Chapitre 5

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Titus ouvrit difficilement les paupières, et ce qu'il vit lui fit croire qu'il avait des hallucinations. Devant lui se tenait Ariane qui était dans les bras d'un jeune homme.

Titus referma les yeux pour essayer de s'éclaircir les idées, mais il eut quelques difficultés car sa tête lui faisait énormément mal comme s'il y avait reçu un coup. Il se retourna lourdement dans le lit dans lequel il était couché, ce qui attira l'attention des deux jeunes gens.

« Il se réveille ! » s'écria Ariane tout enthousiaste. Elle s'approcha de Titus avec empressement, et se pencha sur lui. Celui-ci ouvrit les yeux à nouveau, ce qui arracha un sourire à Ariane. Titus sentit son cœur fondre à sa vue.

« Comment va notre miraculé ?» demanda-t-elle. « Tu as sûrement la faveur des dieux. Très peu survivent à un plongeon comme le tien. Tu t'es presque fracassé la tête. » dit-elle puis elle se tut attendant la réaction de Titus qu'elle n'avait pas lâché du regard une seule seconde depuis qu'elle s'était mise à parler.

Celui-ci après quelques secondes détourna le regard. Puis reportant les yeux sur Ariane qui le fixait toujours lui dit : « Je vois que je ne suis pas le seul miraculé ici. » Ariane fronça les sourcils avec l'air de se demander de quoi il pouvait bien parler. Titus finit par mettre fin au suspense :

« J'ai entendu ton père annoncer au magistrat Aper que toi aussi tu avais été contaminée.

– Ah, dit Ariane en se retenant visiblement de rire.

– Elle me prend certainement pour un idiot, pensa Titus. D'ailleurs, poursuivit-il, si ça peut te consoler, j'ai moi aussi contracté la maladie. Donc tu ne seras pas la seule à mourir. »

Cette fois Ariane rit pour de bon en se retournant vers le jeune homme qui était avec eux, imité aussitôt par celui-ci. Titus se sentit ridicule, d'autant plus qu'il avait l'impression d'être au milieu d'une situation dont il ignorait tout. Il tourna les yeux vers le jeune homme et ce qu'il vit le bouleversa tant le spectacle était inattendu. Il se demanda comment il avait pu ne rien remarquer tout ce temps-là. Pour se justifier, il se dit qu'en plus de son mal, toute son attention avait été attirée par Ariane, et donc il n'avait pas pris la peine d'examiner le garçon. Mais maintenant qu'il le regardait bien, il ne pouvait plus se faire de doute.

« Toi ? Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda Titus à l'autre jeune homme.

– Oh ! Du calme ! Je t'informe que tu lui dois la vie et que tu es présentement dans sa maison. » s'empressa de répondre Ariane. Titus lui lança un regard surpris. Alors elle entreprit de lui raconter l'histoire :

« Je te présente Paulus. C'est effectivement lui le soldat que tu as rencontré il y a trois jours avant ta tentative de suicide. 

– Quoi ? demanda Titus ahuri, Tu veux dire que j'ai dormi pendant trois jours ?

– En réalité tu n'as dormi que quarante heures, lui répondit Ariane. Mais ton incident remonte à avant-hier. Donc techniquement, ça fait trois jours. »

Titus n'en revenait pas. Dès son réveil, il s'était mis à discourir de tellement de trucs qu'il n'avait même pas songé à demander combien de temps il était resté inconscient. Ariane lui laissa un peu de temps pour reprendre ses esprits avant de continuer.

« Tu as eu beaucoup de chance. Nous avons cru que tu ne t'en serais jamais sorti. Mais la fortune semble être avec toi, sinon rien ne saurait expliquer ta survie.

– Tu peux essayer d'être plus claire ? demanda Titus qui n'en pouvait plus de tout ce mystère.

– Quand tu t'es jeté du pont, Paulus qui revenait d'une mission secrète est allé aussitôt à ta rescousse. Dans ta chute, ta tête avait heurté un rocher mais ton vêtement s'est accroché à un tronc d'arbre qui gisait là, ce qui a empêché le courant de t'emporter. Paulus a donc pu t'extirper sans trop de peine, et par un chemin secret, il est ressorti de la ville pour te récupérer et te conduire dans une remise sous la résidence de son père. Il est aussitôt venu me chercher. J'ai pu te soigner. Ta blessure était plutôt grave et donnait des raisons d'être inquiet. En plus, tu avais perdu beaucoup de sang. Je t'ai prodigué les soins que j'ai pu avant d'abandonner ton sort entre les mains des dieux qui visiblement ont eu pitié de toi. »

Titus n'en revenait pas de l'histoire qu'Ariane lui avait à peine racontée. Il se sentait miraculé. Et pourtant il y avait quelque chose qui clochait dans cette histoire. Il demanda donc :

« Mais d'où est-ce que vous vous connaissez tous les deux ? Et pourquoi il t'a appelée toi, et non quelqu'un d'autre ? 

– J'ai appelé la seule personne en qui j'avais confiance, c'est-à-dire Ariane, et je t'ai confié à ses soins, parce qu'un autre médecin nous aurait dénoncés immédiatement.

– Cela explique une partie du mystère, répondit Titus. Mais il reste encore beaucoup de zones d'ombres. D'abord, pourquoi Ariane ? Je veux dire, comment est-ce que tu la connais ? Et d'ailleurs, toi, poursuivit-il en se tournant vers Ariane, depuis quand tu t'y connais en médecine ? Et comment se fait-il qu'il ait pu te contacter et que tu aies pu venir me voir si tu es censée être recluse, en train de lutter contre la maladie. Et surtout comment se fait-il qu'après trois jours de contact avec moi, vous sembliez sains tous les deux, et que moi comme par miracle, je n'aie aucun symptôme de la peste tandis que je les avais il y a à peine trois jours ?

– Une question à la fois, répondit Ariane. Alors comme tu dois bien le savoir, je suis la fille unique du magistrat Albus. Ma mère est décédée d'une maladie alors que j'étais très jeune. Mon père m'aimait beaucoup, enfin, il m'aime toujours beaucoup. Il a toujours voulu que je ne manque de rien et il n'a jamais voulu me voir fournir trop d'efforts, et encore moins travailler. Mais mon rêve à moi était de sauver des gens. Je ne voulais pas que d'autres personnes perdent leur mère comme j'avais perdu la mienne. Et quand j'ai trouvé dans notre bibliothèque des vieux documents de médecine tout poussiéreux, je me suis dit que c'était un cadeau d'Appolon. Alors je me suis auto-formée. Puis j'ai commencé à soigner les esclaves de la maison. Un jour mon papa est tombé malade, et j'ai pu le guérir grâce à tout ce que j'avais appris. Depuis lors, il consent à me laisser soigner les gens, même en dehors de la maison. Mais très rapidement, j'ai découvert qu'il avait demandé à quelqu'un de me suivre en cachette où que j'aille.

– Un peu comme une forme de garde rapprochée mais à distance, commenta Titus.

– Exactement, répondit Ariane. Et ce garde n'était autre que Paulus, lui-même fils du magistrat Aper qui avait commencé une carrière militaire. Mais j'ai vite découvert le truc surtout que Paulus et moi nous connaissions depuis tous petits, et cette aventure nous a davantage rapprochés. Cependant nous avons décidé de continuer de jouer le jeu et de faire comme si de rien n'était. Il y a trois jours, Paulus a repris du service officiel vu que j'étais recluse comme tu dis, et qu'il n'avait plus de raison de me surveiller, et alors il s'est passé ce que tu sais.

– Et comment a-t-il réussi à entrer en contact avec toi et pourquoi tu dis que tout le monde croyait que tu étais malade ? A moins que tu n'aies jamais été vraiment malade, demanda Titus

– Non, Titus, c'était une feinte, j'ai jus... »

Mais Ariane n'eut pas le temps de finir sa phrase. Un esclave entra subitement dans la salle où ils étaient, et à bout de souffle dit à Paulus :

« Mon seigneur ! Votre père vous cherche partout. Votre frère lui a dit que vous aimiez vous retirer dans cette pièce et il arrive. Il sera là d'une minute à l'autre. »

Le Mal du siècle [En collaboration avec Nanton]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant