XIII. « un grand malad'e' »

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19h04, le même jour

Florian et moi étions assis en tailleur sur le toit de mon immeuble, observant les lueurs du soir. J'eus l'impression qu'il n'était pas nécessaire de parler, que le silence entre nous était reposant.
J'avais pris soin de mettre la boîte du téléphone acheté plus tôt dans la journée au fond d'un sac en tissus, que j'avais monté avec moi. Je décidai alors de le prendre puis de le poser sur ses jambes.

- Qu'est-ce que c'est ?
- Ouvre et tu le sauras.

Je levai les yeux vers lui. Il n'attendit pas plus et ouvrit le sac. Son expression changea, et sa bouche s'entrouvrit. Il me regarda avec surprise.

- Tu m'as acheté un téléphone ?
- Charles a cassé le tien, alors je me devais de le faire.
- Soluna...
- Pas de négociations possibles.

Il prit la boîte et l'ouvrît. Le téléphone était flambant neuf, c'était finalement le même modèle que celui qu'il avait avant. La seule différence était sa puissance, je ne pouvais pas me permettre de dépenser davantage. Florian sortit son smartphone actuel de sa poche arrière, l'écran était entièrement fissuré. Il l'enlevait de sa coque lorsqu'un petit papier jaune tomba sur sa cuisse.
Par curiosité, je l'attrapai. Sa couleur me rappelait l'atelier, et je vis après quelques secondes que sa provenance était juste. Malgré moi, je ne pus m'empêcher de sourire.

- Au cas où j'ai un problème avec le piano, se justifia-t-il en posant la main sur sa nuque.

Il me le prit des mains pour le placer entre la coque et son nouveau téléphone, après y avoir inséré sa carte SIM. Je répondis par un léger rire.

- Merci beaucoup. Tu aurais dû garder ton argent, dit-il.
- J'y tenais. Tu es né quand ?
- Le 22 janvier 1993.
- Eh bien, on a qu'à dire que c'est ton cadeau d'anniversaire très en retard.
- Très très en retard alors, on est en septembre.

Je ris, il me suivit peu de temps après. Au bout de quelques secondes, nous retrouvâmes notre sérieux.

- Dis, Soluna... L'autre jour j'ai parlé de moi, ce soir j'aimerais que ce soit toi qui prenne la parole. D'où vient ton prénom ?

Je l'observais dans la pénombre, tandis que lui avait le regard dirigé vers la Lune. Je réalisai que c'était le premier homme qui s'intéressait à moi dans le but de vraiment me connaître, et cette pensée me fit sourire tristement. Je fixai mes mains en entamant ma réponse.

- Eh bien... Amadeo m'a raconté ce que ma mère n'a pas eu le temps de me dire. Le 3 novembre 1994, elle a voyagé jusqu'en Amérique du Sud alors qu'elle était au terme de sa grossesse, en compagnie de mon père. Ils tenaient absolument à assister à l'éclipse solaire en Argentine.

Je croisai le regard de mon ami avant de poursuivre.

- Malheureusement elle n'a pas pu la voir, étant dans une chambre d'hôpital. Je suis née le jour même, ils ont alors décidé de fusionner les mots espagnols « Sol » et « Luna », puisque le soleil et la lune s'étaient rencontrés quelques heures plus tôt.
- Wow...
- Amadeo aimait le diminutif Sol, parce qu'il fait référence à la note de musique. Ma meilleure amie et mon copain, eux, préfèrent me surnommer « rayon de soleil ».

Je sentis alors le regard de Florian sur moi. Relevant la tête, je provoquai la rencontre de nos deux regards. Mon cœur accéléra légèrement et je souris, un peu intimidée sans vraiment savoir pourquoi. Nous restâmes immobiles quelques secondes, jusqu'à ce que mon téléphone sonne. Je le portai à l'oreille en regardant le ciel.

- Allô Eri ?
- Hey, on se voit à vingt heures ?
- D'accord, où ça ?
- Hum, chez toi ce serait cool. Il faut que je te parle de plusieurs choses. Mon colocataire m'énerve ! Et j'ai vu Nicolas aussi.

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