Chapitre 18

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Titus avait, dans la douleur et l'agonie, écouté toutes les confessions du magistrat. Plus le discours évoluait, plus il sentait son sang bouillir dans ses veines. Le vieil Albus avait toujours été un homme respectable à Aquilée, et Titus refusait d'admettre que, sous sa tunique d'époux aimant, de père parfait, et de citoyen modèle, se cachât une créature aussi exécrable.

Ainsi, nonobstant la souffrance qu'il ressentait, il avait trouvé la force de se relever. Il avait ensuite ramassé un des morceaux de bois qui servait de torche, et s'approchant, difficilement, mais silencieusement du magistrat, il lui avait asséné sur le crâne un coup violent, puisant dans toutes ses réserves d'énergie, que la colère avait alimenté.

- Parle pour toi, avait-il dit en s'attaquant au vieux magistrat.

- Titus ! hurla Ariane en se précipitant sur le jeune homme qui s'était effondré lui aussi. Loué soit le Ciel, tu es vivant.

- J'ai eu un peu de chance. J'ai pu survivre à un coup de couteau dans le cœur, articula difficilement le jeune homme en s'efforçant de faire un sourire.

- Arrête de raconter des âneries s'il te plait. Je sais très bien ce qui s'est passé.

- Ah, prononça Titus pour toute réponse.

- Tu oublies que je t'ai soigné durant plusieurs jours. Je sais tout de ton anatomie.

- Ouais c'est vrai, dit le jeune homme qui, malgré ses douleurs, trouva quand même la force de ressentir la gêne devant son amie.

En effet, en soignant le jeune homme après sa tentative ratée de suicide, Ariane avait découvert une chose des plus curieuses. Titus, au lieu d'avoir le cœur à gauche comme tout le monde, l'avait plutôt à droite. Cette singularité ne l'avait que charmée davantage. En outre, Titus devait être surement quelqu'un de spécial, sinon il n'aurait pas survécu à ces derniers jours ; ni à son suicide, ni au coup de couteau dans sa poitrine, même si celui-ci n'avait pas touché son cœur. En pensant rapidement à tout cela, la jeune fille pleurait abondamment sur son ami, se refusant à l'idée de le perdre.

- Tu devrais t'en aller Ariane, l'avertit Titus. Ton père ne tardera pas à reprendre ses esprits, et alors ça risquerait d'être chaud.

- Mais je ne peux pas t'abandonner ici.

- Ne t'inquiète pas pour moi. Je serai mort dans pas longtemps. Mais toi tu as encore une chance de t'échapper. Il faut que tu rendes justice. Sinon ton père ne cessera d'étendre ses ravages, surtout maintenant qu'il a retrouvé le livre.

- Je préfère mourir ici avec toi plutôt que de me séparer de toi une nouvelle fois. En plus il y a ces deux traitres d'esclaves qui doivent m'attendre à l'entrée. Ils me prendront aussitôt que je sortirai d'ici. Donc mes chances de survivre ne sont supérieures aux tiennes que de très peu.

- Si seulement Paulus était là ? se lamenta Titus en perdant connaissance.

- Paulus, dit Ariane comme dans un rêve, puis elle se rendit compte que son ami s'était évanoui. Titus hurla-t-elle en le secouant. Paulus, mais où es-tu, bon sang ?

- Quelqu'un m'a appelé ? dit une voix en s'approchant des jeunes gens. Ariane ? Titus ? Mais attendez... Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond ici ?

- Trop long à expliquer. Aide-moi à porter Titus en lieu sûr. Je te raconterai tout plus tard. Tu as trouvé les deux esclaves à l'entrée ?

- Ils sont hors d'état de nuire, répondit le soldat en se penchant sur Titus.

- Il faut qu'on l'emmène quelque part. On va le porter chez toi. On le soignera là-bas.

- Mais mon père...

- Ton père n'y est pour rien, le trancha Ariane. Maintenant dépêchons-nous ou Titus mourra. Nous n'avons plus beaucoup de temps. Toi va chercher les deux esclaves et ramène-les ici. Moi je vais lier mon père entre-temps. Puis nous emmènerons Titus pour le soigner. C'est lui la priorité pour l'instant. On retournera pour s'occuper des autres plus tard.

Paulus obtempéra sans broncher. Cinq minutes plus tard, les jeunes gens avaient lié, bâillonné et enfermés Albus et ses deux sbires dans la crypte sous la maison, et en étaient sortis, non sans avoir porté le livre avec eux. Ils avaient ensuite remis en place la table et le tapis, et se dirigeaient vers la maison d'Aper, du plus vite qu'ils pouvaient, espérant pouvoir encore faire quelque chose pour Titus. 

Le Mal du siècle [En collaboration avec Nanton]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant