II. Vienne et ses secrets

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J'ai la sensation de voir un revenant après chacun de ses passages... Comme si je vivais un rêve éveillé. Berlin est emplit d'une immortelle vivacité. Il ne cesse de me surprendre par ce besoin maladif de courir après les secondes. Il est si beau, si vous le voyiez tel que mes yeux l'observent. Sur le moment, il arrive le sourire carnassier. Ses joues se sont légèrement creusées. Les mois qui nous ont séparé l'ont vieilli. Ses cheveux sont ébouriffés et ses tempes sont plus grisées qu'auparavant. Ses orbites sont soulignés d'infatigables cernes qui témoignent de son repos minime. Je me rends compte que je le sublime. Je suis plus prudente mais moins lucide. J'ai du mal à être objective... Vous le sentez venir le coup foireux qui me ferait basculer ? Il pourrait monter n'importe quel coup... Je ne serai pas en mesure de réfléchir. Mes journées sont rythmées par cet hôtel particulier qui me permet de vivre dans la luxure du braquage, puis, il est là. Il me rappelle qui je suis et d'où je viens. Il est sur tous les fronts. Lorsqu'il ne lit pas, il écrit. Lorsqu'il n'écrit pas, il peint. Lorsqu'il ne peint pas, il médite. Andrés est fascinant. Je l'observe avec attention, la mine radieuse. Malgré l'appréhension de le voir si soudainement changé, mon âme ne peut qu'apprécier ce revirement de situation. Je ne pourrais pas me vanter d'en être la cause. Je ne suis personne. Je suis une braqueuse. Une putain de braqueuse qui savoure les billets qu'elle a entassé avec une pointe d'amertume. Toutefois, elle s'évapore dès qu'il apparaît dans mon champ de vision.

Il s'apprête à traverser l'entrée pour trouver les jardins. Cependant, il se retient un instant, puis songeur, pose le verre de vin rouge qu'il sirotait sur l'instant. Il admire l'escalier en marbre qui mène aux étages, puis pointe d'un doigt expert le miroir d'or et d'ivoire qui orne le mur. Il est dans son élément :


- Je ne me lasserai jamais de cet endroit...

- Il renferme beaucoup de souvenirs

- Il est témoin de notre réussite ! Chaque homme devrait avoir l'opportunité d'ouvrir le livre qu'il a écrit et de parcourir les pages en se souvenant.


C'est peut-être mon hôtel, mais c'est bien lui qui dirige. Il mène la danse et je suis. Nous sommes complets, nos clients sont réguliers. Nous n'avons pas à nous plaindre. Berlin reprend sa route et ouvre la baie vitrée qui mène au jardin privatif. C'est ici qu'il se sent le mieux. C'est ici que l'inspiration le saisit. Il me montre son dernier tableau, la figure illuminée par la fierté :


- J'ai reproduit ma vision du monde. J'ai mis mes tripes dans cette toile. J'ai pensé à toi en la peignant. Tu m'as beaucoup inspiré ! Qu'en penses-tu ? Ton opinion m'importe... C'est une valeur sûre.


Je suis flattée, il sait comment manier les mots. Je lorgne sur les couleurs en tentant de me mettre dans sa peau. C'est une œuvre qui raconte une histoire. Belle et triste à la fois. Durant quelques secondes, j'essaie de l'imaginer. J'essaie de la ressentir en tant que condamné. L'espoir et la mort. Un frisson me transperce. Andrés se rattrape à ce qui lui permet de se sentir vivant. Le peu qu'il lui reste. L'art. L'art et les femmes. L'art et la sensualité. Je rougirais presque en imaginant ce qu'il peut se passer dans sa tête. Il le remarque et s'impatiente :


- Certes, ce n'est pas digne d'un Dali...


L'humilité ! Monsieur Élégance fait preuve d'humilité ! Je crois rêver. Je mets fin à son attente illusoire en le complimentant. Après tout, qu'est-ce que je pourrais dire hormis le féliciter ? Je ne sais pas peindre, je ne ferais guère mieux que lui. Il a déjà une expérience en la matière puisqu'il nous l'a déjà démontré à de nombreuses reprises quand on était au manoir. Nous dessiner était son passe temps favori. En deux coups de crayon, il faisait le portrait de chacun d'entre nous :

II. Ciao Bella [TOME 2 - La Casa de Papel | Money Heist]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant