XXVIII. « 'l'a fin »

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À lire avec la musique Separation de Émile Levienaise-Farrouch

Le soir où je vis Florian pour la dernière fois, il était venu sonner chez moi. Charles étant absent pour la soirée, je l'autorisai à monter.
Quand il pénétra dans l'appartement, il regarda autour de lui sans dire un mot.

- Je t'ai vu au restaurant en rentrant chez moi, il y a deux jours. Elle est jolie.
- Qui ça ?, demanda-t-il.
- La femme qui était face à toi. Vous étiez collé à une vitre, alors..., tentais-je de me justifier.

Florian fronça les sourcils.

- Tu penses que j'irais bien avec elle ?
- Oui.

Ma réponse fut si rapide qu'elle en sembla étrange.

- Vraiment ?

Malheureusement, aucun son ne pu sortir de ma bouche. Je fuyais son regard et je bus une gorgée de café.

- Tu te souviens de la nuit où on s'est appelés, et on a parlé de la Lune ?
- Oui.

Il posa ses mains sur mes épaules, je me raidis.

- Regarde-moi dans les yeux, et tiens notre promesse. Je veux que tu me dises la vérité. C'est la dernière question que je te poserai. Après je disparaîtrai, c'est promis. Je sais que je dois être lourd mais...
- Non, c'est bon.

Florian prit une inspiration et regarda le ciel avant de poser de nouveau son regard sur moi.

- Est-ce que t'es vraiment heureuse ?

Mon cœur accéléra dans ma poitrine. Il me criait de lui répondre non, mais je savais que la réponse que je devrais donner pour être en sécurité vis-à-vis de Charles ne serait pas celle qu'il voudrait entendre. Alors je dis ce que je devais dire.

- Oui.

Il lâcha mes épaules et recula de quelques pas. Son regard n'était plus du tout le même. Il était devenu froid, distant.
Je savais que je devais être cohérente avec mes propos, alors je changeai moi aussi d'attitude.

- Il fallait t'y attendre, me justifiai-je.
- Mais ton mec fait n'importe quoi avec toi ! Il t'a poussé ! Tu ne dors plus, regarde tes cernes ! Et qui sait ce qu'il te fait ou te dit quand vous êtes seuls.

Florian fit les cent pas et posa une main sur sa nuque. Après quelques secondes, il s'arrêta et braqua ses yeux sur moi.

- Ok, d'accord. Tu sais quoi ? Je... Je te pensais différente. Ouais, j'y ai cru mais j'ai été con. Encore une fois. Salut.

Il partit sans que je n'aie le temps de dire un mot. La porte se ferma, et c'est seulement à ce moment que je réalisai être devenue prisonnière de ma relation avec Charles. Les larmes me montèrent aux yeux comme la colère à ma tête. Je me dirigeai vers la chambre et je vis toutes ses affaires. Charles s'était installé chez moi du jour au lendemain. Ses vêtements étaient posés dans mon armoire, la pile de ses tickets de loto sur la table de nuit. Je ne reconnaissais plus mon espace intime. Alors je pris un de ses t-shirts et je le lançais dans le couloir.
Peu à peu, la garde-robe se vida et ses affaires étaient dispersées sur le parquet. À chaque lancer, je criais.

Connard.
Tu me rends pas heureuse.
Va te faire voir.
Je n'en supporterai pas plus.
C'est fini.

Quand ma crise de nerfs fut passée, c'est tout mon corps qui manquait d'énergie. Je pris alors une douche et je me servis un bol de pâtes. En mangeant, j'observais toutes les affaires de Charles étendues sur le sol. Je n'avais plus d'énergie.

Vers vingt-deux heures, la porte s'ouvrit. Cette fois-ci, ce fut Charles qui la passa.

- Salut mon rayon de...

Il s'immobilisa en voyant le sol recouvert de ses objets et vêtements.

- C'est quoi ça ? Qu'est-ce que tu me fais ?, demanda-t-il.

Je me levai de table et pris mon verre d'eau en main avant de m'approcher de lui. Nous échangeâmes un regard. Lui paraissait perdu, moi j'étais on ne peut plus sûre de ce que je faisais.

- Tu reviens d'où ?
- De l'hôpital.

J'arquai un sourcil.

- Tu m'as déjà dit que tu n'étais pas malade. Que tu faisais semblant.
- Ouais, bon... Je reviens de chez un pote là. Puis de toute façon qu'est-ce que ça peut te faire ?
- Je...

Mais il ne me laissa pas le temps de continuer.

- C'est vrai, pourquoi t'es tout le temps sur mon dos ? J'en parlais justement avec mon pote.
- Ton pote, bien sûr.
- Et alors, si c'est une femme en quoi ça te concerne ? Arrête de me surveiller !

Je ris nerveusement.

- Donc c'est une femme ?
- Ramasse tout ça, t'es stupide.

Il se dirigea vers la chambre sous mon regard ahuri. Charles avait le don de retourner la situation.
Toujours.

- Non.

On se tourna l'un vers l'autre, je le regardai avec provocation.

- Pardon ?
- J'en ai assez de vivre avec un homme qui me répugne. Tu me manipules et tu me prives de mon bonheur.
- Quoi ? Moi, je te manipule ?

Il revint vers moi en haussant la voix.

- JE TE PRIVE DE TON BONHEUR ?
- Parfaitement ! Et je me doute que tu vas voir ailleurs.
- T'es vraiment vache de me dire ça alors que tu m'as trompé avec un mec...
- Ne commence pas !

Cette fois-ci, je ne me laissai pas faire. Il leva sa main pour me gifler mais je reculai rapidement.

- T'es pas bonne pour moi de toute façon, dit-il en la laissant tomber le long de son corps. T'as jamais été la personne qu'il me fallait.
- Je te souhaite de trouver mieux.

Puis je pointai la porte du doigt. Il me regarda quelques secondes avant de tourner la tête de droite à gauche.

- Tu fous tout en l'air une deuxième fois. Me tromper, ça t'a pas suffit apparemment.
- Pour la millième fois, je ne t'ai pas trompé.
- Bien sûr. (Il leva les yeux au ciel) comment te croire après les enregistrements que j'ai écouté ? Je peux détruire ton image d'un simple claquement de doigts.

Je souris légèrement.

- Oui, mais tu ne le feras pas, dis-je simplement. En fait, tu vas juste supprimer mon numéro et partir très loin d'ici. Comme tu l'as dit le soir où je rentrais de week-end avec Erina, on a tous nos petits secrets, et que je doute que tu aies envie qu'un petit audio où tu confirmes ne pas être malade soit posté sur les réseaux. Ce serait dommage pour tes proches qu'ils apprennent à quel point tu es mauvais...

Je sortis mon téléphone de la poche arrière de mon jean et je le lui montrai brièvement. Aux grands maux les grands remèdes, et je n'hésiterai pas à le faire s'il tentait quoi que ce soit contre mes proches ou moi.
Charles tenta de l'attraper mais je reculai à temps. Il me regarda quelques secondes sans rien dire puis il prit ses affaires et les mis dans un sac posé sur le petit meuble d'entrée. Comme s'étant avoué vaincu, il quitta l'appartement sans rajouter un mot.

Je soupirai de soulagement, seule face à ma porte d'entrée, et une larme roule sur ma joue.
C'est fini...
Enfin.

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