VIII. Décadence à l'état brut

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J'ai toujours été une nana qui faisait la fête. J'ai toujours profité de chaque moment que la vie m'offrait. Ce n'est pas pour autant que je n'ai pas connu de déboires. Depuis que ce foutu casse a scellé une partie de mon avenir, je vois les choses autrement. Lorsque j'étais avec Berlin, le rythme effréné de notre routine à cent à l'heure me faisait tenir. Désormais, il m'accable un peu plus. Je me sens lourde, piégée dans une bulle où je suis obligée de faire semblant. Je n'ai pas envie de faire semblant que tout va bien. Je n'ai pas envie de risquer ma peau juste pour le plaisir d'une soirée arrosée. Je me la joue chiante sur les bords mais je suis exténuée. Les trois amis marchent en avant, les deux voleurs entourent le type coincé qui ne sait pas non plus dans quel genre de soirée il va mettre les pieds. Ils tentent de lui vendre du rêve et lui racontent ce à quoi il doit s'attendre.

C'est une discothèque en vogue, réputée pour sa clientèle jeune et fortunée. Ce n'est pas le repaire dansant des vieux à la recherche d'un encas, ni même celui des écervelées qui se baladent en talons aiguilles et robes moulantes. Je fais dans les clichés et je vous rassure, je n'ai jamais été de la sorte. Je faisais la fête "à la Berlin" et je ne fréquentais que ce qui était fréquentable. De toute manière, l'autre grand con ne m'aurait jamais adressé la parole si je n'avais pas su me tenir lors de notre première rencontre. Au loin, les néons de la façade illuminent le quartier. Il y a déjà du monde à l'extérieur qui attend en file indienne. Trois videurs gardent l'entrée et filtrent les venues des visiteurs :

- Ces types n'ont pas l'air aimables... Martín, tu ne voudrais pas leur faire ton plus beau sourire pour nous faciliter l'accès ?

Il ne répond pas et fulmine. Il n'a toujours pas digéré son entrevue avec Berlin. Ce dernier se moque de lui durant quelques secondes en ricanant. Puis, avec soin, il lui tapote la joue en bombant fièrement le torse :

- Qui aurait besoin d'un pass pour entrer dans un club quand on a braqué la Fabrique du timbre et de la monnaie.

- Andrés, tu ne vas tout de même pas les payer pour avoir le libre accès ?

- Le libre accès ? Tu veux rire ! Je veux passer devant tout le monde ! Ce soir, c'est ta soirée Sergio et je veux le meilleur pour mon frère. Je vais privatiser une partie du club !

Le temps de discuter avec les trois gaillards, il sort son portefeuille de la poche de sa veste. Il se pavane et leur tend. Les regards sont braqués sur l'échange. Je scrute les environs. Je connais ce genre de situations et je sais exactement ce que je dois chercher. Et surtout le plus important, je sais où trouver. J'ai seulement besoin de m'évader à l'abri des plus curieux. Les voix qui retentissent me donnent l'avantage de me camoufler dans la masse. Le brouhaha incessant des fêtards attire les attentions. Je me faufile discrètement derrière la file d'attente. Mes trois amis n'ont rien remarqué, ils sont trop préoccupés par la transaction. Andrés est énergique, il présente son frère. Martín lui, boude mais se déride un peu. Il va devoir faire des efforts lui aussi. Mon cœur bat vite, j'ai la sensation de retrouver mes anciennes habitudes. Elles réapparaissent vite. Ça en est presque naturel. Mes yeux virevoltent à toute allure. Ils détaillent mon environnement et ne manquent aucun recoin. Soudain, j'aperçois ce que je cherche. Le fruit de ma trouvaille est en face de moi, entre les mains d'un petit groupe qui n'inspire pas confiance. Cependant, la confiance, moi je l'ai ! Je vais à leur rencontre en restant tout de même méfiante. L'un d'eux, originaire d'Amérique latine et rasé de près m'arrête d'un signe de main :

- Chica, c'est pour quoi ?

- Tu sais pourquoi je suis là.

Indécent, son acolyte me reluque. Il est tatoué de la tête aux pieds. Il affiche un sourire salace avant de prononcer :

II. Ciao Bella [TOME 2 - La Casa de Papel | Money Heist]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant