutes. La tête entre les mains, elle s'apitoyait sur son sort pendant un bon moment, au bout duquel elle finit par se dire qu'elle l'avait bien mérité. Ses réactions envers les garçons avaient été immatures et peu courtoises. Qu'est-ce qui lui avait pris de cracher sur Paulus et surtout de hurler sur Titus, alors que celui-ci cherchait juste à l'aider ? Elle se traita d'idiote.

Après sa mea culpa, la jeune fille se décida à se relever. Elle n'avait pas traversé toutes ces épreuves, mis sa vie en danger, risqué sa santé, pour abandonner si près du but, seulement parce que deux garçons imbus d'eux-mêmes l'avaient laissée tomber. Une voix dans sa tête lui dit qu'elle était un peu trop dure dans son jugement avec ses amis, mais elle la refoula aussitôt. Elle avait besoin de croire que la faute était aux deux autres, pour avoir la force de poursuivre son chemin.

Elle se leva, puis en reniflant, elle s'essuya du revers de la main, les larmes qui coulaient sur ses joues. Elle devait se montrer forte. À cette pensée, il lui vint à l'esprit l'image de sa mère. Celle-ci avait toujours été une femme forte et inébranlable. Ariane avait gardé très peu de souvenirs d'elle vu qu'elle n'était qu'une enfant quand sa mère était décédée. Mais le peu d'images qu'elle en avait conservé était celles d'une femme inébranlable qui ne prenait pas la grosse tête à cause de son statut social, et qui en même temps ne se laissait pas abattre par l'adversité. Elle avait toujours su garder la force et le sourire, même dans les derniers instants de sa vie, alors que la maladie la dévorait à grand feu.

Ce soir-là plus que jamais, Ariane sentit la présence de sa mère à ses côtés, et se sentait réconfortée à son seul souvenir, et forte de cette émotion, elle reprit sa route. Elle ne mit guère longtemps à retrouver la cabane dans laquelle elle avait bien souvent vu Scipio se retirer. Elle s'en approcha. La cabane était tout ce qu'il y avait de plus banal. Elle devait avoir les mêmes dimensions que le taudis dans lequel ils s'étaient réfugiés, avec Paulus et Titus. Personne n'irait jamais chercher un trésor là. La jeune fille retint son souffle en posant la main sur la poignée de la porte. Celle-ci céda et la porte s'ouvrit aussitôt.

Ariane commença alors à avoir des doutes. Entrer dans cette pièce avait été si simple. Elle doutait que quelqu'un eut pu cacher un trésor si précieux dans un endroit si facile d'accès. Et quand elle y pénétra, elle vit bien que son intuition ne l'avait pas trompée. Il n'y avait rien à l'intérieur, à part une table. Elle s'en approcha lentement, et en fit le tour, plus lentement encore, la tata avec délicatesse, mais rien ne se produisit. C'était une table normale, à qui la pénombre donnait un air de mystère, sans rien de plus. Ariane se sentit démoralisée. Elle voyait tous ses espoirs voler en éclats, et c'est abattue moralement qu'elle se laissa choir sur ses genoux.

Cependant, elle ne sentit rien, aucune douleur, comme si quelque chose avait amorti sa chute. Les premières secondes, cela ne lui parut pas étrange, sauf que plus elle y pensait, plus elle se disait que quelque chose n'allait pas. Elle caressa donc le sol et étouffa un cri de surprise. Le sol était entièrement recouvert d'un tapis. « Qui recouvrirait le sol d'une pièce de ce genre d'un tapis ? » s'interrogea-t-elle. Elle se demanda comment elle avait pu manquer un détail aussi incongru ? C'était peut-être dû à tous les doutes qui l'avaient submergée quand elle était entrée dans la pièce. À moins que ce ne fut à cause de l'obscurité, d'autant que la couleur était assez terne et ne se remarquait pas au premier regard.

La jeune fille eut tout à coup une idée et, s'approchant de la table, elle essaya de la déplacer. Celle-ci était moyennement lourde, assez légère pour qu'Ariane, malgré ses frêles forces, réussisse à la faire bouger. C'est donc ce qu'elle fit. Puis se penchant à l'endroit où trônait auparavant la table, elle se mit à donner quelques petits coups à gauche et à droite, et ce qu'elle pensait se confirma. Une partie du sol sonnait creux.

Ariane se leva, excitée comme une gamine, et essaya tant bien que mal de retirer le tapis, et elle découvrit une trappe en dessous, comme elle s'y attendait. Elle essaya de la soulever mais vit que celle-ci était condamnée par un système mécanique. Le système avait une clé de verrouillage avec des boulons qu'on pouvait rouler de façon à faire défiler les caractères. Il y avait six boulons en tout. Les caractères sur les boulons représentaient les lettres de l'alphabet grec. Ariane comprit alors que pour dévérouiller la trappe, elle devait trouver la clé de déverrouillage, qui devait etre un nom, ou un mot de valeur, ou quelque chose de similaire. 

Plus Ariane contemplait le mécanisme, plus son adrénaline montait. Elle se demanda quel pouvait bien être le code de déblocage. Elle repensa à tout le discours qu'elle avait tenu aux garçons sur l'ancre, etc. Elle se rappela que le poisson était l'un des symboles par lequel on désignait traditionnellement Jésus. L'une des raisons de cette association était due au fait que le mot poisson en grec iktus formait un acronyme pour Ἰησοῦς Χριστός, Θεοῦ Υἱός, Σωτήρ" (Iēsous Christos, Theou Yios, Sōtēr) ce qui signifiait Jésus-Christ, fils de Dieu sauveur. La jeune fille pensa un instant que cet acronyme pouvait constituer le code de déverrouillage, mais elle se rendit vite à l'évidence. L'acronyme ne comportait que cinq caractères, tandis que le code en possédait six.

Puis une idée lui vint. Le nom du soldat Scipio avait bel et bien six caractères. Elle inséra donc le nom, translitérant les lettres latines en caractères grecs. À son grand désarroi toutefois, elle constata que la serrure ne se déplaça pas d'un seul cheveu. La demoiselle se sentit alors défaillir. Il y avait des infinités de possibilités, et elle aurait besoin d'une vie entière pour toutes les éplucher. Elle essaya de se calmer et de réfléchir. Jusque-là, elle avait toujours trouvé des solutions aux difficultés qui s'étaient présentées à elle. Cette impasse n'était qu'une énigme parmi tant d'autres et elle en viendrait à bout tôt ou tard. Elle devait juste trouver la clé de l'énigme.

La clé ? Ce mot fit comme un déclic dans sa tête. Elle se rappela d'un détail. Jésus avait justement donné les clés de son église à un de ses disciples. Celui que tous appelaient Pierre. Et justement, sur les icones, celui-ci était toujours représenté avec des clés en main. En outre, l'abréviation de son nom, (PE) était représentée graphiquement de façon à représenter une clé. Ariane prit donc une grande inspiration, et composa le code avec les lettres du nom de l'apôtre : Petros. Et avec grand soulagement, elle sentit la serrure de la trappe céder sous ses doigts.

Sous la trappe se trouvait un escalier. La jeune fille le suivit et se retrouva sur un escalier. Elle le suivit et l'escalier, après quelques mètres déboula sur une petite crypte. La crypte n'avait rien de particulier, à part au fond, un petit autel, en forme de cube. Elle s'en approcha doucement et en caressa la surface. Elle donna quelques petits coups à l'autel et se rendit compte que le son était creux. L'autel avait un vide à l'intérieur, qui devait probablement contenir le livre. La fille le contourna et vit un mécanisme d'ouverture, semblable à celui qu'elle avait rencontré pour ouvrir la trappe. Elle allait l'actionner quand elle entendit une voix venant des escaliers.

- Comme c'est impressionnant ! J'étais sûr que tu y serais arrivé.

Le sang de la demoiselle ne fit qu'un tour dans ses veines en entendant la voix. Elle leva la tête en direction de celui qui avait parlé et se sentit défaillir. Elle ouvrit la bouche et la seule chose qu'elle réussit à dire fut :

- Toi ? 

Le Mal du siècle [En collaboration avec Nanton]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant