Princes & Dragons

Chapitre 2

 Ses parents rentreront bientôt, mais pour le moment, ils sont toujours absents. Khalid voulait attendre leur retour avant d'agir. Récupérer l'animal en rachetant la bête aurait été ce qu'il y a de plus simple. Mais le cirque s'en va demain et avec eux ce petit dragon qu'ils maltraitent. Il a donc décidé d'agir cette nuit.

Son arc à l'épaule, un petit poignard à la hanche, ainsi qu'une excellente hache qu'il est allé emprunter dans l'armurerie de son père devraient pouvoir subvenir à chacun de ses besoins. Le cirque est situé en périphérie de la ville et il faut à Khalid éviter certaines rues mal fréquentées pour rejoindre l'endroit. Quand il arrive, le spectacle est fini depuis longtemps. Il y a encore quelques hommes qui vagabondent autour de la tente en buvant et fêtant leur dernier soir à Elhabel, dite la cité d'or et capitale d'Almyra. Leur démonstration en ville leur a été bien profitable, puisqu'ils ont remplis leur chapiteau tous les soirs.

Khalid a refusé d'y aller, par principe, il déteste la maltraitance animale. Après tout, ce sont ses seuls amis. Il sait depuis longtemps qu'on ne peut pas faire confiance en d'autres humains, mais les animaux, eux, ne sont jamais mal intentionnés. Ils agissent pour leur survie et ça il peut le comprendre.

Khalid fait discrètement le tour des installations. Des chevaux noirs et blanc, attachés près de roulottes, hennissent bruyamment tout en raclant le sol de leurs sabots. Plus loin une énorme wyvern brune est enchaînée au sol. Elle est vielle, son corps écailleux est marqué par le temps, des taches de soleil marbre son dos et la fine membrane qui compose ses ailes est griffée de cicatrices. À la différence des dragons ces animaux n'ont pas de seconde paire de pattes, leurs membres supérieurs sont de puissantes ailes sur lesquelles ils peuvent s'appuyer pour se déplacer. Ces bêtes sont surtout utilisées par les guerriers comme monture aérienne. Elles sont impressionnantes et Khalid a toujours été fasciné par leur capacité à voler. Il rêve de pouvoir enfin en chevaucher une. Celle-ci pourtant, ne doit plus en être capable tellement elle est grasse. Elle ne fait pas assez d'exercice. Claude aimerait pouvoir l'aider, elle aussi, casser ses chaînes pour qu'elle puisse enfin vivre sa vie. Mais il voit bien que l'animal est incapable de fuir et tout ce qu'il risque de faire c'est d'être repéré avant d'avoir pu sauver le petit dragon.

Il longe les caravanes, y écoute les bruits qui en émanent à la recherche d'un qui indiquerait la présence de l'animal qu'il recherche. Il s'immobilise à côté d'une carriole fermée. Il n'est pas certain de ce qu'il entend, cela ressemble à des petits gémissement à moins que ce soit des sanglots. Quels que soient ces sons ce n'est pas ceux qui l'intéressent. Il s'apprête à continuer quand le pas de deux hommes se rapprochant le surprend.

Il se faufile sous la carriole avant que qui que ce soit ne l'aperçoive.

"Depuis hier elle refuse de faire le spectacle, cette bête est têtue comme une mule !

- Tu l'as privée de nourriture ?

- Comme tu me l'as conseillé. Ça n'y fait rien.

-... Humm, je vais m'en charger et tu verras que demain elle crachera du feu comme tu ne l'as jamais vu faire. Ce que ça peut être stupide un dragon.

- Merci patron, préviens-moi quand tu auras fini, je dois encore m'occuper des chevaux."

Khalid, allongé dans le sol sableux, écoute le pas d'un des deux hommes s'éloigner laissant l'autre jouer avec un trousseau de clé contre la porte. Au-dessus de lui la carriole est devenue étrangement silencieuse et dès que la porte s'ouvre un grognement sourd se fait entendre.

"Ferme là ! Tu n'as pas assuré ce soir, le monstre ! Tu comprends pas ce que j'dis hein !?"

Khalid n'a pas envie d'entendre la suite. L'autre homme est parti. Il est suffisamment loin pour qu'il puisse sortir de sa cachette sans être vu. Il décroche sa hache de son dos et sans un bruit rejoins la personne restée pour terroriser le dragon. Khalid n'a jamais tué, jamais directement et il ne compte pas franchir la ligne ce soir, même s'il sait que cela arrivera un jour ou l'autre, que sa vie dépendra de sa capacité à tuer son agresseur. Il s'entraîne tous les jours contre ses tuteurs plus ou moins expérimenté pour pouvoir être celui qui tue et pas celui qui est tué.