Les choses allèrent très vite. Paulus renvoya l'esclave qui était venu le prévenir que son père le cherchait. Puis se tournant vers ses hôtes, il leur demanda : « Me faites-vous confiance ? »
« Absolument ! » répondit Ariane sans la moindre hésitation.
« Comme si on avait le choix. » dit Titus dans un soupir, avec un ton qui exprimait à la fois mépris et résignation.
Ariane le foudroya du regard. Elle voulut le réprimander pour son attitude grossière, mais Paulus enchaîna sans lui en laisser le temps : « Heureusement, parce que ça va secouer un peu. À partir de maintenant je vous demande de m'obéir à la lettre. »
Puis, sans autre forme de procès, il plaqua Ariane au sol, arracha le drap qui couvrait Titus, et en recouvrit la jeune fille. Le drap était plein de taches de sang. « Ça vaut mieux ainsi, mon histoire n'en sera que plus convaincante. » pensa-t-il pour lui-même. Puis il s'adressa à Ariane qui étendue sous le drap, cherchait à comprendre ce qui lui arrivait : « À partir de maintenant, tu es morte ! »
Il se retourna ensuite vers Titus et se mit à califourchon sur lui. « Crie si tu peux ! » lui dit-il, et sortant son canif, il lui entailla le bras gauche. Il essaya de ne pas enfoncer le canif trop profondément. Cependant, Titus, qui avait encore le corps tout endolori, sentit pleinement la douleur. Aussi, n'eut-il pas besoin de faire semblant de crier. La plainte qui s'échappa de sa gorge était semblable à celle des damnés des champs de l'asphodèle.
Ariane, de là où elle se trouvait, frémit en entendant Titus hurler. Elle voulut réagir mais se remémora les consignes de Paulus. Elle devait rester immobile et continuer à lui faire confiance. Elle se disait qu'il savait ce qu'il faisait et ne voulait en aucun cas gâcher ses plans, s'il en avait vraiment un.
« Par la barbe de Jupiter, qu'est-ce qui ne va pas ici ? » entendit-on. Paulus se retourna et vit son père, le magistrat Anius Aurelius Aper qui se tenait sur le seuil de la porte. « Qu'est-ce que tous ces cris ? »
« Père ? Que faites-vous ici ? » dit Paulus en feignant la surprise.
« Je te rappelle que ce ″ici″ » dit le magistrat en appuyant sur le dernier mot « fait partie de ma maison. Et j'ai le droit d'aller où bon me semble, tant que ça fait partie de ma maison » fit-il en prenant soin de bien appuyer sur ma maison. Puis il balaya toute la salle du regard. Il n'était pas descendu dans cette remise depuis... maintenant qu'il y pensait, il ne savait même plus à quand remontait sa dernière visite à cet endroit. C'était una pièce qu'avait fait aménager sa défunte femme pour ses différents loisirs. Mais depuis que celle-ci était décédée, Aper n'y était plus descendu et la pièce s'était transformée petit à petit en débarras. Toutefois, le spectacle qui se déroulait sous ses yeux était plutôt déroutant. Il ne se rappelait pas avoir jamais demandé d'entretenir particulièrement cette salle. Et pourtant, à en juger par ce qu'il voyait, on eût cru que quelqu'un y résidait. Le magistrat remarqua enfin le corps inerte sur le sol et reporta ses yeux sur son fils toujours assis sur un autre jeune homme sérieusement amoché.
« Tu veux bien m'expliquer ce qui se passe ici ? » dit-il enfin d'un ton qui masquait mal sa surprise.
« Ce qui se passe ici ? » répéta Paulus, un peu hébété.
« Exactement ! J'exige de savoir ce qui se passe ici ? » répéta Aper qui semblait perdre patience. « Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? Et qui sont ces gens ? » demanda-t-il.
« Ah ! » dit Paulus qui se leva du corps de Titus qui put enfin respirer. Ce dernier porta la main à sa blessure au bras et la douleur qu'il éprouva lui arracha un gémissement. Ariane aussi entendit son gémissement. Cela la préoccupa, mais elle demeura de marbre. Elle s'était vu attribuer le rôle du cadavre et elle était décidée à le jouer de son mieux aussi longtemps que nécessaire.
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Le Mal du siècle [En collaboration avec Nanton]
Mystery / ThrillerLe mal, c'est la folie des hommes. Au cours des siècles, ils ont généré et affronté tant de calamités, mais chaque fois, les drames se sont répétés. L'histoire de l'humanité c'est le reflet de notre présent : les hommes n'apprennent jamais de leurs...