XX. « mon f'I'lm préféré »

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C'est ainsi que je me trouvai dans l'affreuse situation où ma seule question était de savoir lequel de nous deux il allait frapper en premier. Charles s'avança et me regarda d'un air glacial avant que je ne voie la larme qui roulait sur sa joue. Il... pleurait ?

- Dis-moi que tu ne l'as pas fait, murmura-t-il
- Fait quoi ?
- Flirté ou couché avec ce mec. Je ne le supporterais pas...

Mes yeux s'agrandirent. Je tournai la tête de gauche à droite en voulant dire quelque chose mais rien ne sortit de ma bouche.

- Non, elle n'a rien fait, lança une voix dans mon dos.

Nous regardâmes tous deux Florian, qui venait de prendre la parole. Sa tête était baissée, il mit ses mains dans ses poches avant de passer à côté de nous. Sans dire un mot de plus, il se dirigea vers la sortie.

- T'es un bon gars. Mais reste loin de ma copine si tu veux pas d'ennuis, lança Charles.

Florian se tourna et me dévisagea. Je sentis Charles placer une main sur ma hanche et mon regard se remplit de regrets. Je savais désormais que je ne voulais plus qu'il me touche. Pour ne pas alerter Florian, je détournai les yeux. Ou plutôt, je fuyai les siens. Il sortit sans répondre et je passai un bon quart d'heure à m'excuser de ne pas avoir envoyé de message car je n'avais pas vu le temps passer. Il finit par comprendre et s'assit dans un coin du magasin.

- Tu fais quoi...?
- Je reste ici. Maintenant tu sors pas seule sauf si je te le demande. Ton téléphone ? C'est à moi. Ton appartement ? C'est aussi à moi. Tu es à moi. Je te l'ai dit, Soluna. Je ne laisserai rien ni personne nous séparer.

Il toussa puis sourit. Nous passâmes le reste de l'après-midi dans le silence, jusqu'au moment où il dû se rendre à l'hôpital. Je voulais l'accompagner mais il refusa plusieurs fois, alors je décidai d'accepter. Sûrement préférait-il rester seul.

De : Soluna
À : Florian

« Je suis désolée. Tu me manques, je t'apprécie vraiment »

Je ne reçus aucune réponse. Alors, je pris les partitions et les amenai chez moi. Là-bas, seule, je commençai à m'entraîner au milieu du salon. Après avoir répété quelques mesures un nombre conséquent de fois tout en changeant les rythmes pour bien la travailler, je fis une pause. Je sortis de l'appartement et je montai sur le toit de l'immeuble. Après m'être assise, j'attrapai mon téléphone et mon visage se figea.

De : Florian
À : Soluna

« Tu sais ce que m'a dit Amadeo, le jour où je l'ai ramené chez lui ?
On était dans la voiture quand il m'a dit que j'avais l'air d'être "un homme respectueux et bienveillant". Il m'a fait promettre de prendre soin de toi...
Et c'est ce que je fais. Je veux prendre soin de toi. C'est pour ça que j'aimerais te dire quelque chose.

Charles n'est pas bien pour toi. Il essaye de t'enfermer et le pire c'est que tu l'aimes ! Tu es amoureuse de lui, tes sentiments sont forts. Mais est-ce que tu es sûre qu'ils sont réciproques ?
J'ai vu tes cernes et ton visage creusé, j'ai ressentis la tristesse dans ta voix et écouté la mélancolie dans ta musique.

Je t'en prie, fais le bon choix. Choisis toi. Fais ce qui est bon pour toi, pour ta santé. Réfléchis bien à tout ce qu'il s'est passé avec ton copain récemment.

Ps : tu me manques aussi »

Je ressentis un trop plein de tristesse en me repassant les événements en mémoire. Alors je démarrai une note vocale. Une petite, pour exprimer mes pensées à voix haute.

- Au début tout allait bien avec Charles. Le petit déjeuner au lit, le moment passé au parc, le respect du consentement...

Le ciel était gris clair, comme une grande page vierge demandant à être peinte ou dessinée. Je sentis une goutte de pluie tomber sur ma jambe gauche.

- Jusqu'à ce jour où il a jeté le téléphone de Florian sur un mur. Puis ses demandes d'achat de ticket à gratter. Ses refus que je l'accompagne ne serait-ce qu'une seule fois à l'hôpital.

Une autre goutte tomba sur mon front tandis que je levais la tête vers le ciel.

- La culpabilité, les insultes menant à une crise d'angoisse et à des insomnies répétées. Cette fois où il m'a projetée contre le mur... L'ordre de lui donner des nouvelles à chaque heure, et enfin les menaces.

Les gouttes commencèrent à tomber à intervalles plus rapprochés.

- Et maintenant un autre homme a une place importante dans ma vie. Florian... Je crois que je ressens peut-être quelque chose envers lui, mais c'est encore difficile pour moi de le décrire.

La pluie tomba à fines gouttes et son bruit se mêla à mes paroles.

- Mais... je sais que j'apprécie chaque moment que je passe avec lui, je suis à l'aise et j'ai envie de le connaître davantage. J'aime son sourire rassurant et son morceau de piano. J'ai plus de points communs avec lui qu'avec Charles...

Je marquai un temps de pause en soupirant.

- Je crois que je suis un peu perdue. J'ai besoin de passer quelques jours à la campagne. Dans la maison secondaire des parents d'Erina. Ça nous permettrait aussi de passer du temps ensemble.

La pluie commença à tomber si fort que je dûs arrêter le vocal. J'entrai dans mon appartement puis je m'allongeai sur le canapé. Avant de m'endormir, j'appelai ma meilleure amie.
Messagerie...

- Salut Eri, est-ce que ça te dirait qu'on se fasse un week-end dans la maison de campagne de tes parents ? Ça pourrait nous rappeler les vieux souvenirs, on ferait des balades à vélo et des gâteaux comme ceux de ta mère. Réponds-moi vite, bisous.

-

Le soir, j'aidais un voisin à monter un canapé dans son appartement lorsque nous vîmes Charles dans les escaliers. Son regard croisa le mien, il posa une main sur mon épaule et me souhaita bon courage avant de rentrer. Évidemment, il ne fallait pas demander d'effort à un malade... mais l'était-il vraiment ? Je commençais à me le demander en faisant la vaisselle lorsque je reçus un appel de Florian. Je sortis alors sur le toit pour répondre tranquillement, sans déranger Charles qui dormait.

- Bonsoir, je voulais savoir si tu allais bien.
- Pourquoi est-ce que ça n'irait pas ?, demandai-je faussement
- Je n'en sais rien, peut-être parce que tu n'as pas répondu à mon message et parce que ton copain nous a peut-être vu en train de presque se tenir la main.

La simple évocation du moment fit chauffer mes joues.

- Je te manque vraiment ?
- Quoi ?, répondit-il
- Je.. non rien, dis-je en riant nerveusement. C'était stupide comme question.

Après un moment de silence à regarder le ciel, sa réponse me parvint.

- Est-ce que tu vois le sentiment de vouloir revoir son film préféré comme si c'était la première fois, pour prendre le temps de le découvrir et d'en apprécier chaque détail ?
- Oui.
- Tu es mon film préféré.

Je fronçai les sourcils.

- C'est-à-dire ?
- Je veux apprendre à te connaître. Je veux que tu me racontes les moments joyeux de ta vie, et les plus tristes.

Sans réfléchir, je répondis directement.

- Voyons-nous alors. Comme si c'était la première fois.
- Maintenant ? Là tout de suite ?
- Maintenant. On se rejoint en bas de mon immeuble, tu connais l'adresse.

Il mit quelques secondes avant de prendre la parole.

- J'arrive.

Dans le frisson de l'excitation, je descendis en bas de mon immeuble.

De : Soluna
À : Erina

« Je crois que je vais faire n'importe quoi »

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