XI. La traque

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La tension monte, je sens mes muscles s'engourdirent à chaque pas. Nous avançons vers l'entrée, le menton relevé et fier. Palerme et moi devons jouer le jeu, l'illusion doit être parfaite... Il en va de notre survie. Je vous avoue que la boule qui a pris naissance dans le fond de ma gorge ne cesse de grandir. Et s'il nous découvrait ? S'il découvrait notre véritable identité ? Imaginez la scène, cet enfoiré de Pedro nous balancerait ses hommes, ils nous ligoteraient et nous enfermeraient dans une pièce close, dépourvue de lumière. Ensuite, peut-être prendrait-il le temps de réfléchir à une sentence, mais quoi qu'il en soit, on souffrirait... Les règlements de comptes se terminent ainsi et la finalité est le bain de sang. Mon dieu, si vous nous voyiez ! Je me sens presque déguisée fringuée de la sorte. Ma robe moulante est à la fois magnifique et provocante, tout pour qu'un cartel ait les yeux braqués sur moi. Martín lui, porte un costume cintrée qui lui va à ravir, j'admets qu'il est bel homme. Ne me dites pas que mon ressenti envers lui a changé, et pourtant je le considère avec davantage de respect qu'il y a plusieurs jours. Le contexte et la situation me direz-vous. Il a son charme qui fait un petit effet et son regard qu'il maintient pétillant malgré les tristes événements ne peut laisser indifférent. Palerme inspire sur le moment une confiance que je n'avais pas encore vu se dégager de sa personne. Ce n'est pas la même assurance qu'il avait avec Andrés, non. Cette fois-ci, ce n'est pas purement egocentrique mais mature. Il a pris un élan de maturité en une fraction de secondes, le temps de réaliser que l'homme de sa vie risquait de mourir. Alors que nous montons les escaliers, il repasse de sa main le pan de sa veste :

- Allez Rome, dis moi la vérité, j'ai l'air de quoi ? D'un manchot maladroit ou d'un dandy exubérant ?

- Tu sembles très distingué.

- Te fous pas de moi, tu me trouves comment ? Je n'ai pas l'habitude de porter des vêtements de luxe. Ce style de classe, ce n'est pas pour moi. Je ne suis pas lui...

Tiens, voilà que sa confiance légendaire vacille ! J'en serais presque déçue, néanmoins, je connais la raison de son questionnement. D'ordinaire, le luxe est réservé à Berlin, c'est sur lui que l'attention se porte et son second panique à l'idée de lui voler la vedette. Je souris tendrement sous cette pensée, il est craquant cet idiot de Latino, juste un gamin qui perd les pédales dans un monde à cent à l'heure, sa boussole n'est plus à ses côtés pour le diriger :

- Respire ! On arrivera à se fondre dans la masse sans aucun problème...

- Le Professeur nous a filé de nouvelles identités.

- La tienne te va comme un gant !

- J'ai une tronche à m'appeler Alberto ? Sérieusement ?

- Alberto Abril, ça ne sonne pas très "narco" mais au moins, tu ne seras pas de suite fiché... Je joue le rôle de ta femme, ne viens pas râler vis-à-vis du meilleur rôle.

Il éclate de rire, un rire nerveux et tendu. Je le rejoins dans la blague tandis que nous arrivons devant les videurs qui gardent les entrées comme Cerbère devant les Enfers. Ils nous arrêtent d'un geste brusque et nous demandent notre carton d'invitation :

- Si vous souhaitez entrer à l'Éphémère, vous devez nous montrer votre invitation.

Martín grimace en détournant le regard, faisant mine d'être déboussolé sur le moment, puis avec la plus grande des supercheries, il s'exclame haut et fort :

- Suis-je bête messieurs, j'ai cru pendant un instant l'avoir oublié à la maison ! N'est-ce pas chérie ?

- Alberto est tête en l'air, il égare tout...

Je suis impressionnée, la sensation de me trouver face à Berlin prend forme. Il agit comme lui, un véritable comédien. Il se dresse et respire en profondeur, ses yeux sont clos. Il maitrise ses sens, je ne l'avais pas encore vu si confiant. Je sais de qui il tient et je sais de qui il s'inspire. Tout ceci promet d'être exceptionnel malgré la Faucheuse qui nous nargue de sa faux. Ca pue la mort à plein nez, c'est écœurant et dérisoire de se savoir si proche de la fin. Une libération paradoxale... On essaie de détendre l'atmosphère tout en enfilant nos nouveaux costumes. Rien de très convainquant, l'appellation intime de mon mari ne paraissait pas si naturel que ce qu'il aurait voulu. Il sort de sa poche intérieure le précieux sésame. Les deux molosses les examinent avec minutie. Ils sont d'un froid glacial et, à la fin d'une interminable minute qui m'a fait ressentir des frissons d'angoisse, ils nous ouvrent enfin les portes. Le grand portail du théâtre s'ouvre, c'est une scène magistrale, entrer dans un tel endroit est un souvenir que nous n'oublierons pas. Mon acolyte me susurre à l'oreille :

II. Ciao Bella [TOME 2 - La Casa de Papel | Money Heist]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant