XII. Braqueur un jour, braqueur toujours

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Mes talons me font un mal de chien, mes pieds gonflent au fur et à mesure des mes pas effrénés. Je n'ai pas pour habitude d'en porter, j'ai fait l'effort pour Berlin durant nos soirées mondaines mais faire un casse en escarpins n'est pas chose aisée. Dans ces moments, l'on préfère le confortable et la paire de bottes que j'enfilais était parfaite. Palerme me file entre les doigts, il échappe à mon champ de vision en s'engouffrant dans la foule. Il bouscule avec négligence les invités, je rattrape son erreur en m'excusant platement. Les regards méfiants sont sur nous, les gardes du corps nous pistent. Les tremblements secouent mon corps, je ressens la peur m'éviscérer. C'est exactement la même sensation que lorsque nous nous sommes évadés de la Fabrique. Je sentais la mort me coller aux basques, je la sentais jusque dans les moindres pores de ma peau. Cette odeur putride m'est restée pendant plusieurs jours, accompagnée de l'arrière goût âpre en bouche de la terreur que l'on ressent. C'est une chose indescriptible jusqu'à ce qu'elle nous saisisse. Ca ne prévient pas mais lorsque ça nous prend, on est pétrifié sur place. Il n'y a que l'instinct de survie qui nous anime. Si on réfléchit, on crève, si on s'arrête, on crève. Les secondes sont nos plus précieuses alliées.

Alors voilà ce qui me glace, me ramenant des mois en arrière. J'ai une foutue envie de chialer, de déverser des larmes de colère, de honte, de culpabilité, de peur. Qui n'aurait pas la trouille en de pareilles circonstances ? Les gémissements graves de Marseille me permettent de rester consciente, d'après ses dires, les Chicanos ont sorti leurs calibres. Ils ne nous mettent pas en joue par discrétion, ne souhaitant pas gâcher la tournure de la soirée. Néanmoins, ils les ont bel et bien sorti. Les balles peuvent fuser à tout moment, il ne leur faut qu'un lieu de retrait, loin des convives.

J'ai du mal à respirer, les battements de mon cœur sont si forts qu'ils me font grimacer de douleur. Je vois Palerme s'éloigner, l'esprit agité par le souvenir de son amant impossible. Est-il en plein rêve ? Impossible à deviner, il faut à tout prix que je le rattrape afin d'obtenir des explications. Il emprunte les escaliers qui mènent à l'étage. Puis, s'engouffre dans un long corridor où se trouvent les suites réservées aux clients les plus fortunés. Le théâtre a la renommée de pouvoir présenter des spectacles tout en hébergeant. Bien entendu, il faut mettre la main au porte monnaie mais les visiteurs de ce lieu n'ont pas besoin de questionner sur la somme à débourser, croyez-moi... Je sens des présences dans mon dos. Fourbes, elles restent à l'écart mais n'en demeurent pas moins menaçantes. Le Croate nous suit aussi, l'index à l'oreillette tandis que son autre main se prépare à dégainer pour nous protéger :

- Martín, je t'en prie attends moi...

Des larmes de désespoir coulent de mes paupières, je ne peux pas y croire. Nous ne courons pas après Berlin non, nous courons après la Mort. Et la Faucheuse elle, est sur nos pas. Elle nous trace avec mesquinerie, nous laissant penser y échapper mais personne ne peut passer entre ses filets. Même l'autre con en costume de velours a cru la berner dans le tunnel de la Fabrique de la monnaie et du timbre. Pourtant, ses jours sont comptés, son traitement ne suffit plus et il dépérit chaque jour un peu plus :

- Martín, arrête toi...

Il continue sa course éreintante sans se retourner. Je peux ressentir la tristesse qui parcourt ses veines, il est hanté par la perte d'Andrés. Comme moi me direz-vous sauf que lui, il sait pertinemment que c'est perdu d'avance. Il n'a que son souvenir auquel se raccrocher et il aimerait l'ancrer une dernière fois en sa mémoire. Mon visage est crispé, mes traits marqués défigurent le minois autrefois joyeux que j'arborais. Soudain, la présence pressentie dans mon dos s'accentue et j'entend le cliquetis d'une arme que l'on charge. Nous sommes dans leur viseur, ils vont tirer. Ils ne préviennent pas. Ce n'est pas dans leur éducation, ni dans leur tempérament. Ils n'ont pas non plus la courtoisie légendaire des véritables occupants de ce lieu. Dans un dernier élan, je puise dans mes dernières forces pour accélérer. Palerme est à quelques mètres, j'y suis presque. Un dernier effort, je tends le bras et accède à son épaule. Je m'y accroche à l'en faire perdre l'équilibre. D'un mouvement brusque, j'empoigne sa veste. Il ralentit en arrivant devant l'entrée d'une chambre. Il n'a pas le temps de réagir, je dois évincer les soupçons déjà présents sur nos véritables identités. On en a trop fait. On s'est fait remarquer. Mes doigts agrippent le tissu, je le plaque dans le recoin de la porte. Dos au mur, une seule chose me vient en tête pour camoufler nos dérapages : faire diversion :

II. Ciao Bella [TOME 2 - La Casa de Papel | Money Heist]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant