We're not just friends !

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Olivia

J'ai peur de la façon dont il me regarde, ce n'est pas comme d'habitude où il ne fait que tenir mon âme... là, il possède aussi mon corps. C'est tellement fascinant que les yeux puissent transmettre autant de messages et d'émotions. Quand bien même on se ment à soi-même, eux, ils ne trompent pas. C'est pour ça que j'ai peur de leur langage; j'ai peur de ce que je peux y voir, mais j'ai surtout peur de ce que je peux laisser voir dans les miens.
Très souvent je n'arrive pas à soutenir son regard; je baisse les yeux, je les lève au ciel, ou je regarde simplement ailleurs. Mais cette fois-ci, ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même signal qu'il essaye d'émettre. Je peux clairement sentir la volupté dans son silence et l'assombrissement de ses pupilles, et j'ai comme l'impression de ne plus pouvoir m'en détacher. Il vaudrait mieux pour moi que je me sauve, il faut que ça s'arrête, et maintenant. Ou je risque d'être la première à craquer.

- je... il faut que j'y aille !

Sans broncher, Yoahn se leva le premier - ce qui me surprit beaucoup, et hocha légèrement la tête.
Il me raccompagna jusqu'à la porte.
Une fois le seuil traversé, je lui fis face pour dire au revoir, mais mon égo me poussa à demander :

- euh Yoahn...

- ouais ?

- si ça n'était pas un rencard, alors c'était quoi ?

Il haussa brièvement les épaules et répondît :

- bah une soirée banale entre amis.

Et mon égo fût réduit en miettes.

Vous voyez dans les dessins animés quand on termine quelqu'un, on illustre un mur de verre qui se casse derrière lui? Eh bien j'ai entendu le bruit de ce fracas derrière moi

Il ricana comme s'il venait de dire quelque chose de drôle, puis rajouta:

- il faut vraiment que tu songes à t'organiser un rancard toi, je veux dire, un vrai. Tu as l'air complètement paumée à ce sujet.

Il reprit son rire et je me forçai à l'imiter pour masquer ma frustration.

- ah ah, oui tu as raison.

Je caressai la dernière de mes cinq tresses comme j'en avais pris l'habitude en cas de malaise.

- bon... bonne nuit alors, continuai-je.

- ouais... bonsoir.

Je me retournai et avançai tout droit dans l'ombre de la nuit, en comptant chaque pas qui m'éloignait de mon "ami" et essayant de maîtriser mon équilibre aussi longtemps que possible - s'il fallait que je tombe, je ne me le permettrais surtout pas devant lui; c'était déjà assez désagréable comme ça.

Arrivée à l'appart' j'allai directement m'enfermer dans ma chambre et je me laissai glisser contre la porte après l'avoir refermée jusqu'à me retrouver assise parterre.
J'avais un noeud dans la gorge, ça piquait, ça brûlait, mais je m'interdisais d'en laisser couler une seule, il en était hors de question.
Et ce n'est qu'après avoir "digéré" tout ça que je me rendis compte que je n'avais même pas vu Rachel en rentrant, mais je n'allai pas pour autant vérifier si elle était là ou pas, et je m'écroulai sur mon lit en ne songeant à rien.
Enfin... en essayant de ne songer à rien.

~~

Yoahn

Elle me tourna le dos et s'en alla sans un seul regard de plus pour moi, et lorsqu'elle disparut enfin dans la pénombre, je refermai la porte et mon corps glissa tout seul le long de celle-ci jusqu'au sol.
Je n'aurais pas dû lui dire ça, c'est évident qu'elle a été vexée, je regrette presque... mais je n'ai pas trouvé un meilleur moyen de nous protéger tous les deux.
Ce qui s'est passé ce soir... c'était plus qu'une attirance physique mutuelle. Oui, c'était bien plus que ça. Je l'ai ressenti. Et elle aussi, j'en suis sûr.
Depuis le début je savais qu'il n'était pas question que je développe quoi que ce soit pour cette fille, mais depuis le début aussi, j'ai su que ce serait impossible, même si j'ai passé mon temps à vouloir me persuader du contraire.
Des filles mieux foutues qu'Olivia, j'en ai déjà rencontré des dizaines; des plus jolies, pareil. Mais pourquoi il n'y a qu'elle qui m'intrigue autant !? Il n'y a qu'avec elle que je ressens le besoin de creuser plus loin, et l'envie de la connaître mieux que personne. Il n'y a qu'avec elle que j'éprouve du désir, mais la crainte de la toucher en même temps. De toutes les filles, il n'y a qu'elle qui me fait ressentir ce que j'ai ressenti pour... Aude.
Et cette idée me donne froid dans le dos, rien que d'y penser j'ai envie de devenir amnésique. Je ne peux pas m'attacher à elle, je n'en ai pas le droit. Si jamais l'amour venait à s'en mêler, l'un d'entre nous finirait forcément par souffrir; et ça ne peut plus être moi dans ce rôle. Je ne permettrais plus à aucune fille de me faire souffrir le martyre qu'a été d'aimer Aude.
Alors le mieux serait de tenir ma petite Liv à l'écart. C'est une fleur exotique, qui ne ferait rien d'autre que faner au creu de ma main.

L'amitié, pourquoi pas ? C'est un bon moyen de tenir quelqu'un à distance sans pour autant l'envoyer balader cruellement.
« Mouais... enfin, c'est surtout un bon moyen de continuer à voir Liv en te convainquant qu'il ne peut rien se passer entre vous. »
...
Vous savez, l'inconvénient d'avoir une conscience, c'est qu'elle connaît le fond de vos pensées et vous juge dessus. Et ça fait chier.

INSAISISSABLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant