Chapitre 4 (by NantonOfficiel)

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Titus rodait autour de la maison d'Ariane, espérant qu'elle se fasse voir. Il voulait lui parler de leur entrevue de la veille. Pourquoi s'était-elle retirée si promptement ? Que faisait-elle si tard le soir dans les rues de la ville ? Peut-être s'était-elle posée les mêmes questions pour lui. Par ailleurs, il souhaitait ardemment lui raconter la scène qu'elle n'avait probablement pas vu.

La mort de Capito et de Marcus s'était ébruitée durant toute la matinée par les passants de la rue. Les autorités avaient rapidement tenté d'intervenir pour éviter toute propagation de l'information, mais la nouvelle s'était répandue encore plus vite que la maladie elle-même. On avait aussitôt fait le rapprochement avec le procès de Scipio, toutefois on préférait attribuer leurs meurtres à un vol car les deux hommes avaient bien été détroussés et leurs bourses avaient été remplies de cailloux. Voilà qui avait su éveiller les superstitieux de la ville.

Titus trépignait avec impatience devant la demeure des Albus. Il espérait obtenir quelques renseignements sur Ariane. Bientôt, à l'angle de la rue, apparut le magistrat Aper. Il s'approcha de la maison et fut accueilli sur le pas de la porte par Albus qui semblait l'attendre. 

« Je suis arrivé dès que j'ai reçu la nouvelle. Je t'avais prévenu que ça arriverait, Caius, dit-il sans nulle formule de politesse.

– Oh, Anius, épargne-moi ta morale, répondit Albus en l'invitant à entrer.

– Comment va-t-elle ?

– Aussi mal que l'on pourrait imaginer ! Vite, Entre ! »

La porte se ferma.

Titus était foudroyé. Il avait entendu ce peu de paroles avec autant d'incompréhension que de lucidité, et c'était tout ce qu'il y avait à dire. C'était clair, mais confus ; précis, mais encore évasif ; concis, mais trop exubérant. Quoiqu'au fond, il en retint ceci : la peste avait touché Ariane. Ne sachant que faire, il courut vers les portes de la ville.

Il courait pour fuir le sort. Il haït Fortuna qui le décrétait pour chacun ; par trois fois, il haït le destin et les parques qui en tissaient la Trame ; il haït aussi Jupiter qui régissait le monde depuis l'Olympe. Il lui semblait que tout son entourage était frappé par la maladie.

Et alors qu'il s'éloignait de la demeure de son amie, il avait envie de crier son malheur à l'ensemble de la cité. Il voulait que chacun des habitants en ait connaissance. Et au rythme de ses foulées, sa voix s'éleva tout au travers de la grande rue. L'entrée de la cité se rapprochait de lui à chacune de ses enjambées. Il se voulait toujours plus proche de Janus. Il voulait que le commencement devienne fin, et que le terme se fasse le début. Il voulait quitter toute réalité du temps.

Il traversa les portes de la ville. Il passa le pont qui enjambait le Natisone. Et il s'arrêta. Ou allait-il se diriger désormais ? Dans la campagne ? Nul ne l'entendrait ; il voulait qu'on l'écoute. Vers une autre ville ? On le prendrait pour un fou. Après réflexions, il se résigna à rentrer dans la ville, mais un garde l'en empêcha :

« Halte, citoyen ! Vous soumettriez-vous à l'interrogatoire ?

Puis, l'observant attentivement, le gardien changea brusquement d'attitude.

– Citoyen, vous ne pouvez pénétrer la cité d'Aquilée. Pour cause, vous possédez l'un des symptômes proscrit, affirma-t-il »

Titus retourna sur le pont et observa son reflet dans l'eau par-dessus la barrière. La noirceur de l'eau et la distance masquaient la rougeur de son visage. Écarquillant les yeux, il se pencha encore plus. Il porta la main au visage et ce qu'il sentit lui laissa peu de doutes sur ce qui était en train de lui arriver. Il entendit des voix sur sa gauche. Un soldat accourait et avec de grands cris et de grands gestes il essayait de le dissuader de se jeter du pont. Titus le regarda et fixa ses traits dans sa mémoire. C'était surement le dernier visage qu'il verrait. Puis, il ferma les yeux ; les crispations de ses mains se relâchèrent ; et, esquissant un dernier sourire, il se laissa tomber à l'eau.

Seulement après avoir sauté, il se rendit compte de la grossièreté de son action et s'en repentit aussitôt. Il ferma alors les yeux et se mit à réciter une prière : « Père Appolon, je regrette, si tu pouvais réaliser un miracle et me sau... »

Le Mal du siècle [En collaboration avec Nanton]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant