Un voisin presque commun

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Olivia

Il me regardait si profondément, si intensément... Comme si rien d'autre que moi n'avait de cohérence autour de lui. Mais paradoxalement, comme s'il cherchait une explication à ma présence; à mon existence.
Je me sentais étrangement mal. J'avais comme l'impression de me calciner sous l'emprise de ses iris, bien que trop éloignés pour que je puisse les distinguer correctement.

Bientôt plus rien d'autre n'eut d'importance pour moi non plus, je ne sentais plus que son regard, tel une braise, posé sur moi et semblant fouiller dans les profondeurs de mon être. Y déposant au passage une chaleur... pas douce, non. Ardente, vivace, féroce et nocive pour mon petit cœur consumé par la glace.

Je n'avais plus qu'une envie : que Rachel et moi terminions le plus rapidement possible de descendre mes affaires de la voiture pour que je puisse me ruer à l'intérieur de l'appartement.

Il doit lui-même avoir remarqué, malgré le fait que je fasse mine de ne pas l'apercevoir depuis, que j'étais gênée. Mais pour le moins du monde, ses yeux ne déviaient de leur direction. Ils me suivaient, s'accrochaient, et se collaient à moi comme des métaux à un aimant.
Je n'étais plus alors qu'un automate qui exécutait fébrilement des mouvements, un peu comme téléguidée, tandis que toute ma raison était figée et ma pensée rivée vers l'inconnu qui se tenait appuyé sur la clôture en bois servant de limite entre les deux jardins et qui ne m'avait pas lâchée d'une seconde depuis que j'étais sortie de la voiture.

Lorsque Rachel referma le coffre, j'émis inconsciemment un soupir de soulagement et empoignai ma valise ainsi que mon sac à main pour me dépêcher vers l'entrée de l'appartement.

***

— C'est ici. Ça te va? Demanda ma cousine en s'écartant d'un pas pour laisser apparaître devant moi la pièce à coucher qui me servirait désormais de chambre.

— oui, c'est parfait, répondis-je en souriant timidement. Merci.

— mais non... ne commence pas avec tes remerciements Liv, on en a déjà parlé.

Elle fît une moue attendrissante en penchant sa tête sur le côté.

— fais comme chez toi, promis?

— d'accord.

Rachel est vraiment une belle personne, c'est ma cousine mais je l'aime comme la grande sœur que je n'ai jamais eue. Bien qu'elle ne soit mon aînée que de deux ans, elle fait preuve d'une maturité et d'une intelligence hors du commun.
Elle est l'une des principales personnes à m'avoir aidé à sortir de ma dépression, si ce n'est la seule.

— Okay, donc je te laisse t'installer... la douche c'est la porte juste là. Dès que t'as terminé tu viens me rejoindre dans le salon, je vais préparer des pâtes vite fait.

J'hoche la tête, n'ayant rien à dire qui me vienne à l'esprit à part "merci", qu'elle ne veut pourtant et surtout pas m'entendre dire.

Les assiettes vides et les ventres pleins, nous sommes désormais affalées sur le canapé pendant que la télévision diffuse un documentaire sur les ours polaires.

— Dis Rachel...

— hmm ?

— euh, non rien. Laisse tomber.

— crache le morceau, rétorqua-t-elle en se redressant.

— hem... ton voisin...

— ah, ce connard ! Fais pas attention, c'est un psychopathe.

— je me disais aussi... tu as vu comment il nous dévisageait tout à l'heure ?

— fais pas attention j'te dis, il est pas seul dans sa tête.

— il est quand-même sacrément culotté !

Elle se contenta de souffler en s'adossant de nouveau. Ce qui m'aurait certainement convenu si je ne m'interrogeais pas autant au sujet de ce mystérieux voisin. Mais malheureusement pour elle, je veux en savoir plus.

— Mais dis-moi... est-ce qu'il est vraiment comme tu dis ? Derangé dans sa tête ? Ou alors c'est juste à cause de sa façon de regarder les gens ?

Un silence s'étira avant qu'elle ne se lève pour débarrasser les assiettes sales posées sur la table. Puis en tournant les talons, se dirigeant vers la cuisine, elle lâcha avec désinvolture : « c'est mon ex. »

Et là, je sentis comme un pincement dans la poitrine. Serait-ce... de la déception ?
Non. Bien sûr que non, qu'est-ce que je raconte ? Je suis juste surprise que Rachel ait fréquenté ce garçon. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Et puis, je n'ai pas forcément besoin d'une raison pour être surprise, à ce que je sache, si ?

Bref... c'était évident que quelque chose clochait chez lui. Maintenant je n'ai eu que la confirmation de mes appréhensions.

INSAISISSABLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant