IV. Monsieur Palerme

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Bon, là il faut mettre les choses au clair et très rapidement. Il faut m'expliquer ce qu'est cette embrouille. Il faut repartir à zéro, remettre les pendules à l'heure. Ce Martín vient bousculer les événements. C'est un véritable raz de marée. Berlin reste immobile, le regard rivé sur lui. Il est ailleurs et flotte dans un semblant de mélancolie passionnelle et destructrice. Ca aurait pu être moi, mais c'est ce type. Son attention ne le lâche pas. Il respire fort, sa cage thoracique se lève frénétiquement. Ils restent muets et se toisent. Une tension palpable émerge de la scène et je suis là, devant eux stoïque comme une idiote. Est-ce que quelqu'un va m'expliquer ce qu'il se passe bon sang ? Je n'existe plus et j'ai la nette impression que je vais devoir laisser de la place à cet homme :

- Martín, je t'en prie, assieds toi...

- Appelle moi Palerme, on est dans un lieu public, n'oublie pas...

Un rictus se dessine sur le visage d'Andrés, il l'invite d'une main tendue à venir à notre table. Il s'exécute et sort de l'ombre. Je le vois enfin. Je peux mettre un visage sur cette voix. Châtain aux yeux bleus, le nez aquilin, le menton en galoche et la mâchoire carrée. Il paraît plus jeune que mon amant, la trentaine, à peine plus âgé que moi. Trapu, le costume qu'il endosse ne le met pas en valeur. Quelle ironie, moi qui pensais que Monsieur Elégance ne s'entourait que de personnes dignes de sa prestance. Ses doigts s'aventurent sur le col de sa chemise, il le replace correctement en ne manquant pas d'effleurer son épiderme :

- Un homme comme toi doit être impeccable de la tête aux pieds.

Berlin lui rend un sourire flamboyant et se laisse faire. Il aime être au centre des attentions. Il aime quand on le remarque. Quoi qu'il en soit, Martín ou Palerme prend une chaise et la positionne entre nous. Sa main parcourt la joue de son ami et il embrasse le coin de son front avant de s'asseoir. La tension redescend doucement. J'attends. Les secondes paraissent longues et la gêne qui avait pris place lors de son entrée s'accentue. Il reprend soudainement en s'exclamant haut et fort :

- Tu ne croyais tout de même pas que j'allais te laisser risquer ton cul en Autriche ?!

- Pourquoi pas.

-  Je t'ai littéralement sauvé. Ils t'auraient fait parler sous la torture !

- Tu avais une mission et tu l'as mené à bien tel le bon Samaritain que tu es.

- Je ne t'aurais jamais laissé aux flics. Ils t'auraient abîmé et je n'aurais pas pu vivre avec un tel gâchis sur la conscience.

- C'était ton devoir, ta dévotion envers ma cause. Notre cause.

- Je n'aurais pas dû te laisser partir après ton rétablissement, tu m'as manqué.

- Je ne pensais pas manquer à une pute d'Argentin.

- Arrête ça, tu le sais. Tu sais que tu me manques. Toujours. 

- Je devais rentrer, je devais retrouver une femme.

- Les femmes, toujours les femmes !

- Elles ont une place importante dans mon cœur.

- Tu y as ta place aussi dans le mien.

- Elles valent mieux que toi Martín, et dans de nombreux domaines. Elles sont extraordinaires, tu ne me feras pas changer d'avis. 

- Tu veux vraiment tester mes compétences en matière de sexe ?

- Non, sans façon.

Est-ce que j'entends ce qu'il vient de dire ? Est-ce que je réalise ou mes oreilles ne veulent pas l'admettre. Andrés est odieux. Il replonge dans ses tourments et s'éloigne de ses instants de philosophe bucolique. J'ouvre de grands yeux ronds en les écoutant. A quoi jouent-ils ces pseudos mâles dominants qui discutent comme si je n'étais pas là :

II. Ciao Bella [TOME 2 - La Casa de Papel | Money Heist]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant