Dans un monde parfait, peut-être.

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Olivia

À peine arrivée à l'entrée du parc où Stéphane avait convenu qu'on se retrouve, une boule de nervosité se forma dans mon ventre.
J'avançais lentement, et chaque fois que j'apercevais un garçon susceptible d'être mon ami, bien qu'à une certaine distance, une vague de peur me parcourait tout entière, terrifiée à l'idée de me retrouver face à mes responsabilités.
« Oh, si seulement il pouvait me poser un lapin. Ou ne pas me reconnaître dans la foule et rentrer chez lui. »

C'était stressant de penser à me retrouver en face de lui, mais ça l'était encore plus de l'attendre. Je me décidai donc à lui envoyer un texto pour l'informer de ma présence, et en finir une bonne fois pour toutes, quand...

— Liv !

La boule dans mon ventre s'intensifia, et alla se loger tout au creux de mon estomac.

Il me fît signe de la main, et j'avançai vers lui, la gorge nouée et un sourire nerveux.

— Hey.

Je déglutis.

— Hey.

Il avait l'air un peu nerveux, lui aussi. Mais ça ne m'empêchait pas de fuir son regard à chaque fois qu'il le posait sur moi.

— Tu veux... qu'on aille s'asseoir quelque part ? Proposa t'il.

— non, c'est... ça va.

— d'accord.

— euh... en fait si. Oui, c'est mieux qu'on y aille.

C'était toujours mieux que de rester là, plantés, à se regarder sans rien dire, laissant le malaise planer.

Nous allâmes nous installer sur un banc vide, près d'un petit pont qui traversait un cours d'eau.
L'endroit était plutôt joli. Observer les alentours m'aidait à me détendre. La verdure, le ruisseau, les familles réunies autour d'un picnic... c'était étonnamment apaisant.

— ça va ? Demanda Steph, esquissant un sourire triste.

— oui.

Je me sentais mal, surtout en pensant aux messages qu'il m'avait envoyés ce matin.

— euh... Stéphane, ce matin... tu disais que tu espérais que j'étais sincère, et que tout ce que je t'avais dit, n'était pas entièrement le résultat de l'alcool dont j'étais sous l'effet. Mais... hésitai-je en levant les yeux vers lui. Qu'est-ce que je t'ai dit, exactement ?

Sa mine s'assombrît.

— Tu... tu ne t'en souviens vraiment pas ?

Une pointe de déception se fît sentir dans sa voix.
Je me sentais mal, je n'avais pas envie de lui infliger ça. Mais je n'avais pas le choix: que je lui mente n'aurait été l'idéal ni pour lui, ni pour moi.
Surtout pas pour moi.

Je secouai doucement la tête, et eus le cœur en morceaux devant les traits de mon ami qui ne cessaient de se ternir.

— Tu m'as dit que tu m'aimais. Et tu voulais que je te dise que c'est réciproque, reprît-il après avoir baissé le visage. Liv... tu m'as même embrassé.

Je me pinçai les lèvres, sentant la gêne monter.
C'était bien réel, alors. Mais je secouai tout de même la tête, une fois de plus.

— Ça non plus, tu ne t'en souviens pas, je suppose.

Je répétai mon geste. Et Il soupira tristement.

— C'était évident.

— Steph, je... Ce n'était pas sincère. Mes mots, le baiser malencontreux, et tout... Toute cette déclaration, n'était en fait qu'une grosse connerie de la "moi" bourrée. Je suis vraiment désolée. Ça ne me réjouis pas plus que ça de devoir te le dire, mais... C'est un autre garçon que j'aime. Et c'est probablement à lui que je pensais hier, lorsque je te disais... 'fin... lorsqu'il s'est passé tout ça.

— Yoahn, c'est ça?

Je frissonnai de surprise.

— Co... comment tu...

— hier, tu en as parlé juste avant de... em... que tu n'exploses en pleurs, si je ne me trompe pas.

« C'est juste pas - po - ssible ! J'ai fait quoi ??? »

Mon ami devait sûrement avoir deviné ce qui se déclencha dans mon esprit à l'instant où il prononça ce prénom, puisqu'il il se rattrapa aussitôt en ajoutant :

— ne t'inquiète pas, tu n'as rien dit de particulièrement intime hein... juste qu'il était allé à un enterrement ou un truc comme ça... et c'est là que tu as craqué.

« Ah, bah, bravo ma pauvre ! Et c'est quoi la suite ? On l'écrit sur des banderoles, aussi ? Pff... franchement, plus désespérée, tu meurs. »

— euh... attends... tu as aussi parlé de ta mère.

« NON MAIS C'EST QUOI, MON PROBLÈME !???! Alors comme ça on enchaîne les exploits de gueule bourrée ! Vraiment, des fois je m'épate moi-même. »

— tiens au fait, tu ne m'en avais jamais parlé, maintenant qu'j'y pense.

— euh, Stéphane... la prochaine fois qu'on sort, veille bien à ce qu'il y ait une distance d'au moins cent mètres entre l'alcool et moi. D'accord ?

Celui-ci comprit que le moment n'était certainement pas le bon pour aborder le sujet, et se contenta de répondre un:

— d'accord, presque amusé.

C'est aussi ça que j'appréciais beaucoup chez lui: sa capacité à comprendre rapidement, et facilement. Dans un monde parfait, où je n'aurais pas eu pour seul coup de cœur mon voisin — ex de ma sœur, grand frère de ma pote, et fumeur —, ses sentiments pour moi seraient forcément réciproques. Mais dans cette réalité, qui est la mienne, il a fallu que je croise le regard de Yoahn, en premier. Ce regard qui a chamboulé mon être et retenu tous mes sens, celui qui a ravivé la flamme de mon enthousiasme et chassé mes démons, et le même qui a ouvert mon cœur, à tel point que je lui ai révélé cette partie de mon histoire que je garde depuis si longtemps enfouie, et cachée au plus profond de moi-même. Dans cette réalité qui est la mienne, il a fallu que je croise le regard de Yoahn, et que j'en tombe raide dingue. Et je ne peux rien y faire.

— Et donc, c'est ton petit ami ?

— qui, Yoahn !? Non.

— je vois.

Il fît un sourire peu convaincant, puis continua:

— Dans tous les cas, si jamais... enfin... si tu... Bref, je suis là. De toute façon.

— tu n'es pas... fâché ?

— hmm, laisse moi y penser... non je rigole, je ne suis pas fâché. Juste un peu déçu, mais ça ira. Il faut bien se prendre des râteaux, des fois.

Je ne pus retenir un rire, à cette réflexion.

— Alors, ça veut dire qu'on est toujours amis, hein ?

— bien sûr. Qu'est-ce que tu crois ? Allez, viens là.

Il me tira vers lui et me prît dans ses bras.

— J'suis vraiment désolée, steph.

— chuuuuut.

J'étais soulagée de savoir qu'il le prenne aussi bien. Au final les choses ne sont pas toujours aussi dramatiques que ce que je me fais croire.

INSAISISSABLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant