XIV. « mer'c'i pour tout »

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Vendredi 17 septembre
14h17

Charles ayant rendez-vous dans un hôpital pour faire un examen, je me rendis seule à l'enterrement d'Amadeo. Ce jour-là, le ciel était gris et les nuages semblaient lourds, de grosses intempéries étaient prévues. Les funérailles se déroulaient dans une église en campagne, à la bordure de Paris.
Tout le monde était installé, j'avais passé le bonjour très rapidement à chacune des personnes ayant fait le déplacement jusqu'à l'église. Les bancs étaient remplis d'anciens camarades d'école, de musiciens et d'amis. Le prêtre s'approcha de moi pour me présenter ses condoléances et me prévenir que la cérémonie allait bientôt commencer. J'attendais de mon côté une seule personne, mais elle était en retard. Je croisai le regard d'Erina, elle me sourit tristement.
Des bruits de pas rapides me firent me tourner vers la porte.

- Pardon pour le retard, le taxi ne trouvait pas l'adresse.

Florian était essoufflé. Je baissai les yeux avant de répondre.

- Merci d'être venu...

Il posa une main sur mon bras tout en parlant bas, encore haletant.

- Ça va aller. Je.. je suis là pour toi, Soluna.

En relevant la tête, mes yeux plongèrent dans les siens. Je compris à ce moment-là que Florian était un véritable ami, et que la seule chose qui le confirmerait serait le temps. Ce dernier me semblait s'étirer sans fin depuis le décès d'Amadeo...
Je sentis plusieurs regards sur moi, mais je n'y prêtais pas attention.

- Nous allons commencer, veuillez prendre place, demanda le prêtre.

Je pris la main de Florian pour le mener jusqu'à un banc.
Le prêtre débuta, et je me perdis vite dans mes souvenirs. Mon apprentissage à la lutherie avec Amadeo, son dernier anniversaire que l'on avait fêté pendant une coupure d'électricité, la première fois qu'il m'a montré son .

- Madame Mendoza, êtes-vous avec nous ?
- Soluna, murmura Florian.

Je revins sur Terre et me sentis observée par des dizaines de paires d'yeux.

- Pardon ?
- Voulez-vous faire un éloge funèbre ?

J'y ai songé. Seulement, je n'ai pas réussi à formuler des phrases correctes.
Je décidai malgré cela de me lever et de rejoindre le prêtre. Faisant face à tous ces gens, je pris une inspiration les yeux fermés. Quand je les rouvris, je le vis lui.
Amadeo se tenait au fond de la salle, debout. Il me regardait en souriant, m'encourageant à me lancer par un signe de tête. Les larmes me montèrent aux yeux.

- Comment lui rendre hommage en si peu de temps ? J'y ai.. j'y ai songé mais je n'ai pas réussi à formuler une réponse convenable.

Je déglutis, et croisai le regard de ma meilleure amie. Son expression était triste, las, comme chacune des personnes ici. Mes yeux se portèrent de nouveau sur mon presque-papa.

- J'avais treize ans quand on m'a présentée à Amadeo, et je n'oublierai jamais son sourire ce jour-là. Il m'a transmis sa passion, la lutherie, et je n'ai pas vu passer les milliers d'heures à ses côtés.

Je baissai les yeux en souriant tristement, me remémorant ces moments.

- Il fut présent dans la majorité de mes bons souvenirs. Nos anniversaires, mes concerts, nos rires. Je l'appelais mon « presque-papa », et lui m'appelait Sol, en référence à la note de musique.

Un léger bruit me fit relever la tête, au fond de la salle. Je ne sus sa provenance. Mon regard parcourut les dizaines de personnes assises sur les bancs. Fournier, l'ami d'Amadeo, avait le visage fermé et les yeux baissés. Je crus un instant voir les traces du passage d'une larme sur sa joue.

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