VI. Le retour du Professeur

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Sur le coup, j'ai eu envie d'exploser. Je me suis sentie aussi bouillonnante qu'une cocotte minute prête à éclater. Palerme a contacté le Professeur, mais Palerme a contacté le Professeur dans des circonstances qui ne tournent pas à notre avantage. Quand je dis "notre avantage", je parle de Berlin et moi. Ce fou est prêt à remettre le couvert. Influencé par son acolyte, il est à deux doigts de se lancer dans une quête qui est déjà perdue. 

Il m'a nargué alors qu'il patientait au bout du fil. Avec une grimace amusée, le Sud Américain a joué avec ma patience. Les nerfs à vifs, j'étais spectatrice du jeu de pouvoir entre les deux hommes. L'un pourrait se sacrifier par amour tandis que l'autre sacrifierais sa vie par ego. Les minutes m'ont semblé être une éternité, mon amant se mordait la lèvre sous la tension. Lui aussi était pressé, en attente d'une réponse du Professeur. Non pas qu'il était anxieux car il savait pertinemment que ce dernier allait lui en mettre plein la gueule. Non. Andrés est un penseur idéologique, un éternel idéaliste. Quoi qu'il arrive, Martín le suivra et il ira jusqu'au bout de son plan. Il avait seulement besoin de l'élément déclencheur. Le coup de pouce qui le ferait plonger, sauf que ce coup de pouce s'appelle "Sergio" parce qu'il ne laissera jamais son frère sans défense. Il mettra tout en œuvre pour le sortir de ce foutoir et il fera aussi parti du braquage, inconsciemment. Il l'a déjà fait avec la Fabrique, ce n'est pas la Banque d'Espagne qui va l'effrayer. Au fond, bien sûr qu'il aura peur. Il a déjà mesuré les dégâts il y a un moment, mais ce n'est pas le lieu en lui même qui le ferait paniquer. On ne panique pas facilement après avoir braqué la Fabrique de la monnaie et du timbre. C'est juste qu'il ne saura pas comment limiter la casse. Ce sera un gros coup et Berlin a plus de chance d'y rester que de mourir à cause de sa foutue maladie de merde. Quel paradoxe ! Il ne tiendra pas les premières heures, c'est du suicide. Tout n'était qu'une question de temps.

J'attendais ce jour comme le messie, le retour du Professeur, son come-back ! A peine Palerme avait-il raccroché qu'il avait sauté dans le premier avion direction Vienne. Il guettait cet appel avec impatience. Il voulait revoir son frère, il voulait des explications. 

C'est le jour J. Les deux zigotos avec qui je partage dorénavant ma vie ne se sont pas lâchés de la matinée. Ils discutent et blaguent de leur passé commun. Berlin observe souvent sa montre, l'index reposant sur ses lèvres fines. Son cœur tambourine fort, il sait que ça va être un moment important. Il ne sait pas à quelle sauce il va être mangé mais il sait qu'il sera le plat d'exception. Un met qui ravive les papilles douloureusement marquées par le deuil. Aujourd'hui, les clients de l'hôtel ne sont pas nombreux. Etrangement. Bizarrement. Tout est calme jusqu'à ce que la sonnette retentisse. Cette fameuse sonnerie clichée qui rappelle à l'ordre la réception. Elle sonne, elle cogne à mes oreilles. Le petit bruit strident de la cloche me fait grimacer. J'ai les nerfs en boule, un rien m'irrite. Le réceptionniste se présente, l'échange est rapide. L'homme lui montre ses papiers, des faux assurément. Il ne va pas dévoiler sa véritable identité. Le jeune acquiesce, il passe un coup de fil. L'Espagnol et le Sud Américain peuvent entrer en scène. Ils se précipitent dans le hall et le toisent. Les regards insolents, ils épient son dos alors que l'autre attend. Cet inconnu, qui porte un costume trop large pour sa carrure replace ses lunettes sur son nez. Il tapote soudainement son pied au sol. C'est frénétique, ça part d'une pulsion qui l'envahie :

- Regarde le en train d'attendre notre arrivée...

- Dis moi, hier... Tu lui as dit au téléphone qu'il pourrait attendre longtemps ?

- Non, mais j'admets que le regarder de loin est plaisant. Je pourrais y rester des heures !

Sergio Marquina. Le Professeur est bien là. Ils ricanent discrètement, je décide d'intervenir, s'en est trop. Ils se foutent de la gueule du monde ces deux là. Je trottine en accélérant la cadence, mes pas sont lourds dans les escaliers. Je lâche la rembarre pour sauter la dernière marche. Une fois à leur hauteur, je les écarte en les poussant sur les côtés pour passer :

II. Ciao Bella [TOME 2 - La Casa de Papel | Money Heist]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant