XXI. « 'm'oment à deux »

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Arrivée en bas de l'immeuble, je fus parcourue d'un frisson à cause du froid de l'hiver arrivant. J'aurais peut-être dû prendre un plaid ou de quoi me couvrir...
Après quelques minutes d'attente, une voiture s'arrêta et son conducteur baissa la vitre. Le visage de Florian affichait un grand sourire, cette expression que j'appréciais tant.

- Bonsoir madame, je vous emmène quelque part ?
- Au bout du monde, répondis-je en souriant.

Je montai dans le véhicule et j'attachai ma ceinture avant qu'il ne roule.

- Dis moi un endroit qui a une importance pour toi.

Je lui donnai l'adresse. 12 rue de Pontoise. Après quelques minutes de trajet, nous y arrivâmes. Il se gara et nous restâmes dans le véhicule. Après un bref silence, Florian détacha sa ceinture et tourna la tête vers moi.

- Explique-moi pourquoi on est ici.

À notre droite se trouvait l'entrée du conservatoire dans lequel j'avais passé énormément de temps.

- J'ai été inscrite au conservatoire par ma mère à l'âge de six ans. Il y avait une journée où on pouvait découvrir les instruments et les professeurs. C'est là que j'ai connu le violon. Mon père a été légèrement déçu quand je lui ai appris que j'allais être inscrite pour apprendre cet instrument, il voulait que j'apprenne la trompette...

Je ris doucement en me remémorant le moment dans ma tête, tandis que Florian souriait.

- J'ai aussi commencé le solfège. Après quelques années de pratique instrumentale, j'ai été inscrite à l'orchestre et j'ai adoré. Chaque mercredi soir, je rejoignais la quinzaine d'autres élèves instrumentistes à cordes, juste après mon cours de solfège. Je me rappelle qu'un des premiers morceaux venait d'un des films Harry Potter ! Le mercredi était synonyme d'effervescence au conservatoire. J'aimais particulièrement ce jour parce que je passais plus de temps au conservatoire qu'à l'école. 

Quand je tournai la tête vers Florian, je vis qu'il m'écoutait attentivement. Je poursuivis alors.

- Par la suite, j'ai intégré un orchestre plus grand, un symphonique. Quand je suis entrée au lycée, j'avais un emploi du temps spécial avec des cours uniquement le matin. Mes après-midis étaient consacrés à la pratique de la musique. Et à la lutherie avec Amadeo, évidemment. Ce qui m'amène à un autre endroit... est-ce que tu peux nous conduire au 54 rue des Mathurins, s'il te plaît ?
De suite, madame.

Il sourit et me conduisit à l'endroit indiqué à l'aide de son système de navigation. Durant le trajet, je lui racontai une anecdote de mon enfance selon laquelle je m'étais retrouvée à l'autre bout de Paris à cause du métro. En avait découlé un automatisme de toujours vérifier plusieurs fois ma destination durant mes trajets dans la capitale.
Quand nous arrivâmes à l'adresse, je sortis de la voiture. Il me suivit, nous nous rendîmes sur le palier de l'immeuble.

- Regarde...  Monsieur et madame Roussel.

Je pointai la petite étiquette portant leur nol avant de continuer.

- Ils ont été ma famille d'accueil quand mes parents sont décédés. Je suis restée pendant trois ans avec eux.
- Pourquoi est-ce tu as changé de tuteurs ?

Je regardai tristement la sonnette en lui répondant.

- Ça se passait mal avec leur autre enfant. Je n'ai pas été acceptée. J'ai alors été transférée dans un centre, puis Amadeo est venu me chercher. Un luthier très apprécié de tout son entourage. Ça a été juridiquement long et nous avons été longtemps suivi pour être sûr qu'il assurait dans son rôle de presque-papa.

Florian et moi nous regardâmes un instant, puis un mince sourire apparut sur mon visage.

- C'est sur ce palier que mon premier petit copain m'a embrassé. Mais j'étais jeune, c'était un amour passager de quelques semaines... Enfin, j'en garde néanmoins un agréable souvenir. Il s'appelait Julien.

Je ne savais même pas pourquoi je lui racontais cela. Je me tournais pour retourner à la voiture quand je sentis une main se poser sur mon bras. Mes yeux rencontrèrent ceux de Florian, et il m'attira doucement contre lui. Je posai mes mains sur son dos et ma tête sur son épaule en souriant.

- Je veux que tu te souviennes de ce moment... de cette nuit, murmura-t-il.
- Promis.

Les heures passaient tandis que nous nous rendions dans plusieurs endroits de la ville. Nous semblâmes plus proches encore.
À six heures du matin, il arrêta la voiture dans une rue et en sortit. Curieuse, je le suivis jusqu'à ce qu'il s'arrête devant une rangée de trottinettes électriques.

- T'es partante ?, dit-il avec un grand sourire.
- Toujours !

Alors après avoir téléchargé une application pour en louer deux, nous les avançâmes jusqu'au milieu de la route.

- On fait une course ?, proposai-je.
- Non, non...
- Serais-tu en train de me dire que tu as peur de perdre ?

Je le regardais avec un air de défi. Il plissa les yeux, acceptant directement la course.

- J'perds jamais, murmura-t-il en se positionnant sur sa trottinette.
- On va jusqu'au panneau stop là-bas, au bout de la rue.
- Ça marche. Le perdant offre le petit déjeuner à l'autre !

Je ris et le vis réprimer un sourire.

- 3...

Je courbai le dos pour me préparer.

- 2...

Mes yeux se plissèrent, je posai le pouce sur le bouton d'accélération.

- 1...

À cet instant, j'étais focalisée sur le départ, prête à démarrer immédiatement.

- PARTEZ !!, hurla-t-il.

Et tels des enfants, nous fonçâmes dans la rue à toute allure. Il me dépassa rapidement, mais un chat traversa la rue et le fit freiner brusquement. J'en profitai pour dévier ma trajectoire et le devancer. Je fus la première à dépasser le panneau, en hurlant ma victoire.

- Ouais, bon ça va...
- Allez, pleure pas..

Je posai une main sur sa joue, comme à un enfant, en riant. Rapidement, nos rires disparurent et il me regarda en souriant. Je me surpris à me dire que je le trouvais mignon, avec ses cheveux en bataille et ses cernes bordant ses yeux.
Je retirai ma main en souriant poliment, puis je repris ma trottinette en main.

- Tu dois me payer le petit déjeuner !
- N'en rajoute pas, une défaite de ma part c'est déjà assez humiliant.

Puis on partit rouler à travers la ville, les cheveux au vent et faisant un concours de la pire blague de l'univers.

À sept heures du matin, nous avions repris la voiture pour monter dans les hauteurs de la ville. On passa par une boulangerie pour acheter des viennoiseries, puis on arriva à Montmartre, devant le Sacré-Cœur. D'ici, nous avions une vue panoramique sur la ville. Florian posa ses mains sur la barrière en s'y appuyant, puis il sourit en balayant la vue du regard. Je posai le sac de viennoiseries, et je l'imitai en exagérant. Il rit en me regardant, interrogatif.

- On dirait une scène de film, dis-je simplement.
- C'est vrai.

Le soleil commençait à se lever à l'est.

- Quelle est ta couleur préférée ?, demandai-je
- Jaune. Et toi ?
- Orange. Le orange du Soleil à l'aube et au crépuscule. Je le trouve...
- Magnifique.

Nous échangeâmes un regard avant de poser de nouveau nos yeux sur la ville. Cet éloignement la rendait calme. Le ciel se dégradait d'un bleu parsemé de nuages au orange entourant le Soleil.
Dans le doux bruit du vent déplaçant des feuilles mortes d'automne, je posai à mon tour une main sur la rambarde, à côté de celle de Florian. Lentement, il la rapprocha. Je ressentais chaque millimètre de fer que mes doigts parcouraient pour rencontrer les siens. Nos petits doigts se frôlèrent, puis sa main passa sur la mienne et nos doigts s'entrecroisèrent doucement.
Gardant le regard fixé vers l'avant, un sourire naquit sur mes lèvres. Je posai ma tête contre son épaule, et nous regardâmes ensemble le jour tomber sur Paris.

NotesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant