13. La révélation

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En rentrant à la maison, je filai dans ma chambre et m'effondrai sur mon lit. Je m'endormis presque aussitôt. J'étais épuisée. Une heure plus tard, ma mère vint me réveiller. Je descendis dîner et ratissai toute mon assiette en un temps record. J'étais devenue un véritable aspirateur à bouffe ! Puis, je remontai dans ma chambre, me déshabillai et m'allongeai à nouveau sur mon lit, en sous-vêtements.

J'étais là, immobile, à observer le plafond lorsqu' «il» bougea à nouveau. Je retins mon souffle et posai une main sur mon ventre, à l'endroit où j'avais senti le truc. J'attendis. Au bout d'une minute, «il» bougea encore et je senti alors clairement une pression sur ma main. Je la retirai à toute vitesse, comme si je venais de toucher une plaque brûlante.

C'était très étrange. C'était incompréhensible. Je gardai les yeux braqués vers mon ventre, guettant un autre mouvement. Mais rien ne se passa. «Il» devait s'être endormi.
Oh mon dieu... ça y étais. Je réalisais. Ce n'était pas un truc que j'avais dans mon ventre, c'était un bébé. Je l'avais vu. J'avais peut-être regardé vite fait, sur l'écran de la radiologue, mais l'image s'était profondément imprimée en moi. J'avais vu ses petits doigts, et il y en avait bien cinq. J'avais vu sa tête, son petit corps replié en chien de fusil. Ses jambes, ses pieds. C'était un être humain que j'avais à l'intérieur du ventre. Il était parfaitement constitué et il bougeait à présent. Il m'avait touchée. Il avait posé son poing, ou son genou, ou son pied peut-être, sur ma main à moi. Est-ce qu'il l'avait fait... exprès ?

Je ne savais pas ce qui était entrain de se passer en moi, mais il se passait des choses. Je ne ressentais rien parce que j'étais anesthésiée. J'étais sous le choc.

Je soupirai. Il fallait que je pense à autre chose, vite. C'était trop préoccupant. J'ouvris le tiroir de ma commode. J'avais un bouquin, là-dedans, si mes souvenirs étaient bons. Je soulevai deux-trois trucs... et tombai sur une photo de julien et moi, prise au printemps dernier. Il me regardait, penché vers mon visage, un grand sourire aux lèvres. Il y avait de la tendresse dans ses yeux. Et moi, je le regardais aussi avec un air... follement amoureux. Je pris la photo et la fixai, longuement.

Un bruit d'engueulade me tira de ma contemplation. C'était mes parents encore. Ils n'arrêtaient plus ! Toutes les semaines, ils se bouffaient le nez. Je me relevai, enfilai un peignoir et montai les escaliers vers leur chambre, en catimini.
Je me planquai derrière leur porte. Ils parlaient de moi, évidemment. J'étais la cause de tous leurs soucis.
- Si au moins on connaissait le père, râlait le mien.
Ma mère ironisait, acide :
- T'as raison... ça changerait tout ! On pourrait les installer dans un petit appartement et ils formeraient une jolie petite famille !
- J'ai pas dit ça ! Mais au moins, ce gosse aurait un père pour le reconnaître et lui donner son nom !
Et ils continuaient comme ça. J'avais envie de me boucher les oreilles ou de partir loin, très loin.
Il fallait que ça cesse. Je pouvais tout faire cesser. Si ça leur prenait tellement la tête...
Je m'encadrai dans la porte. Ils ne me virent même pas tellement ils étaient concentrés à se crêper le chignon.
- Tu me prends pour un con, là ! gueulait mon père.
- Non, mais tu refuses de voir la réalité en face ! Je commence en à en avoir marre ! ripostait ma mère.
- Écoutez-moi ! je criai.
Mais ils ne m'entendaient pas.
- Moi aussi, figure-toi, j'en ai marre ! hurlait mon père. Et plus que tu ne le crois !
- Arrêtez ! Temps mort ! je criai une seconde fois en m'avançant dans la pièce.
- Et ça veut dire quoi, ça ? hurla ma mère en fusillant mon père du regard.
Il ne m'avaient toujours pas entendue ! Tant pis... je pris une grande inspiration et je hurlai de tous mes poumons, pour couvrir leurs voix.

- Le père, c'est Julien !
Ah, voilà, j'avais réussi à leur couper le sifflet ! Ils ne mouftaient plus. Ils me regardaient, les yeux ronds comme des soucoupes.
- Oui, Julien, repris-je. Et je crachai, dégoûtée, en regardant mon père droit dans les yeux : Le fils de ton copain proviseur !

Ils restèrent tous les deux, la bouche ouverte, encore un petit moment. Et puis ma mère se retourna vers le paternel. Et lui, il leva les yeux au ciel en soupirant :
- Putain ! putain ! putain !

Oh oui, là, pour une fois, j'étais d'accord avec lui. Putain !

Clem maman trop tôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant