Chapitre 14

1K 67 86
                                    

Ca faisait des semaines qu'on vivait comme si on était un couple lambda, tachant de profiter de chaque instant en attendant que ça se complique. J'étais plutôt heureux, en somme. Mais quelque chose avait changé depuis que son mari avait tenté de joindre Lise dans ma voiture. C'était pas tellement l'appel, le problème. C'était ce que ça avait déclenché en moi. Jusqu'à présent, il était un prénom, il était figé sur une photo, il était presque inexistant. Je n'avais pas la voix, je n'avais pas non plus d'actions de sa part. Le fait de voir son nom s'afficher dans la voiture m'avait fait comme un électrochoc. Il était bien vivant ce type, même au fin fond de l'Afrique. Il existait pour de vrai.

Vous devez penser que je le savais depuis le départ, et que cet appel n'est qu'un détail, mais ce que ça avait produit en moi, ça, c'était pas juste un détail.

Depuis, les mots de Maé n'arrêtaient pas de résonner en moi. Elle avait raison, combien de temps encore j'allais me contenter d'être l'amant ? Combien de temps elle allait jouer à ce jeu malsain ? Moi, j'avais pas envie de jouer. Sauf que c'était trop tard pour juste me dire qu'il fallait l'oublier.

La mission de son mari allait toucher à sa fin, et moi, j'étais définitivement attachée à elle. En réalité, j'étais complètement dingue de cette fille, j'avais envie de rêver de l'avenir, de faire des projets, de m'imaginer construire vraiment quelque chose avec elle. Quand j'étais avec Lise, j'avais l'impression que la vie m'avait fait un cadeau immense, et quand je n'étais pas avec elle, j'attendais de la retrouver. C'était devenu obsessionnel. Chaque heure passée loin d'elle me paraissait durer une éternité. Comme d'une drogue de laquelle on arrive plus à se défaire. J'étais complètement accro. Tout me plaisait chez elle, même ses défauts. C'était beau, c'était doux et c'était en apparence simple.

Sauf que rien n'était simple. Rien du tout. Chaque jour qui passait nous rapprochait des problèmes. On n'avait jamais parlé d'un potentiel divorce. On avait, au contraire, pris grand soin de ne plus vraiment aborder le sujet épineux de son mariage. On savait que si on y pensait trop, ça gâcherait les moments d'amour que l'on partageait.

Mais on n'allait pas pouvoir garder nos œillères indéfiniment, il allait falloir affronter la vraie vie. Et dans la vraie vie, on en revenait toujours au même point, elle n'était pas libre. J'avais compris dès le départ qu'elle était malheureuse, qu'elle avait besoin d'attention et de tendresse. Je m'étais convaincu qu'au-delà de ça, elle avait besoin de moi, et que rien n'était plus fort. Mais depuis notre petit séjour, je doutais. Peut-être que, comme je le craignais au départ, elle cherchait juste à passer le temps. Peut-être que je n'étais pas le premier type avec qui elle trompait son mari. Peut-être aussi qu'elle ressentait vraiment ce truc super fort entre nous mais que ça ne suffirait jamais à la faire changer de vie.

Vautrés dans le canapé après une dure journée, devant une série ou un film, je n'avais pas vraiment fait attention au programme, mon cerveau chauffait et ma bouche s'apprêtait à prononcer des mots que j'avais peur de regretter. J'avais besoin de savoir à quoi m'attendre pour le futur, alors je lâchais la bombe.

- Lise ? Je l'interpellais doucement.

- Oui ? Elle me répondait distraitement, absorbée par la télé.

- J'aimerais qu'on parle d'après...

- Il faudrait oui... Elle répondait en se redressant pour s'asseoir en tailleur face à moi. Tu commences ?

- Tu dois prendre une décision maintenant, tu crois pas ? Ca fait des semaines qu'on pense pas à ce qui va se passer après, mais il faut que je sache...

- Tu sais Idriss, quand je t'ai dis que j'étais amoureuse de toi, c'était sérieux. Mais ...

- Mais quoi ? Je rétorquais un peu sèchement, inquiet par son air soudainement fermé.

SUR TES LÈVRES SUCRÉES [FRAMAL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant