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    Nous nous regardâmes pendant de longs instants en silence. Il savait que j'avais compris, mais ne trouvait rien à dire.

Édouard, mal à l'aise au vu du silence, me demanda si tout allait bien. Je ne sus lui répondre. Je quittais les yeux du regard de mon père et lui demandais de se retirer.

Toujours dans le silence, je tâtais de la main ma chaise de bureau pour m'asseoir. J'avais en face de moi l'homme que je n'avais plus vu depuis vingt-six ans, celui que m'avait abandonné alors que j'apprenais à marcher.

Son visage était fatigué et sa peau était vieillie comparé aux photos que j'avais pu voir dans l'album de ma mère.

« -Bonjour », trouvais-je à dire

Il ne me répondit pas. Il hésita un instant avant de prendre place en face de moi.

J'eus un soudain slash qui me fit perdre toute notion de la réalité.

Je me voyais enfant, entrain d'ouvrir mes cadeaux pour mon dixième anniversaire. Ma sœur et mon frère se tenaient à mes côtés et lorgnaient mes présents, pendant que maman et Giovanni regardaient le tout, une caméra à la main.

J'avais été gâté cette année là. Je venais d'avoir une nouvelle poupée avec de nouveaux vêtements, un journal intime et des rollers. Mais, de tout les cadeaux que j'avais eu, je n'avais pas encore ouvert celui que j'espérais le plus. Une petite enveloppe avec mon nom inscrit dessus. Elle était simple avec un beau timbre aux couleurs de l'Espagne.

Je la pris précautionneusement et l'ouvris. Mais à mon plus grand désespoir elle ne contenait qu'un chèque. Rien de plus, rien de moins. Juste un bout de papier avec un nombre écrit de dessus.

Pas de mot. Pas de cartes rigolotes. Pas même un " Joyeux Anniversaire! ".

Pourtant, maman m'avait promis l'année dernière, que papa m'enverrait un joli mot pour mes dix ans. Parce que " dix ans c'est quelque chose et que l'on devient une grande à dix ans ! "

Elle du voir ma mine attristée car elle se leva pour me prendre dans ses bras. Ce ne fut seulement que ce jour-là, celui de mon dixième anniversaire, que j'ai compris que mon père ne faisait et ne fera plus jamais parti de ma vie.

Je reprenais mes esprits, avec mon père en face de moi.

« -Je ne vous ai jamais invité à vous asseoir, lui lâchais-je sèchement

-Solange...

-Non. Pourquoi es-tu ici ? Si je n'ai pas répondu à tes messages c'est parce qu'il y avait une raison. Tu n'as pas fait parti de ma vie pendant vingt-six ans, je pense que je peux me dispenser de ta présence désormais ! »

Je fis un temps de pause pour avaler ma salive.

« -Tu ne peux pas revenir comme ça et espérer que je te saute dans les bras ! Tu ne t'es jamais soucié de nous avant alors pourquoi maintenant ? »

Il commença à répondre mais je le stoppais.

« -Tu n'as jamais pris de nouvelles de Læticia ou de Tom. Ni même de maman ! Tu ne l'as jamais appelé pour savoir comment elle allait. Si elle vivait bien le fait d'être seule à éduquer ses enfants !

-Tous les choix que j'ai fais...

-...Étaient égoïstes !, terminais-je. Tu as vécu une vie égoïste sans demander l'avis de personne. »

C'en était trop pour moi, pour mes pauvres nerfs. Je laissais mes larmes couler et ma haine se déverser. Je ne voulais plus voir cet homme. Il nous avait ignoré pendant plus d'un quart de siècle. Il avait été la cause de mon mal-être et de mon plus profond chagrin.

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