Et si on disait Raiponce...

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Mavis

Dans quelques jours c'est mon anniversaire, j'ai hâte ! Mon oncle et sa femme ont accepté que je m'organise une fête pour l'occasion, et pour une fois que j'ai quand-même le droit de "vivre" dans cette maison... je vais pas me gêner.
Je savais que c'était nul ici avant même d'y avoir mis les pieds, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis séparée de mon frère. Mais je n'avais pas vraiment le choix si je voulais continuer mes études "bien encadrée" comme a prétendu tonton Laurent à maman pour la convaincre de me laisser là. Et puis je me disais que ça ne devait pas être si horrible... mais en fait si ! On se croirait dans un de ces camps de sororité qu'on voit souvent dans les films, vous savez, ceux où les filles ont des heures fixes pour tout faire, sont obligées de suivre des instructions farfelues à la lettre, tout ça en longues et amples robes blanches. Bon, j'exagère peut-être un petit peu, mais on n'est pas très loin de là. Ici, j'ai le droit de rien faire, même pas de sortir me promener, comme si j'étais la première fille à entrer à l'université et qu'il fallait à tout prix me protéger du monde extérieur; et depuis, ma vie entière se résume en trois mots: etudier, manger, dormir. J'ai même de la chance qu'ils ne viennent pas me chercher à la fin des cours, ou qu'ils ne m'aient pas encore foutu un garde du corps au cul. Sérieusement, j'ai vraiment le mal de cet endroit. En plus, dernièrement Trévor, mon petit ami a perdu son téléphone dans un transport en commun, du coup on ne pouvait plus communiquer, donc j'ai vraiment déprimé. Je ne m'étais jamais sentie aussi seule, j'ai passé mes soirées à pleurer, en pensant à mon frère, à mon copain et à ma mère. J'ai presque eu l'impression de n'avoir plus de raison de vivre, éloignée de tous ceux que j'aime. Je ne voulais même plus me lever le matin.
Après tout, ce petit moment de détresse a fini par passer et je me suis rendue à l'évidence que s'il fallait que je commence à craquer maintenant j'y arriverais pas, alors je gère comme je peux.

— Mavis? Entendis-je à l'extérieur, en même temps que deux coups contre la porte.

— oui ! Entrez.

Mon oncle se faufila dans la pièce après qu'un grincement m'ait dressé les cheveux sur la nuque — la porte de ma chambre fait ce bruit agaçant à chaque fois qu'on l'ouvre.

— hem... je viens d'avoir ta mère au téléphone.

— elle va bien?

— oui, heu... bon ce n'est pas ça le plus important.

— pardon !?

Je le dévisageai d'un air outré. C'est vrai que ma mère est malade, et selon les docteurs il ne lui resterait plus beaucoup de temps, mais de là à le dire ouvertement, que la façon dont elle se porte n'a pas d'importance, c'est purement et simplement de la cruauté.

— calme-toi. Je veux dire qu'on a plus parlé d'autre chose que de sa santé.

— et de quoi donc?

— de Yoahn.

Je n'arrive même pas à croire qu'il ait prononcé son prénom, Yoahn c'est un peu comme un sujet tabou dans cette baraque, la bête noire de tonton Laurent. J'ai hâte de savoir ce qu'il s'apprête à me dire et en même temps j'appréhende un peu... mais s'il s'agissait d'une mauvaise nouvelle je ne crois pas que c'est à lui que ma mère aurait confié la tâche de me l'annoncer, ah ça non.

— il aurait dit à votre mère que je ne vous laisse pas assez vous voir.

« C'est peu de le dire. »

— et ma sœur, aussi dupe qu'elle a toujours été, m'a réprimandé à ce sujet, en me disant mot pour mot: « à défaut de le laisser arriver chez toi, laisse au-moins Mavis aller le voir, elle pourrait même y passer les week-ends je pense. »

Je retins un sourire, car je savais que c'était trop beau pour être vrai.

— évidemment, je lui ai fait comprendre que c'était une mauvaise idée.

« Qu'est-ce que je disais ? »

— mais elle a insisté.

« Oh ?! »

— alors nous avons convenu de te laisser y passer un week-end sur deux.

« Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour ma lutte contre la dépression ! »

Holala je suis émue ! Je crois même que j'ai presque des larmes aux yeux, là...
non je rigole. Mais sérieusement, je suis tellement contente que je ne sais même pas quoi répondre.

— euh... merci ? Tâtonné-je.

Mon oncle souffla avant de demander :

— tu peux choisir à partir de quand-

— cette semaine ! L'interrompis-je. À partir de cette semaine.

Il souffla à nouveau.

— d'accord. Dans ce cas tu peux préparer ton sac, je t'accompagne. Conclût-il en se retournant.

Dès qu'il ferma la porte derrière lui, je jubilai et m'accordai une "danse de la victoire", dévastant au passage tout mon lit que je venais à peine de dresser, mais quelle importance ? Puisque je dormirais chez Yoahn ce soir et tout le reste du week-end !
« Mavis-1, envies suicidaires-0 ».

INSAISISSABLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant