La soirée des contorsions

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La soirée d'anniversaire de Léa se déroulait beaucoup mieux que je ne l'avais envisagé. Tout le monde était sympathique avec moi, même Raphaëlle, à mon grand étonnement.

La meilleure amie de Maxence semblait avoir mis derrière elle son ressentiment pour moi. Je ne savais pas ce qui l'avait fait changer d'avis, mais je me surprenais à l'apprécier de plus en plus.

— Elle est jeune pour avoir une enfant de quatorze ans, non? demandai-je à Maxence lorsque nous nous retrouvâmes dans la cuisine après avoir desservi les assiettes.

C'était ma façon peu subtile de le questionner sur la situation familiale de son amie.

— Elle est tombée enceinte à vingt ans, m'expliqua-t-il à voix basse. C'était un accident, tu t'en doutes. Raphaëlle et moi avions à peine entamé nos études universitaires. Avec son copain de l'époque, ils ont décidé de garder le bébé. Ils sont restés ensemble pendant trois ans. Quand Raphaëlle a commencé sa maîtrise, ils se sont laissés, mais ils sont restés en bons termes. Mathieu a toujours été un bon père pour Léa.

Maxence marqua un temps d'arrêt pour rincer une assiette. Il me la tendit, puis je la mis dans le lave-vaisselle en attendant qu'il poursuivre.

— Raphaëlle est l'une des personnes que j'admire le plus, me confia Maxence. Elle a réussi à obtenir son baccalauréat, sa maîtrise, puis son doctorat tout en élevant Léa, tu te rends compte?

— Ça a dû être sacrément difficile.

Maxence acquiesça.

— Je me rappellerai toujours du jour de son accouchement, ajouta-t-il avec un petit sourire. Elle a crevé les eaux en plein examen de fin d'année et le professeur a failli tourner de l'oeil. Il la suppliait de se rendre à l'hôpital, mais à chaque contraction, elle disait : « Je ne veux pas reprendre mon examen, je veux le finir maintenant! ». Finalement, tous les élèves présents étaient tellement déconcentrés que le professeur a donné 100 % à tout le monde et Raph a pu aller accoucher ailleurs que dans une salle de classe.

J'éclatai de rire en entendant le dénouement de cette histoire, et Maxence se joignit à moi.

Depuis la salle à manger, j'entendis Léa nous appeler.

— Max, Charlie! Revenez, j'ai envie de jouer à un jeu!

Maxence plissa les yeux, l'air méfiant, et me tendit la dernière assiette sale pour que je la mette au lave-vaisselle.

Nous retournâmes ensuite auprès des autres convives. En nous voyant rappliquer, Léa se leva et posa les mains sur la table, les yeux brillant de malice.

— J'ai envie de jouer à un jeu, réitéra-t-elle en jetant un regard à la ronde. Et puisque c'est ma fête, j'aimerais que tout le monde y participe. Grand-papa, tu n'es pas obligé, je sais que tu as mal au dos.

Quel était le rapport entre le jeu et le mal de dos?

— À quel jeu veux-tu jouer, Léa? s'enquit Raphaëlle, elle aussi intriguée.

L'adolescente laissa planer un petit silence. Elle maîtrisait déjà l'art du suspense.

— Twister! s'exclama-t-elle enfin en brandissant les mains dans les airs.

Elle jeta ensuite un coup d'œil à Maxence pour voir sa réaction. Celui-ci n'avait pas l'air ravi du choix du jeu, même que je semblais lire une lueur d'avertissement dans son regard. Je ne savais pas trop ce qui se tramait entre le parrain et la filleule, mais je pouvais comprendre son manque d'entrain. Twister était ce jeu qui consistait à se contorsionner sur un tapis de plastique jusqu'à ce que tous les autres joueurs tombent. Connaissant Maxence, il aurait grandement préféré un jeu de connaissances générales.

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