XXVI. « c'est to'i' »

45 3 0
                                    


À l'heure donnée, je descendis en bas de mon immeuble. J'attendis dix minutes avant que la voiture de Florian n'apparaisse et s'arrête devant chez moi. La vitre se baissa et je pus voir son visage éclairé par la petite lumière intérieure du véhicule. Cerné, les joues creusées et les cheveux en bataille.

- Monte.

J'ouvris la portière et je m'installai sur le siège passager tandis qu'il démarra. Il roula en regardant la route puis m'adressa un regard après quelques secondes de silence.

- Bonsoir, dis-je simplement.
- Salut.

Je tournai la tête vers la vitre pour regarder le paysage défiler. Les rues étaient désertes à cette heure tardive. Seules quelques personnes sortaient d'un petit restaurant du coin. Florian reprit la parole en tournant à l'angle d'une rue que j'avais l'habitude d'emprunter.

- J'attendais une réponse, tu sais. Après la nuit dans Paris. Mais j'imagine que tu as fait ton choix en restant avec lui.
- Florian, je...

En posant mon regard sur lui, je vis les muscles de sa mâchoire se contracter. Il se gara dans une rue et son regard rencontra le mien.

- On est arrivé.

Nous quittâmes le véhicule et je retins une exclamation de surprise en regardant la devanture de l'atelier devant lequel nous nous trouvions. Il se plaça à côté de moi et prit la parole une nouvelle fois.

- À mon tour de te présenter un endroit important pour moi. Tu te rappelles de notre rencontre ? Ce soir-là, tu jouais le prélude de Bach. Pendant ce temps, je me renseignais auprès de Amadeo. Pour être franc, j'ai oublié tout ce qu'il m'a dit parce que j'étais perdu dans mes pensées.
- Oui, tu me fixais, répondis-je en riant légèrement.

Je tournai la tête vers lui mais il avait le regard braqué sur le magasin. Je compris qu'il fallait que je le laisse finir alors je retrouvai mon sérieux pour l'écouter.

- Continue.
- J'étais impressionné par toi, par ta musique. Je ne voulais plus partir d'ici. C'est là que Amadeo t'a informée de ma recherche de piano. Tu m'as dit que ce n'étais pas ici que je trouverai mon bonheur.

Il baissa la tête, puis poursuivit.

- Tu te trompais. Mon bonheur, c'est toi.
- Florian..., dis-je en le regardant tristement.

Il resta immobile face au magasin, le regard fixé sur sa vitrine.

- Et chaque jour depuis, j'ai pensé à toi. À l'instant où on se reverrait. Ça s'est produit, plusieurs fois même. J'en garde des souvenirs qui ne s'effaceront probablement jamais de mon esprit. Que mes sentiments soient réciproques, j'y croyais pas. Jusqu'à cette nuit à Paris où tu m'as battu à la course de trottinettes électriques.

Je souris tristement en y pensant.

- À cet instant où nos mains se sont touchées, où tu as avancé tes doigts vers les miens, continua-t-il.

Il soupira et se tourna vers moi. Je l'imitai sans dire un mot.

- Je veux qu'on fasse plein d'autres courses de trottinettes ensemble. Je veux te devoir une quantité astronomique d'autres petits déjeuners et observer Paris à l'aube avec toi. Mais je suis perdu et je ne veux pas attendre éternellement quelque chose qui ne se produira peut-être jamais. Alors j'aimerais que tu me dises si oui ou non mes sentiments sont partagés.

Mes yeux plongèrent dans les siens, et je dû lutter contre moi pour ne pas prendre sa main.

Doucement, je m'approchai de lui puis je rejoignis mes mains sur sa nuque. Il fronça les sourcils puis il posa les siennes sur ma taille. Mon cœur battait rapidement, et je sentis mes joues s'embraser. Je m'approchai lentement de son visage et je fermai les yeux. Nos lèvres n'étaient plus qu'à quelques centimètres...

- Eh, Soluna ! T'es dans la Lune.

Florian claqua des doigts devant moi pour me faire revenir à la réalité. Je clignai des yeux et réalisai que je m'étais égarée dans ma tête.

- Pardon.

C'était l'instant que je redoutais. Je savais que ma décision mettrait un terme définitif à notre relation et serait irrévocable. Pourtant, il le fallait.

- Je suis amoureuse de Charles. Certes, il y a des hauts et des bas dans notre relation mais mon amour pour lui reste intact. 

Faux.

Je le vis déglutir et rompre notre contact visuel. Je rajoutai alors une dernière phrase.

- Je préférerais qu'on s'éloigne un temps l'un de l'autre, je suis sincèrement navrée.

Des excuses, je lui en devais une quantité importante.

Navrée d'être tombée amoureuse de toi.
Navrée d'avoir laissé un manipulateur entrer dans ma vie.
Navrée de tenir trop à mon image pour m'autoriser à croire en cet amour entre nous.
Navrée pour la soirée et les éventuelles prochaines journées qu'on va passer l'un en pensant à l'autre.
Navrée de te dire que pour ta propre sécurité, il est mieux que tu restes aussi loin que tu le peux de Charles et moi.

Quand Florian posa de nouveau son regard sur moi, je vis ses yeux briller. Il semblait retenir ses larmes. Mon cœur se serra et je le pris doucement dans mes bras. Une dernière étreinte...
Je sentis ses mains sur poser sur mon dos et je dû à mon tour faire un effort surhumain pour ne pas pleurer. Je savais que je devrais attendre que Charles ne veuilles plus de moi pour être libre. Mais je devais également me préparer à accepter de voir l'homme que j'aime avec une autre. Après tout, peut-être que mes sentiments n'étaient que passagers... du moins, c'est ce que j'espérais.

En me détachant de lui, je reniflai discrètement. Il avait la tête baissée. Sans doute ne voulait-il pas que je le voie comme ça. Sans que je ne m'y attende vraiment, il prit la parole.

- Ça m'aurait fait moins mal si c'était vrai. Mais je me doute que tu mens. Je l'ai vu dans ton regard. Je l'ai écouté dans tes battements de cœur et je l'ai senti en prenant ta main.
- Florian...
- Pourquoi... Pourquoi tu fais ça ?, me coupa-t-il avec une voix tremblante.

Je tournai la tête de gauche à droite, ne sachant pas quoi répondre hormis des excuses. La vérité m'était impossible à avouer.

- Je dis la vérité. Au revoir Florian.

Je t'aime.
Je reculai avant de me tourner dos à lui. Sans attendre de réponse de sa part, je m'éloignai d'un pas au rythme soutenu.
J'étais vouée à une relation qui ne me rendait pas heureuse.

NotesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant