Les fusibles qui sautent

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Plusieurs émotions se succédèrent dans mon petit cœur déjà éprouvé. D'abord, le soulagement.

Ce n'était que Léonore, la chercheur angélique et souriante. Elle était inoffensive.

Puis, ce soulagement inapproprié fut vite balayé par la peur.

La peur de la trouver là, dans la pénombre, un petit sourire accroché aux lèvres.

La peur de découvrir la raison de son entrée par effraction dans mon appartement.

La peur de comprendre qui elle était réellement sous son masque de gentillesse.

— Qu'est-ce que vous fichez chez moi? demandai-je froidement.

Je m'avançai de quelques pas pour la rejoindre dans la salle à manger. Au fond de moi, j'étais terrorisée, mais j'essayais de garder une posture droite et une voix assurée.

— Charlie, Charlie, tempéra-t-elle, pas le moins du monde intimidée par la dureté de mon ton. Je vous avais pourtant prévenue, mais vous avez ignoré ma petite note.

Les rouages de mon cerveau se mirent en branle. C'était elle, l'auteure de la menace collée sur ma porte.

Elle, qui avait toujours été gentille avec moi. Elle, qui avait l'allure d'un ange tombé du ciel avec ses cheveux blonds sagement coiffés et ses yeux bleus bienveillants.

— C'était vous?

Léonore me sourit, confirmant qu'il ne fallait jamais sous-estimer les gens trop aimables. Ils étaient souvent les plus dangereux.

— Vous n'êtes pas la seule à avoir quelques tours dans votre sac, lâcha-t-elle d'un ton léger. Avez-vous aimé ma lettre dans le journal?

— C'était vous? répétai-je bêtement.

Plus rien ne faisait de sens. J'avais l'impression de perdre tous mes repères.

— Comment... ?

Je ne parvenais même pas à formuler une question complète, trop abasourdie.

— Allons, Charlie, ne soyez pas si surprise. Il est si facile de dénicher des renseignements personnels, de nos jours. L'ordinateur de Maxence est une mine d'or. Et puis, trouver un mot de passe est un jeu d'enfants quand on a les bonnes ressources.

Je reculai d'un pas pour m'appuyer contre le rebord du comptoir.

Cette femme était folle.

Elle était complètement folle. 

— Pourquoi m'avoir fait des menaces? Et pourquoi avoir écrit cette lettre? soufflai-je alors, toujours sous le choc. Je ne vous ai rien fait.

Si Raphaëlle avait été assise à la place de Léonore dans ma salle à manger, j'aurais presque pu comprendre. C'était la meilleure amie de Maxence, et elle n'avait pas apprécié tout ce que j'avais fait subir au chercheur cet automne. J'aurais pu comprendre qu'elle veuille me faire disparaître du décor.

Mais Léonore? Pourquoi?

— Ha! C'est là que vous avez tort, Charlie.

Léonore se mit à faire tournoyer son porte-clés autour de son index. Elle se délectait visiblement de ma confusion, de mon inquiétude, de mon incompréhension. De toutes les émotions que ses révélations suscitaient en moi.

— La recherche, c'est toute ma vie, commença-t-elle alors. Maxence et moi avons toujours eu cela en commun et c'est pourquoi je le respecte autant. Enfin, jusqu'à ce que vous débarquiez avec vos principes de merde et que vous chambouliez toute notre méthode de travail. Votre plan était sournois, je dois l'admettre. Séduire le chercheur principal, puis apporter tous les changements que vous vouliez au protocole de recherche... Maxence vous mangeait dans la main depuis quelques semaines, c'était irritant. Voilà pourquoi j'ai dû faire un peu de clivage.

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