Escapade nocturne

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Après trois jours de recherche intensive sur la carrière du professeur Clermont, j'aurais pu réciter son curriculum vitae les yeux fermés. 

Je n'accusais jamais personne de maltraiter des animaux si je n'avais pas vérifié moi-même les faits qui m'étaient rapportés. C'était ce qui faisait ma crédibilité. Maxence Clermont n'échappait donc pas à ma petite enquête. Je ne voulais pas avoir la réputation d'une militante qui hurlait au loup à la moindre rumeur. Je récoltais donc minutieusement toutes les preuves qui donnaient plus de poids à mes revendications : témoignages, photos incriminantes, aveux, même.

Le scientifique me donnait toutefois du fil à retordre. D'une part, son parcours était celui d'un enfant de chœur : dossier scolaire parfait, carrière brillante, collègue apprécié de tous. D'autre part, je n'avais rien trouvé de louche dans ses méthodologies. J'avais pourtant lu les nombreux articles qu'il avait publiés dans plusieurs journaux scientifiques, mais sans rien trouver de contrevenant dans les expérimentations qu'il avait menées. Cependant, personne de sensé ne se vanterait de détenir ses animaux de laboratoire dans des conditions inacceptables.

Résultat des courses : il me fallait confronter le scientifique directement pour obtenir davantage de renseignements. J'avais tenté de le joindre par courriel et par téléphone tellement de fois que je connaissais maintenant le numéro de son laboratoire par cœur ainsi que le prénom de sa secrétaire. Malheureusement, Dr Clermont n'avait retourné aucun de mes appels, pas plus qu'il n'avait répondu à mes courriels. Les gens qui s'esquivaient ainsi avaient toujours quelque chose à se reprocher.

Au moment où je m'apprêtais à saisir le téléphone pour appeler une énième fois à son laboratoire, une notification à l'écran m'avisa que j'avais reçu un nouveau message. Mon cœur manqua un battement en voyant le nom du destinateur : Dr Maxence Clermont.

« Mme Saint-Loup,

Je ne divulguerai pas les détails de mon étude actuelle au grand public. Je vous demande donc de ne plus tenter de me joindre pour obtenir ces informations, que ce soit par téléphone (ma secrétaire a autre chose à faire que me transmettre vos multiples messages) ou par courriel (j'ai bien reçu les huit que vous m'avez envoyés dans les trois derniers jours).

Merci de votre compréhension.

Maxence Clermont, PhD, MSPH »

Je plissai les yeux et relus son message expéditif une deuxième fois, juste pour attiser un peu plus ma colère envers lui.

Je lui avais laissé une chance de répondre à mes questions et il l'avait déclinée superbement. Il ne me laissait pas d'autre choix que d'obtenir des réponses par moi-même.

C'était décidé : j'allais pénétrer par effraction dans son laboratoire.

***

— Charlie, es-tu certaine que ce soit une bonne idée?

Florence s'était tiré une chaise et avait posé les pieds sur mon bureau. Elle grignotait des bâtonnets de carotte tout en m'écoutant planifier mon entrée par effraction dans le laboratoire du professeur Clermont.

— Maxence Clermont m'a demandé d'arrêter de lui écrire ou de l'appeler. Il ne m'a pas interdit d'entrer dans son laboratoire.

— Non, mais la loi te l'interdit, tenta-t-elle de me raisonner.

— Allez, Flo, ce n'est pas la première fois que je transgresse la loi pour la cause. Ah, voilà mon passe-partout, fis-je en brandissant l'objet. Il me semblait bien qu'il était dans ce tiroir.

Je refermai le tiroir de mon bureau et rassemblai les quelques objets que j'avais réunis pour mon expédition nocturne : un passe-partout, une lampe frontale, mon téléphone. Préparer cette petite escapade m'emplissait d'une fébrilité difficile à contenir. J'avais autant d'énergie qu'une pile électrique.

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