Céder sa place

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Maxence et moi fîmes comme si cette parenthèse enneigée n'avait jamais eu lieu.

Comme si nous ne nous étions jamais embrassés. Deux fois.

Comme s'il ne m'avait jamais appelée « ma puce » dans un moment d'égarement.

Au matin, même si j'avais horriblement mal dormi, je retrouvai mon énergie et ma verve habituelle. Une fois les pneus d'hiver posés sur la voiture de Maxence, nous reprîmes la route et discutâmes sur le chemin du retour comme deux amis. Comme si de rien n'était.

Au fond, c'était mieux ainsi.

Lui et moi évoluions dans deux mondes très différents. Tôt ou tard, une relation entre nous aurait été problématique.

Maxence ne toucha plus mon genou ou ma main. Ne posa plus son regard sur mes lèvres.

Le souvenir de nos baisers resta derrière nous, dans ce petit village enneigé dans lequel je ne remettrais plus jamais les pieds. Pareil pour mes souvenirs.

Lorsque le chercheur me déposa à mon appartement, je décidai de lui confier le projet qui avait germé dans mon esprit quelques jours auparavant.

— J'aimerais avoir ton avis sur quelque chose.

Nous étions garés dans la rue en face de chez moi.

— Ah bon? fit Maxence en se tournant vers moi.

J'acquiesçai.

— J'ai beaucoup réfléchi à ma carrière depuis que je t'ai rencontré.

Maxence parut surpris par mon aveu.

— Ah bon? répéta-t-il comme un disque rayé.

— Tu sais que je veux rendre le monde meilleur, poursuivis-je en faisant fi de son air interloqué. Eh bien, je pense que je m'y prends mal. Je n'ai plus envie d'enfoncer les défenses de tous ceux qui ne partagent pas mon opinion comme si j'étais une boule de démolition.

Je croisai le regard de Maxence, inquiète d'y lire un jugement quelconque. Pourtant, il m'écoutait attentivement et me fit un signe de tête pour que je poursuive.

Je n'eus malheureusement pas le loisir d'élaborer davantage, puisque la sonnerie de mon téléphone nous interrompit. C'était Florence.

— Allô?

— Charlie, viens au refuge dès que tu le peux.

— Tout va bien?

— C'est Diana...

Mon amie ne termina pas sa phrase et se tut.

— Diana? Qu'est-ce qu'elle a?

— Viens me rejoindre, réitéra-t-elle.

***

Je ne m'étais jamais rendue au refuge avec autant d'empressement. Maxence avait proposé de m'y conduire, mais j'avais décliné son offre et avais pris ma propre voiture.

Pourquoi Florence avait-elle été si évasive? Que se passait-il avec Diana? Refusait-elle encore de manger? Robert connaissait pourtant la technique pour l'amadouer...

Je bondis hors de ma voiture sitôt qu'elle fut garée devant le refuge. Je traversai le terrain pour rejoindre la maison des chimpanzés, le cœur battant.

Florence m'attendait dans le couloir, devant la pièce préférée de Diana. C'était une petite serre dont les fenêtres laissaient passer les rayons de soleil le jour et laissaient voir le ciel étoilé la nuit.

Je sus que quelque chose n'allait pas lorsque j'avisai les yeux rougis de mon amie. La dernière fois que j'avais vu Florence pleurer, elle avait douze ans et avait eu ses règles lors d'une sortie scolaire aux jeux d'eau. Et encore là, c'était plus des larmes de colère que de tristesse.

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