Chapitre 17

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Dire que j'étais paumé aurait été un euphémisme de taille. J'étais partagé entre le discours de tous mes proches qui me disaient de m'accrocher, et le fatalisme en essayant de me convaincre qu'il valait mieux arracher ce foutu pansement d'un coup sec.

J'avais envie de me frapper moi-même en répétant qu'à mon âge, c'était complètement débile de se mettre dans cet état pour une nana que je ne connaissais que depuis quelques semaines. Mais comment j'aurais pu résister aussi ? Elle était incroyable. Mariée, mais incroyable... Comment j'aurais pu renoncer à une telle osmose ? C'était inexplicable, et à la fois tellement évident.

J'avais reçu plusieurs messages de Lise, que j'avais tous décidé d'ignorer. Je ne savais pas ce que je devais faire ou répondre, alors je laissais mon téléphone dans un coin en attendant que ça passe ou d'avoir une idée fulgurante qui me permettrait de me sortir de ce plan foireux.

Elle me disait qu'elle voulait parler, et moi, j'avais envie de tout sauf de parler. J'avais épuisé mon quota de confidences pour le moment, et à chaque fois, j'avais entendu tout le contraire de ce que je voulais entendre.

"De Lise :
S'il te plait, on peut en discuter ?"

"De Lise :
Répond-moi, dis moi quelque chose, n'importe quoi, mais répond moi."

"De Lise :
Je voudrais juste qu'on se voit pour en parler, si tu veux plus me voir après je comprendrais mais j'ai besoin de te voir... ou au moins de t'appeler..."

"De Lise :
Idriss ... S'il te plaît, répond au moins quand je t'appelle... On va pas rester comme ça..."

"De Lise :
Y'a qu'avec toi que je me sens bien... J'ai besoin de toi..."

"De Lise :
Tu me manques tellement..."

Le problème, c'était que je craquais vite. Comme si j'avais envie de me faire du mal, je surveillais régulièrement l'arrivée ses mots, essayant de lire entre les lignes pour y trouver la solution miracle. Des messages comme ça, elle m'en avait envoyés un paquet. Je ne sais pas par quel miracle j'arrivais à tenir bon et à ne pas lui répondre. Je savais que si je lui répondais, elle allait rebondir, et qu'on allait finir par se revoir. Si on se revoyait, je pourrais jamais l'oublier. Et une part de moi était vraiment déterminée à l'oublier.

J'étais complètement obsédé par tout ça. Je me disais que si elle avait été capable de tromper son mari, elle pourrait me tromper aussi si on arrivait à construire quelque chose. Je me disais que si elle avait vraiment voulu divorcer, elle aurait pris sa décision avant. Je me disais aussi que ce qu'elle provoquait en moi était trop fort et trop dangereux. Pour toutes ces raisons, je faisais le mort. C'était vraiment pas courageux de ma part, de fuir. J'en arrivais à penser à changer de numéro pour qu'elle ne puisse plus jamais me contacter.

Et puis d'un autre côté, j'avais trop de peine. Vraiment, je n'avais jamais ressenti ça avant. C'était pas une douleur insoutenable, mais c'était là tout le temps. Quoi que je fasse, je revoyais son visage, je devinais ses gestes, j'entendais sa voix. En quelques semaines, elle s'était rendue indispensable à mon équilibre. C'était pire quand je l'imaginais guetter son téléphone en attendant une réponse. Je devinais sa tristesse dans ses mots et j'avais pas envie qu'elle soit triste à cause de moi.

Mon frère m'avait conseillé de me battre. Maé aussi. Même Ken m'avait fait la leçon sur l'importance de lutter pour garder ce qu'on aime. Avec le recul, je me disais qu'ils étaient mal placés pour me donner des conseils, alors qu'ils avaient tous bien failli passer à côté de leur vie à force d'être bornés et qu'on avait dû à chaque fois les ramasser à la petite cuillère. Bon, ils s'étaient tous relevés, et avaient finalement su se reprendre, mais ça n'avait pas été sans dommages collatéraux.

SUR TES LÈVRES SUCRÉES [FRAMAL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant