T'apprendre à aimer

31.

  Il nous déposa à l'entrée du Jardin des Tuileries sous un beau soleil.

La température avait un peu augmenté et cela se voyait. Les gens portaient des vêtements mi-saison et sortaient un peu plus qu'en plein hiver.

La remontée du jardin se fit en silence.

La visite surprise était une vieille tradition entre nous. Elle était un petit jeu où je devais faire visiter Paris à mon frère.

Quand j'eus mon premier petit appartement de deux pièces sur la capitale, mon frère exigea de venir me voir et visiter Paris. Au tout début, il venait avec ma mère qui dormait avec lui et je prenais un hôtel pour les laisser tranquille, l'appartement n'étant pas assez grand pour nous accueillir tous les trois.

Les premières visites étaient des lieux populaires comme la Tour Eiffel ou l'Arc de Triomphe mais plus il grandissait, plus je l'emmenais dans des petits quartiers de Paris qui étaient moins fréquentés.

Suite à cela, on s'était fixé qu'il devait venir une fois tous les deux mois. Seulement, voilà bientôt plusieurs mois que je ne l'avais pas vu.

Arrivés devant l'entrée du Musée du Louvre, nous entrions sans faire la queue grâce aux avantages de mon travail. Nous avancions dans le hall principal du musée et allions directement voir les peintures. Nous essayions de nous faufiler entre les attroupements de touristes asiatiques et je pouvais apercevoir ce qui ressemblait à un sourire sur les lèvres de Tom.

Je l'avais amené ici pour ses quatorze ans et il avait immédiatement eu un coup de foudre avec cet endroit. Mon frère était passionné d'art et il pouvait me raconter la vie d'un peintre, comme pouvait me détailler les messages d'un tableau.

Si ma mémoire ne me portait pas à défaut, ces œuvres favorites étaient « La Belle Ferronnière » de Léonard de Vinci et la « Dentellière » de Vermeer.

Il s'attarda devant cette dernière et sourit de façon nostalgique.

« -Tu te souviens, commençais-je doucement, quand tu me racontais la vie de Vermeer ?

-Ouais, je m'en souviens..., dit-il en gardant son attention sur le tableau. Ou quand on débattait pour savoir quel peintre était le meilleur...

-C'était une énigme que je t'avais donné. Tu avais comparé tous les peintres et analysé toutes leurs techniques pour déterminer laquelle était la meilleure.

-Comment je pourrais l'oublier... Quand je t'ai demandé la réponse, vaincu, tu m'as répondu " Ils sont tous très forts et aucun est le meilleur, seul les goûts les départage...". »

Je rigolais en me remémorant le visage de mon petit frère quand je lui avais dis cela. Pendant un bref instant, je crus même qu'il allait se mettre à pleurer.

« -Tu ne peux pas imaginer comment j'étais déçus, dit-il en souriant

-Ces moments me manquent tu sais... Tu me manques, repris-je

-Alors pourquoi tu n'as pas pris de mes nouvelles ?! », répondit-il d'un ton acerbe

Je regardais autour de moi et vis que la pièce se remplissait encore plus au fur et à mesure. Je proposais à mon frère de quitter les lieux et d'aller manger un bout pour répondre à ses questions.

Il regarda encore quelques tableaux puis nous partîmes du musée pour aller se poser dans un restaurant non loin d'ici. Nous réussîmes à trouver une place et commandâmes nos plats.

Je devais dire que je redoutais un peu ce moment. Je n'avais pas forcément de réponses précises pour mon frère, si ce n'était que la vie d'adulte est beaucoup plus dense que je ne l'avais imaginé. Et puis ma rencontre avec Tobias avait compliqué la chose. Après de nombreuses années de célibat, je me retrouvais à apprendre à vivre avec quelqu'un. Et pas de la plus simple des façons...